L’ancien et
le nouveau
Les aléas de l’histoire font que le moment que nous vivons ne
semble pas fait pour nous transporter de joie, surtout si on sait
d’expérience que les perspectives qui se dressent risquent d’y rajouter des
couches d’austérité, d’inégalités, de coups portés à la démocratie, aux
services publics, aux droits sociaux. Joie ou pas joie importent peu en fait…
Méfions-nous du télescopage des sentiments et des réalités sociales et
politiques.
L’essentiel est dans notre capacité de résistance, dans notre
capacité inassouvie à construire du neuf, là où beaucoup ne voient que des
occasions providentielles de détruire peu à peu (ou rapidement) des pans
entiers de notre monde commun issu des travaux et des luttes des femmes et des
hommes. Pour restaurer l’ancien !
L’ancien ? Le nouveau ? Les medias (voir chapitre
précédent) se complaisent à brouiller les pistes.
Les pistes
brouillées
Construire du neuf ? Les deux duettistes de la droite
vous jureront sur tous les tons, sur tous les saints, que là, dans la réforme
moderne, libérale et totalement antisociale, réside la seule nouveauté
possible, celle qui va redresser les comptes de la nation, combattre enfin le
chômage et faire le bonheur de tous les nantis…et le vôtre. Juillon et Fippé
vous assurent que ça va changer, qu’ils ont les bonnes réponses et que la casse
des services publics, la réduction a minima des prestations sociales, des
allocations-chômages, l’augmentation du temps de travail et les réductions de
salaire sont des voies royales pour le progrès. C’est du nouveau… avec le
« charme » de l’ancien … et toute la souffrance sociale qui y est
attachée. Quant aux leçons tirées de l’expérience d’une crise qui a maintenant
quelques décennies (l’inanité des remèdes qu’ils proposent et le naufrage
social qui va avec), la lumineuse clarté de la voie royale vers l’avenir qu’ils nous préparent semble les avoir
définitivement aveuglés.
Le vieux
d’jeun
Ils ne sont pas les seuls à vouloir faire du neuf avec du
vieux. Il y a le vieux rance, raciste et
nauséabond du front national, mais dans l’actualité le vieux peut aussi avoir
l’air jeune, et on peut même dire que la jeunesse est l’argument de vente
central des produits Macron qui ressemblent souvent aux produits des
duettistes, même si les choses sont dites de façon moins crue, plus d’jeun. Il
s’est fendu d’un livre de plus de 200 pages, écrit par lui-même bien sûr, qu’il
a intitulé sans rire « Révolution ». Mon dieu, j’ai peur devant tant
de nouveautés et de bouleversements. Depuis son lancement, je tente de trouver
dans la presse une évocation même succincte et rapide de ce qui pourrait
changer. Que dalle ! Les vieilles recettes, la même tambouille ! Le
jeune libéral à la trajectoire météoritique a déjà de l’arthrose.
La
tentation du neuf
En tout cas l’arthrose n’est pas partout, la lucidité, la
démocratie, le courage non plus et il en faut souvent pour faire du neuf.
Regardez la décision prise dans le cadre d’une consultation nationale par les
adhérents du PCF, appeler à voter Mélenchon à l’issue d’une débat interne vif
et en prise directe avec des enjeux politiques majeurs. C’est d’autant plus
ambitieux et courageux que le camarade Jean-Luc y a mis du sien pour rendre la
situation compliquée, alors que dans ma petite tête j’avais le sentiment qu’une
candidature unitaire vraiment de gauche pouvait ouvrir des perspectives
nouvelles. Jean-Luc, il ne faut pas avoir peur de la nouveauté.
D’autres
exemples
Trois autres exemples de nouveautés pur jus pris dans
l’actualité.
Ambroise Croizat, le
ministre communiste qui, à la Libération,
a mis sur pied dans un pays appauvri par la guerre, mais enrichi par le
sursaut progressiste et social de la résistance et de ses suites la sécurité
sociale. Un film de Gilles Perret est sur les écrans actuellement La Sociale (Des valeurs dont nous
manquons cruellement) qui raconte cette histoire. Il en narre les péripéties,
évoque les acteurs, les difficultés et les adversaires, comme aujourd’hui. De
la nouveauté à l’état brut à défendre absolument !
Comme celle qui émane d’une création musicale de Pierre Henry
en 1967, écrite pour Maurice Béjart, pour le ballet « Messe pour le temps
présent ». Rejouée à Perpignan, mercredi dernier, elle n’a pas pris une
ride. La vraie nouveauté dure !
Comme durera dans la mémoire des Cubains, dans le souvenir de
tous ceux qui pensent qu’un autre monde est possible, le souvenir de Fidel. Le
neuf peut aussi essayer de défier le
temps. Il y parvient dans la mémoire des hommes. Et c’est heureux.
Jean-Marie Philibert.