Etre ou ne
pas être woke…
Le monde des idées s’agite de plus en plus fortement autour
de cette notion dont vous devinez, ou savez, qu’elle nous vient du monde
anglo-saxon. Comme moi, vous l’avez quelque peu traitée par le mépris, ne
sachant pas quel contenu elle avait. Vous l’avez vue mise à toutes les sauces
sans savoir exactement ce qu’il fallait en penser. J’ajouterai même qu’elle me
semblait à l’image d’un temps, le nôtre, tourneboulé, politiquement,
philosophiquement, socialement et médicalement : je pense à l’initiative
de Blanquer de faire de la lutte anti-woke son cheval de bataille (c’était
avant Ibiza).
D’où ma tentative d’essayer d’y comprendre quelque chose et
de vous la faire partager.
Quezaco ?
Le mot servait à
définir un mouvement de prise de conscience (venu de l’anglais to wake, se
réveiller) des discriminations subies par les Noirs, les femmes, les minorités
sexuelles. Le terme est utilisé dans le monde afro-américain à partir des
années 60. Il refait surface à l’époque de la naissance du mouvement Black
Lives Matter (les vies noires comptent), activé après la mort de Georges Floyd,
comme slogan pour encourager la vigilance et l’activisme face à la
discrimination raciale et à d’autres inégalités. Le terme
« woke » est violemment
critiqué par ceux qui lui reprochent son sectarisme et son atteinte aux
libertés. Il est utilisé pour dénigrer ses adversaires politiques (voir
ci-dessous Blanquer, toujours ; et la Sorbonne).
La Sorbonne
à la rescousse
Le 7 et 8janvier s’est
tenu à la Sorbonne un colloque contre la pensée « woke » où il s’agissait
d’… « après la déconstruction : reconstruire les sciences et
la culture ». Rien que ça ! Blanquer en était bien sûr ! Ces opposants au wokisme le dénigrent en
comparant les wokistes à une/des
tribu(s) communautaristes qui classeraient
les sujets en fonction de leur race, de leur genre, de leur religion afin
de réclamer des réparations pour toutes les offenses subies depuis toujours.
Selon Elizabeth Roudinesco, le Monde du 21 janvier, pour les
anti-woke, les pro-woke «
ne seraient qu’un ramassis de néoféminstes, d’islamo-gauchistes, de
déboulonneurs de statues, de LGBT +++… » Par leurs outrances
ils seraient responsables des attentats subis par notre pays. Ils
gangrèneraient l’’université française…Les défenseurs de la pensée woke, eux,
les regardent comme des islamophobes,
des racistes, des misogynes et des réacs…
Au cœur de
nos préoccupations
L’opinion publique française ne semble pas profondément
contaminée par ce débat. Et pourtant les thèmes soulevés sont souvent au cœur
de la campagne présidentielle en cours, en particulier celui de la place des
immigrés de leurs cultures, de leurs religions dans notre société, et au-delà
d’une construction d’une société où chacun serait respecté pour ce qu’il est
dans un monde libre, pluriel et ouvert. Même si la hantise profonde des
anti-wokisme » : préserver ad vitam aeternam nos fondements
judeo-chrétiens, avec la blancheur qui va avec, le machisme et les injustices
qui les nourrissent. Zemmour n’est pas loin. Comme la Marine.
Quant à la droite et à l’extrême centre qui semblent vouloir
jouer aux défenseurs de la démocratie, ils se parent de ses valeurs, laïcité,
liberté, universalisme, justice, (et accessoirement les lumières et la raison)
pour attaquer la pensée « woke ». Ils les figent dans des modèles qui
les arrangent… pour que rien (ou si peu) ne change. Pour un conservatisme
congelé.
Ces valeurs, laïcité, liberté, raison, lumières… ce sont les
nôtres. A nous, les assoiffés de la justice et de la sociale d’en faire des
outils d’émancipation, peu importe l’étiquette.
Alors to be or not to be woke ?
Jean-Marie Philibert
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