Leurs profits ne nous empêcheront pas de vieillir solidaires
Le capitalisme a cela de « bon » : il ne
recule jamais quand il s’agit de faire du fric. Il profite (c’est le cas de le dire)
de toutes les opportunités et il s’organise en conséquence sans scrupule et
sans morale bien sûr ! Un livre-enquête de Victor Castanet, actuellement
en librairie, intitulé « Les fossoyeurs », nous raconte par le menu
les pratiques d’Orpéa, le leader mondial des Ehpad.
Les vieux
dans la société
Si on avait encore quelques illusions, on y trouve une
magnifique illustration du peu de cas des aînés, fait par le pouvoir et les
institutions privées qu’il cautionne. On s’en doutait un peu à voir
l’acharnement mis par les gouvernements successifs à réduire le montant des
retraites, à reculer l’âge à partir duquel il est possible d’en jouir. On en a
eu quasiment la certitude quand on a vu ce que devenait une promesse
électorale : celle de la loi sur la dépendance, enterrée. L’image est
parlante !
L’indécence suprême dans le débat sur ces questions est dans
la présentation qui est faite d’une avancée médicale, sociale, impensable au
début du siècle précédent : l’allongement moyen de la durée de vie, on vit
plus longtemps, on peut presque tous devenir vieux.
Une
catastrophe ?
Pour les pouvoirs une catastrophe (on ne le dit pas), mais on
calcule combien cela va coûter, combien
les déficits publics vont augmenter, combien la charge pour la société risque
de devenir insupportable. D’où le recours aux capitaux privés (et à leurs
détenteurs) et à leur logique imparable : saisissons l’occasion pour avec
quelques investissements judicieux, avec des protections haut placées faire
encore plus de sous. Le capital ne rêve que d’en accumuler toujours plus.
Ici, c’est sur le dos de celles et ceux qui ont travaillé
leur vie durant pour construire la richesse du pays et peut-être en attendre un
juste (c’est exactement le mot qui convient) retour des choses.
Se gaver
Les ehpad privés, à but lucratif vont s’engouffrer dans une
démarche qui est d’autant plus florissante que le secteur public a du mal à
faire face. C’est le moment où se met en place une loi Hôpital qui cherche à en
réduire drastiquement les moyens. La
demande est là et les ehpad privés auront à leur merci une clientèle fortunée
sur laquelle il sera possible de se gaver.
Ce gavage, Victor Castanet le raconte: il a pour nom
Orpéa : on empoche le paiement des soins payés par les ARS, par les
départements en ce qui concerne la dépendance. Tout ce qui touche à
l’hébergement, est librement fixé. Les taux d’encadrement sont fluctuants. Les
protocoles de soins à géométrie variable. Les soins médicaux pas toujours à la
hauteur. Les sommes distribuées aux
actionnaires, elles, le seront. Orpéa distribue en 2020 58 millions d’euros, soit 34% des 160
millions de résultat. Et ça continue, au 3° trimestre 2021, le chiffre
d’affaire augmente de plus de 10 %. Ce n’est pas si grave de priver nos petits
vieux de quelques couches, de quelques biscottes, de quelques animations si
l’escarcelle est pleine de pognon. On comprend pourquoi Orpéa a tenté d’acheter
l’auteur du livre.
Conclusion
Quelques remarques plus générales pour terminer. Sur les
structures hospitalières privées et lucratives, un petit séjour vous y fera
rapidement sentir la dérive mercantile qui les anime. Je parle d’expérience.
Quant à la place des anciens, des personnes âgées, des mémés
et des pépés dans un monde qui semble aller plus vite qu’eux/elles, la seule
place à envisager est au plus proche de ceux/celles qu’elles/ils ont
nourri(e)s, accompagné(e)s, aimé(e)s. Des maisons de retraite, s’il le faut,
mais jamais la solitude, la ségrégation, l’enfermement dans un face à face
mortifère avec le temps qui passe. Dans une démarche humaine et citoyenne, le
monde solidaire ne s’arrêtera pas à la porte des ehpad.
Jean-Marie Philibert