PAROLES…PAROLES…PAROLES…
Le clan Alduy a fait de la métaphore de l’archipel l’horizon
indépassable de notre géographie urbaine et départementale : nous sommes
sur un archipel, nous avons un théâtre de l’archipel, une agglo de l’archipel…
Un archipel ? C’est tout simplement un ensemble d’îles. Donc à PERPIGNAN,
à SAINT-JACQUES, au SOLER, à BOMPAS, à la
REAL… nous sommes chacun sur notre île. Il ne nous manque que la
mer (mais elle n’est pas loin)! C’est très commode un archipel, parce que
quand nous sommes sur notre île, nous y restons, en nous mélangeant le moins
possible. L’archipel permet de fixer les divisons sociales qui nous empêchent
véritablement d’être ensemble, avec le sentiment que l’on est dans l’ordre
naturel des choses, et comme un parfum d’exotisme. La droite a besoin de cette
division sociale, de cet enfermement souvent communautariste dans les
quartiers, pour asseoir sa politique clientéliste. La mixité sociale et la vie démocratique
locale ne sont pas leur fort. La droite se nourrit de nos difficultés à nous
rassembler, de nos difficultés à lutter ensemble. Difficultés d’autant plus
grandes que d’un côté on souffre de plus en plus, de l’autre on s’engraisse de
plus en plus. La géographie urbaine en porte les traces, à PERPIGNAN , comme
ailleurs. Les mots, aussi séduisants soient-ils, (et
l’archipel est là pour nous faire rêver ),
ne changent rien à la chose qui nous gangrène : la division et l’injustice
sociale.
Il n’est pas absurde de voir dans cette société figée sur
une telle division une des sources des difficultés sociales, en particulier
celles des banlieues. Quand on met ensemble une population qui cumule toutes
les handicaps, on accroît les galères de chacun et on rend difficile, voire
impossible notre capacité à les surmonter, jusqu’à y voir la main d’un destin
hostile dont l’éloignement, l’isolement dans l’espace permettraient de protéger les gens bien, comme on dit.
Les réponses sécuritaires ne cessent de montrer leur
limites, d’autant que les difficultés d’intégration sont de plus en plus
prégnantes et que les réponses violentes se banalisent.
De Grenoble
L’actualité la plus récente nous offre des exemples criants et insupportables de ces
difficultés-là : l’exemple de Grenoble où l’on voit la violence entre
jeunes conduire à ce qu’il faut appeler des assassinats sans raison : ils touchent deux jeunes qui n’avaient que le tort d’habiter un
quartier jugé difficile. Cette violence aveugle qui s’y manifeste, ce
comportement collectif de horde sauvage prête au pire, cette inconscience
crasse doivent nous interroger : une telle loi de la jungle pourrait nous
conduire à penser que nos institutions sont incapables de répondre au problème.
Les sursauts citoyens, comme celui qui a rassemblé des milliers de personnes
après ce drame, sont certes des lueurs
d’espoir. Mais la voie du retissage du lien social sera longue et compliquée.
A Marseille
Autre signe de cette violence, moins sanglante, mais bien
significative : Marseille-Nord, les habitants d’une cité populaire chassent
du terrain qu’ils occupaient indument un campement de roms sous l’œil des autorités
qui laissent faire. Les moins exclus chassent les plus exclus. La solidarité
est aux abonnés absents : c’est la loi du plus fort, ou dans ce cas du
moins faible. Les difficultés des uns
justifieraient des comportements inadmissibles. Les coups de menton du Ministre
de l’Intérieur, aussi déterminé soit-il, ne sont pas en mesure d’arrêter la
déferlante.
Dans ces deux cas les mots resteront impuissants pour agir sur des choses aussi sinistres.
Nous.. Tous
ensemble, tous ensemble, tous ensemble…
Tout cela ne tombe pas du ciel, ou de l’enfer, nous ne
sommes pas dans la fatalité : ce sont les fruits de l’exclusion, de la
misère que la crise dans laquelle les
pouvoirs successifs se sont installés depuis des décennies maintenant, en
donnant le sentiment brutal qu’il n’y a pas d’autres réponses que toujours plus
de misère et d’austérité. Si nous ne nous y attaquons pas vraiment, le nous ici
a tout son sens (les pouvoirs publics, les politiques certes, mais aussi les
citoyens, les travailleurs, les jeunes, les vieux, les femmes, les hommes…),
cette crise continuera à produire des effets aussi désastreux et des
impasses aussi sinistres.
Tant que nous resterons sous la domination sans partage des
dieux de la finance, tant que, par notre
action, par nos luttes, nous ne serons
pas capables d’en revenir aux fondamentaux de l’intégration sociale, l’école et
le travail, là où se constituent, s’échafaudent,
se transmettent, les valeurs
collectives qui font notre histoire et notre avenir, les mots ne manifesteront que notre
impuissance à agir sur les choses, à agir sur le monde, et à construire un
monde humain.
Reprenons un petit coup de Marx : comprendre le monde
certes, mais aussi, mais surtout le trans-for-mer. Les choses ! Les
choses ! Enfin !
Jean-Marie PHILIBERT.
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