Le monde et l’art.
L’art contemporain, vous connaissez ? Sans doute un
peu… et cela vous laisse perplexe. Par exemple sur les cimaises du musée de
Saint Etienne cet écriteau accroché à un balai brosse : « La
Joconde est dans l’escalier » : c’est une oeuvre d’art contemporain
de Robert Filliou. Tout comme les boites de conserves étiquetées « Merdes
d’artiste » où l’artiste italien Piero Manzoni a mis en boite ses
propres excréments. Les colonnes de Buren dans un registre moins
provocateur et plus architectural qui remplissent la cour d’honneur du Palais Royal
à Paris sont de la même veine contemporaine. Se tient actuellement à Paris au
Grand Palais la FIAC, la Foire Internationale
d’Art Contemporain où viennent se prosterner et surtout commercer tous les amateurs de ces
formes surprenantes. Vous y rencontrerez surtout des VIP, des qui-ont-les-moyens, des
zamateurs-éclairés-et-fortunés, souvent un peu snobs sur les bords. Vous ne
vous y sentirez pas tout à fait chez vous. Et ce sentiment sera d’autant plus fort que vous jetterez un œil sur le prix des
œuvres exposées. Ce n’est pas pour vous, ni pour moi.
A l’image de notre
monde.
Et je me dis que ce monde de l’art contemporain est à
l’image de notre monde dont il semble être un résumé, un condensé. Dans notre
monde nous vivons aussi au milieu de richesses considérables que nous sommes
dans l’incapacité de nous payer, qui nous sont étrangères ; nous pouvons regarder, mais nous savons
qu’elles ne sont pas pour nous. D’ailleurs nous avons parfois du mal à comprendre
ce qu’elles sont, à quoi elles riment ; nous avons du mal à en saisir le
sens. Y a-t-il un (des) sens d’ailleurs ? Nous avons le sentiment d’un
grand n’importe quoi qui nous dépasse inexorablement, nous ne sommes pas sur la
même planète. Il y aurait comme un fossé
infranchissable entre les initiés, ceux qui ont bénéficié (et ce mot est à
prendre dans ses sens propres et figurés) d’une initiation le plus souvent
sociale, et tous les autres, ceux qui
doivent l’essentiel de ce qu’ils sont à la force de leur poignet, à la sueur de
leur front, à l’intensité de leurs sacrifices, les gens, le peuple, la classe
ouvrière… Ce ne sont pas de gros mots,
mais de beaux mots.
Malgré tous les bouleversements, la classe ouvrière existe,
elle a produit la modernité, les richesses,
les biens matériels qui éveillent nos désirs, mais elle doit en être
exclue. On lui réserve quelques succédanés de façon à ne pas la désespérer
totalement. Pour le reste qu’elle se contente de regarder, de loin ; elle
ne peut pas comprendre ce qui la dépasse. Chacun à sa place voyons !
Sommes-nous
condamnés à cette caricature ?
Sommes-nous condamnés à cette société-là ? A cette
caricature de société ? Comme à cette caricature d’art ? Ces clivages
sociaux sont insupportables pour tous
ceux qui considèrent que les idées de justice, de solidarité sont les vraies
richesses de l’humanité. Il est plus que temps d’en finir avec l’exclusion du
plus grand nombre, les emplâtres mis sur nos plaies sociales ne peuvent plus
tromper leur monde. Il faut être sourd pour ne pas entendre l’expression d’une
souffrance sociale inadmissible dans un monde riche et prospère : ce que
nous sommes, ce que nous pourrions être, ce que nous devrions être de façon
beaucoup plus égalitaire. Ce sont-là des exigences morales, philosophiques et
politiques. Mais, pour revenir à notre point de départ, elles peuvent aussi rejoindre des exigences
artistiques.
La force et la faiblesse de l’art contemporain sont de
chercher dans un monde divisé et en bouleversement des formes qui expriment la
complexité et parfois l’absurdité d’une réalité qui nous échappe. Au-delà de
l’image sociale élitiste et hyper-bourgeoise que l’idéologie du jour voudrait
lui donner, ne pourrait-on pas y lire aussi la recherche sans garde-fou d’une
liberté de création, d’invention, d’expression qui est un des fondements de
l’humanité et qui est notre bien commun.
Jean-Marie PHILIBERT.
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