Les lecteurs attentifs du TC que vous êtes se sont rendu
compte que la rédaction de votre hebdomadaire favori n’a pas un avis univoque
sur la programmation du théâtre de l’Archipel
à PERPIGNAN. Il y a ceux qui pensent qu’elle est trop élitiste et peu
encline à attirer au théâtre un public populaire qui n’y va pas nécessairement,
il y a ceux qui la jugent d’un niveau
exigeant, et de qualité, en prise directe avec les créations aujourd’hui du spectacle vivant : c’est
là que réside la vraie culture populaire.
Je ne vous cacherai pas que je suis dans ce camp-là.
La présentation de l’opéra de Mozart « Les Noces de Figaro », les 4 et 6 octobre, peut m’aider à enrichir un débat fécond parce
qu’il touche à ce qu’est la culture et à son pouvoir émancipateur.
Le Nozze di Figaro est
un opéra-bouffe de Wolfgang Amadeus Mozart, sur un livret en italien de Lorenzo
da Ponte inspiré de la comédie de Beaumarchais Le Mariage de Figaro. Le Mariage
de Figaro, c’est le sommet de la carrière de Beaumarchais, qui n’est pas qu’une
carrière d’écrivain, il fut aussi agent secret, marchand d’arme et polémiste
redoutable. La pièce est jouée pour la première fois en Avril 1784, après avoir dû subir les foudres de la
censure. On y sent les prémices de la Révolution de 89. Louis XVI ne s’y était
pas trompé qui avait interdit une représentation à Versailles. Beaumarchais
s’attaque aux privilèges et aux oppresseurs. Il se fait le chantre de la
liberté « Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur… ».C’est
Beaumarchais, et il ne se prive pas.
.Même si la portée politique de la pièce est édulcorée dans
le livret de da Ponte, le personnage du Comte Almaviva incarne tout ce qu’un aristocrate peut avoir de
détestable quand il estime que la naissance lui donne tous les droits, en
particulier le droit de cuissage sur la séduisante camériste de sa femme qui
aime, et est aimé de Figaro, son valet de chambre auquel elle va se marier dans
cette « folle journée ». Et il faudra de multiples rebondissements,
le croisement de multiples intrigues, et toute la magie du théâtre et de
l’opéra pour que ce mariage ait lieu, pour que Suzanne préserve son honneur,
pour que la comtesse récupère (provisoirement ?) son comte, que Chérubin
puisse enfin exprimer tous les désirs qui l’affolent. Le tout dans une exubérance très mozartienne, les personnes,
les corps, les airs virevoltent sans cesse. La musique nous emporte dans son tourbillon. Le spectacle est aussi
visuel grâce aux décors, aux lumières et aux costumes de Jean Paul Gautier (on ne se prive de
rien). L’interprétation m’a semblé parfaite, mais ma culture musicale ne l’étant
pas, je faispel à votre indulgence. En tout cas j’ai pris un plaisir certain à
me laisser embarquer dans une aventure légère et sérieuse à la fois qui
brocarde les puissants, qui respire la joie de vivre et qui fait des femmes les
actrices les plus efficaces de notre destin d’homme. Que serait Figaro sans
Suzanne ?
Ce spectacle conforte
ma conception exigeante de la culture, y compris dans la programmation du
théâtre de l’Archipel. Je persiste et je signe.
Jean-Marie PHILIBERT.
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