les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 28 novembre 2016

l'ancien et le nouveau


L’ancien et le nouveau

Les aléas de l’histoire font que le moment que nous vivons ne semble pas fait pour nous transporter de joie, surtout si on sait d’expérience que les perspectives qui se dressent risquent d’y rajouter des couches d’austérité, d’inégalités, de coups portés à la démocratie, aux services publics, aux droits sociaux. Joie ou pas joie importent peu en fait… Méfions-nous du télescopage des sentiments et des réalités sociales et politiques. 

L’essentiel est dans notre capacité de résistance, dans notre capacité inassouvie à construire du neuf, là où beaucoup ne voient que des occasions providentielles de détruire peu à peu (ou rapidement) des pans entiers de notre monde commun issu des travaux et des luttes des femmes et des hommes. Pour restaurer l’ancien !

L’ancien ? Le nouveau ? Les medias (voir chapitre précédent) se complaisent à brouiller les pistes.

Les pistes brouillées

Construire du neuf ? Les deux duettistes de la droite vous jureront sur tous les tons, sur tous les saints, que là, dans la réforme moderne, libérale et totalement antisociale, réside la seule nouveauté possible, celle qui va redresser les comptes de la nation, combattre enfin le chômage et faire le bonheur de tous les nantis…et le vôtre. Juillon et Fippé vous assurent que ça va changer, qu’ils ont les bonnes réponses et que la casse des services publics, la réduction a minima des prestations sociales, des allocations-chômages, l’augmentation du temps de travail et les réductions de salaire sont des voies royales pour le progrès. C’est du nouveau… avec le « charme » de l’ancien … et toute la souffrance sociale qui y est attachée. Quant aux leçons tirées de l’expérience d’une crise qui a maintenant quelques décennies (l’inanité des remèdes qu’ils proposent et le naufrage social qui va avec), la lumineuse clarté de la voie royale vers l’avenir  qu’ils nous préparent semble les avoir définitivement aveuglés.

Le vieux d’jeun

Ils ne sont pas les seuls à vouloir faire du neuf avec du vieux. Il y a le vieux rance, raciste  et nauséabond du front national, mais dans l’actualité le vieux peut aussi avoir l’air jeune, et on peut même dire que la jeunesse est l’argument de vente central des produits Macron qui ressemblent souvent aux produits des duettistes, même si les choses sont dites de façon moins crue, plus d’jeun. Il s’est fendu d’un livre de plus de 200 pages, écrit par lui-même bien sûr, qu’il a intitulé sans rire « Révolution ». Mon dieu, j’ai peur devant tant de nouveautés et de bouleversements. Depuis son lancement, je tente de trouver dans la presse une évocation même succincte et rapide de ce qui pourrait changer. Que dalle ! Les vieilles recettes, la même tambouille ! Le jeune libéral à la trajectoire météoritique a déjà de l’arthrose.

La tentation du neuf

En tout cas l’arthrose n’est pas partout, la lucidité, la démocratie, le courage non plus et il en faut souvent pour faire du neuf. Regardez la décision prise dans le cadre d’une consultation nationale par les adhérents du PCF, appeler à voter Mélenchon à l’issue d’une débat interne vif et en prise directe avec des enjeux politiques majeurs. C’est d’autant plus ambitieux et courageux que le camarade Jean-Luc y a mis du sien pour rendre la situation compliquée, alors que dans ma petite tête j’avais le sentiment qu’une candidature unitaire vraiment de gauche pouvait ouvrir des perspectives nouvelles. Jean-Luc, il ne faut pas avoir peur de la nouveauté.

D’autres exemples

Trois autres exemples de nouveautés pur jus pris dans l’actualité.

 Ambroise Croizat, le ministre communiste qui, à la Libération,  a mis sur pied dans un pays appauvri par la guerre, mais enrichi par le sursaut progressiste et social de la résistance et de ses suites la sécurité sociale. Un film de Gilles Perret est sur les écrans actuellement La Sociale (Des valeurs dont nous manquons cruellement) qui raconte cette histoire. Il en narre les péripéties, évoque les acteurs, les difficultés et les adversaires, comme aujourd’hui. De la nouveauté à l’état brut à défendre absolument !

Comme celle qui émane d’une création musicale de Pierre Henry en 1967, écrite pour Maurice Béjart, pour le ballet « Messe pour le temps présent ». Rejouée à Perpignan, mercredi dernier, elle n’a pas pris une ride. La vraie nouveauté dure !

Comme durera dans la mémoire des Cubains, dans le souvenir de tous ceux qui pensent qu’un autre monde est possible, le souvenir de Fidel. Le neuf peut aussi essayer de  défier le temps. Il y parvient dans la mémoire des hommes. Et c’est heureux.

Jean-Marie Philibert.


lundi 21 novembre 2016

humeur sombre


Humeur sombre ?

Reprenons l’histoire où nous l’avons laissée lors du chapitre précédent, il était intitulé « Compliqué »  et il tentait d’y voir un peu moins sombre  dans les perspectives de l’élection présidentielle pour ce qu’on va appeler les forces de progrès. Il en reste et nous en sommes.

Et même nous sommes persuadés que la meilleure voie de sortie de la crise profonde que connaît notre société ne passe que par elles. Mais ça bloque quelque part, on pourrait mettre au pluriel quelques parts.

Qui mettre dans le clan des progressistes ? Sans doute pas ceux qui s’emploient avec obstination à organiser les reculs sociaux au prétexte que la seule gauche possible est celle du réalisme et des mamours au patronat. La volonté populaire ne semble pas exagérément travaillée par l’ambition de secouer le cocotier des renoncements programmés, même si existent des poches de résistance. Le tissu social est profondément tourneboulé au point de perdre tout souvenir et toute conscience et de se préparer à voir un parti fasciste en mesure de prétendre gouverner le pays. Je n’ai pas tout à fait le sentiment d’une conscience collective, lucide, de la dérive mortifère en gestation.

L’idéologie du renoncement

D’où viennent ces avalanches de difficultés ? Chacun y va de son couplet, de son « ressenti », comme on dit aujourd’hui. Mais ne tournons pas autour du pot : les dégâts du chômage ont imprégné depuis des décennies le tissu social au  point de le déliter, de transformer souvent les destins en vallées de larmes. Et il a sécrété, comme anesthésiant une idéologie du renoncement dans laquelle les medias ont vu une occasion rêvée (c’est le cas de le dire) de prendre le pas sur la vraie vie pour nous vendre dans tous les sens des termes de l’aliénation à l’état pur avec la bénédiction des patronats et des gouvernements sans la moindre retenue.

Nous aider à appréhender une situation économique en constante évolution, nous inciter à anticiper sur des évolutions en cours, nous éclairer sur les enjeux de développement qui peuvent s’y percevoir, nous rendre compte des débats politiques, intellectuels en mesure d’éclairer nos lanternes, laisser s’exprimer les opinions diverses qui traversent une société, les mettre en relation avec les classes sociales diverses qui la composent, ne pas systématiquement proscrire celui et ceux qui ne pensent pas bien. Sortir enfin du rôle de chien de garde d’un peuple immature qui ne sait ni ce qu’il dit, ni ce qu’il fait. Mais vous n’y pensez pas. Ce n’est pas pour rien que pendant longtemps à la télé on a parlé de chaînes.

Des bateleurs et des histrions.

Ce n’est pas le rôle des bateleurs et des histrions que de se soucier de l’intelligence politique, c’est même l’inverse, surtout s’ils sont grassement payés par les maîtres financiers du jeu qui ont lourdement investi pour que nous restions les plus couillons possible. C’est ce qu’ils font… bien !

Une nouvelle preuve : la couverture télévisuelle des futures élections présidentielles. C’est guignol à tous les étages. Regardez le tissu de sottises qui a accompagné la candidature de Macron dont le vide du discours est inversement proportionnel à la place accordée à l’écran. Comme si tout cela n’avait que l’ambition de nous distraire d’un quotidien nauséabond. Mettez en rapport avec le débat lancé par le PCF pour tenter de construire une démarche unitaire (vraiment) à gauche. Là c’est silence radio. Et vous aurez compris.

Des richesses à partager

Mais face à la déferlante médiatique, les efforts de ceux qui tentent de politiser l’intelligence et de s’attaquer ainsi aux racines d’un mal qui a pour nom les inégalités sociales sont d’autant plus utiles qu’ils vont à l’encontre d’une fatalité annoncée.  Les valeurs qui fondent la dignité des femmes et des hommes devraient elles passer par pertes et profits au bénéfice d’un « ordre nouveau » qui ressemble étrangement à un désordre ancien. Changer le monde, ce n’est pas ressortir les vieilles lunes. Mais se rassembler pour construire du progrès social… concrètement. Les richesses pour le faire sont là … à partager. Ils sont bien nombreux dans les médias, chez les patrons, leurs valets et leurs obligés, chez  les réactionnaires de tous poils, sur les phraseurs, les bonimenteurs, les yaka, les fauquons à tout faire pour nous en empêcher.

Jean-Marie Philibert.








lundi 14 novembre 2016

compliqué


Compliqué

La situation dans laquelle se trouve le parti communiste après la conférence nationale me laisse, au moins interrogatif, quelque peu perplexe et pas tout à fait serein. J’ai envie de vous en parler et de me colleter à un contexte… compliqué.

Nous avons un rapport trouble face à la complexité : quel que soit le domaine dans lequel nous la rencontrons, elle nous paralyse et en même temps suscite une avalanche d’interprétations, de réactions qui peuvent partir dans toutes les directions, elle nous rend peu enclin à l’écoute des autres et, autre constante, elle nous conduit presque inexorablement à croire à une solution miracle dont notre clairvoyance bien connue serait porteuse. Ya qu’à…

Un maelstrom de complexités

Observez la situation politique de notre pays à la veille d’élections présidentielles dont on sait tous qu’elles vont avoir une incidence majeure sur notre vie. Un maelstrom de complexités en tous genres. Complexité sur les candidats. Complexité sur les propositions qui ne sont jamais d’une lumineuse clarté. Complexité et incertitude quant aux décisions à prendre : le flou artistique et les lendemains qui déchantent .Complexité enfin dans la société qui semble se laisser embarquer dans une dérive extrême droitière, raciste, xénophobe aux antipodes de ses intérêts.

J’ai donc une pensée très émue pour mes camarades du PCF qui, après des débats multiples et variés dans les provinces,  ont consacré un week-end à peaufiner une stratégie qui prennent en compte tous les paramètres. D’abord la démarche démocratique. Ensuite les enjeux politiques, sociaux, économiques qui sont majeurs face à la montée de l’extrême droite, à la souffrance sociale qui ne cesse de s’aggraver, aux impasses dans lesquelles Hollande a engagé le pays, aux dogmes européens et internationaux qui nous enkystent dans les crises, à la sacro-sainte croyance dans un libéralisme échevelé dont il serait grand temps qu’on totalise les victimes avant de juger de sa viabilité. Enfin dernier paramètre essentiel, l’outil collectif, humain, apte à mettre en œuvre les choix opérés, l’organisation, le parti, le travail commun, solidaire, unitaire pour donner à l’orientation choisie la force de transformation sociale qui, depuis quelques lustres, nous manque.





Les Yakas

Le tout bien sûr dans un paysage lourdement occupé, y compris à gauche par tous ceux qui pensent que leur destin personnel, et /ou partisan, est un horizon indépassable, qu’ils ont seuls les bonnes clefs : ils n’envisagent l’unité que sous la forme du ralliement à leur auguste personne. Je les appellerai les yakas.

Actuellement, même si cela peut désespérer, Mélenchon est étonnamment de ceux-là. Il est curieux qu’un politique de son expérience  qui semble avoir des ambitions progressistes pour notre pays ne comprenne pas que son comportement est un obstacle sérieux à leur réalisation. A moins qu’il veuille limiter son action à occuper un champ politique où il pourrait régner sans conséquence pour un pouvoir qui lui réserverait une place médiatique d’histrion. Il ne faut donc pas trop compter sur lui pour simplifier la situation. A moins que la grâce de l’unité…

Compter sur nous et se rassembler

Il faut compter sur nous, non pas dans une tactique d’opposition fratricide entre des citoyens, des travailleurs, des jeunes, des moins jeunes  qui aspirent à ce que l’évocation du changement soit autre chose qu’un slogan aussi rituel qu’inefficace, à chaque campagne électorale, mais dans une démarche de rassemblement, de convergences, face aux périls qui menacent. Dans la volonté de peser sur des décisions politiques qui mettraient de la justice sociale, de l’emploi, des droits nouveaux, du pouvoir d’achat, des services publics efficaces, de la solidarité dans un monde qui les fait mourir à petit feu. Des notions si simples … On ne comprend pas qu’il faille en passer par les complexités qui pourraient nous submerger.

Quant au choix de l’impétrant, il est dans nos mains…Et c’est compliqué. Mais la voie du rassemblement n’est-elle pas inéluctable pour commencer à sortir de la spirale folle où nous risquons de nous perdre ? Je le pense.

Jean-Marie Philibert.

mardi 8 novembre 2016


Quand un papy dénigre les papys.

Dans un billet publié  sur internet JPA (alias Jean-Paul Alduy, ex de Perpignan et ex de la droite locale et du centre aussi) dit toute la flamme que suscite en lui l’ex-ministre de gauche, reconverti ailleurs (où ?), et peut-être futur candidat à l’élection présidentielle. JPA doit sans doute reconnaître un peu de la marque de fabrique de sa famille dans l’errance politique de l’ex banquier de chez Rothschild. Il met surtout l’accent sur la modernité du personnage qu’il a suivi en meeting à Montpellier, où il a chanté avec lui (non ! pas l’internationale) la marseillaise. Il lui permet de crier haro sur la gérontocratie dominante de la vie politique dont Juppé serait le papy-porte drapeau. Quant au contenu politique, il n’y en a pas, avoue-t-il. Seule compte la jeunesse… Et sans doute un petit coup de pub et d’esbroufe. Les vieux démons ne meurent jamais.

lundi 7 novembre 2016

mémé, reviens


Mémé, reviens !

-Jean-Marie tu ne nous parles plus de ta mémé… Mémé, reviens…

-N’ayez crainte ! Elle ne part jamais très longtemps. A l’image de sa présence constante à mes côtés pendant mon enfance, pour les moments heureux, mais aussi pour les moments difficiles, elle continue à habiter mes souvenirs mais pas seulement, ma conscience, mon rapport au monde et aux gens qui y vivent. Ses leçons de lucidité tendre, mais distanciée (ça c’est un mot qui ne lui aurait pas plu), restent indépassables et mes humeurs tentent de s’en nourrir. Mais je sais que j’ai des progrès à faire.

Un petit-fils président

Et je me plais à imaginer le discours qu’elle aurait tenu à un petit-fils putatif du prénom de François qui serait devenu président de la république de gauche, puis qui aurait très rapidement oublié les engagements pris, les promesses faites pour n’en faire qu’à sa tête (foncièrement de droite). Cerise sur le gâteau, le petit François, considérant qu’il est très agréable de pouvoir continuer à donner forme et vie à ses caprices de chef, en serait venu à penser que, malgré le discrédit qui l’assaille de toutes parts, malgré l’impopularité qui le poursuit comme des casseroles tintamarrant à ses basques, il doit être candidat pour un second mandat.

Là, Mémé aurait explosé.

« Espèce d’andouille ! Tu trouves que tu n’en as pas assez fait de couillonnades. Tu en redemandes pour ta gloriole personnelle que tu es le premier à ridiculiser. On se fout de toi, mon brave, même dans ton parti. Non seulement tu n’as ni le profil, ni la stature, tu es fagoté dans des costumes trop étroits qui font rire dans les chaumières et qui mettent tes fesses en relief. Je t’ai toujours dit que tu avais un gros derrière ! Il n’y a pas de miroir à l’Elysée ? Tu t’es payé un coiffeur hors de prix avec l’argent des contribuables, tu aurais pu te payer un tailleur. Enfin, ça c’est l’apparence.

 Le diable par la queue

Le reste est plus sérieux et concerne tous les gens qui nous entourent. Les voisins, d’ici, d’ailleurs, ils tirent tous le diable par la queue, ils n’en peuvent plus des fins de mois difficiles. Le chômage fout par terre toutes les familles, ceux qui gardent un boulot se demandent pour combien de temps. J’ai vécu deux guerres, mon petit, j’ai vu ce qu’était la survie, on y est. Tout est difficile ! Et toi tu fais tout pour que l’état se désintéresse des gens, qu’ils aient moins de droits.

Tu patines. Tu vis dans le déni. Tu dis : la situation économique, c’est pas si mal que ça, c’est même mieux, le chômage recule (à une vitesse telle qu’il faudra un siècle pour le voir disparaître). Tu parles à tort et à travers à des journalistes en leur confiant des secrets pour qu’ils les divulguent… Logique ? « Un président ne devrait pas dire ça », alors tais –toi, crétin. Bizarre : tu veux faire l’intéressant. C’est peut-être le seul rôle qui te reste : amuser la galerie pour faire oublier tes turpitudes. Là je te reconnais un certain talent avec ton histoire de scooter.

Ne pas raisonner comme un tambour

Ce que je supporte pas, mais alors pas du tout, un rôle qui ne te va pas, c’est quand devant ceux qui ont un peu le courage de te critiquer, tu joues à ton petit chefaillon qui veut imposer le respect par la seule force d’une autorité qu’il n’a pas. Tu fais rire ! Jaune ! Les seuls à ne pas rire jaune, ce sont les copains de Gattaz, à qui tu n’arrêtes pas de faire des mamours, comme si toi aussi, tu étais, comme eux,  sorti de la cuisse du Jupiter de la finance. Tes chevilles gonflent.  Ne résonne plus comme un tambour ! Sois sérieux et raisonnable enfin, arrête-toi. Tu feras plaisir à Mémé »

Jean-Marie Philibert.

mercredi 2 novembre 2016

Ken Loach lanceur d'alerte


Ken Loach lanceur d’alerte !

Le cinéma a un rapport au réel tout à fait paradoxal : il balance entre réalisme et imaginaire.  D’où chez les grands réalisateurs  un équilibre dialectique fragile avec le souci majeur de faire adhérer le spectateur à l’histoire, même s’il la sait fictive. Dans son dernier film « Moi Daniel Blake » qui lui a valu sa deuxième palme d’or à Cannes, Ken Loach y excelle. A 80 ans, après 25 longs métrages, il donne dans cette œuvre toute la mesure de son talent, de son courage, de son engagement, j’ai envie de dire de sa verdeur. En se situant délibérément du côté de ceux qui souffrent, de ceux qui luttent pour s’en sortir, il renforce la soif de vivre dans un monde  qui veut la réduire à la portion congrue, il nous montre qu’elle doit passer par la révolte contre un monde absurde.

Daniel Blake a été victime d’un accident cardiaque, il doit renoncer à son emploi de charpentier, ses médecins  lui conseillent  de demander une allocation d’invalidité, mais le verdict des autorités sanitaires (monstre froid et invisible) est qu’il reste valide, donc il doit travailler. Pas d’indemnité  d’invalidité, mais peut-être une allocation de chômage … s’il est en mesure d’apporter la preuve qu’il cherche un emploi qu’il ne pourra pas exercer. Les décisionnaires du pôle Emploi britannique ne veulent pas en démordre, il doit chercher un travail impossible. Ce piège l’enferme dans un monde kafkaïen avec la seule perspective d’une misère toujours plus grande. Peu d’humanité dans la ville qui l’entoure : une mère célibataire démunie qui l’accompagne dans son naufrage, mais qui lui permet de faire valoir que la fraternité existe.

Etonnamment la tonalité du film est peu pesante grâce à la chaleur humaine, à l’humour désespéré et quotidien, qui émanent de situations profondément vraies. Quant à la solitude de ces destins, Daniel Blake se bat seul contre tous, on peut le regretter, mais ne faut-il pas y voir une image de notre quotidien. Ken Loach ne veut rien cacher de l’ampleur de la tâche. Peut-être une invite à relever un nouveau défi pour agir sur le monde.

JMP

mardi 1 novembre 2016

l'âge de la jungle


L’âge de la jungle



Il y a eu l’âge de pierre, l’âge du bronze, l’âge du fer et puis il y a eu l’histoire avec ses hauts et ses bas et puis l’histoire s’est mise à hoqueter et puis il y a aujourd’hui, comme un retour à la case départ, l’âge de la jungle.

Des enfants, des femmes, des hommes, de toutes origines, de toutes les couleurs s’agglutinent dans des zones improbables au bord d’une mer, d’une ville, d’un pays dans l’espoir d’un départ impossible vers une terre susceptible de les accueillir et en attendant ils vivent la sauvagerie de la jungle. Ils n’ont rien ou si peu, si ce n’est une volonté forcenée de vivre. Paradoxalement Ils y retrouvent la sauvagerie du monde qu’ils avaient fui, la solitude de leur destin, des pouvoirs aveugles à leurs misères, la faim impossible à assouvir, la violence et  la mort qui rodent. Ils étaient prêts à tout tenter pour en sortir, à payer cher des fripouilles sans scrupules qui profitaient de leur errance  et se retrouvent à la porte de ce qu’ils voyaient comme un eldorado …dans un milieu tout aussi hostile. La jungle de Calais !

Un horizon indépassable

Une jungle que les pouvoirs publics, que la police, que les gouvernements successifs vident et détruisent régulièrement, mais qui se remplit tout aussi régulièrement de la même humanité souffrante. Comme si la jungle, sa loi, ses réalités, sa sauvagerie étaient devenues notre horizon indépassable. L’horizon indépassable d’un monde tourneboulé qui a oublié que l’histoire pour ne pas mourir se doit d’avancer. A Calais l’histoire s’arrête !

La jungle de Calais, au-delà des images bien réelles d’un bidonville, en viendrait presque à représenter pour moi aujourd’hui le tableau métaphorique et emblématique de notre incapacité collective à affronter notre destin face à un monde dont les lois, les règles, les usages dépassent notre entendement. Nous sommes comme les migrants de Calais dans un monde que nous savons riche, mais qui ségrégue, qui isole, qui marginalise les gens de peu, (même s’ils sont le plus grand nombre). Nous sommes exclus de la plus grande partie de ses bienfaits, nous sommes condamnés à la précarité, à la pénurie. Nous passons notre temps à nous bouffer le nez entre nous dans des querelles stériles, jusque parfois en oublier notre humanité, nous nous laissons trop souvent ballotter par des pouvoirs dont le visage essentiel est celui de la police. Nous avons appris à nous satisfaire du minimum vital qui nous est distribué avec parcimonie, nous avons accepté que la charité passe avant la justice. Nous deviendrions presque racistes.

Lanternés

Nous nous laissons lanterner par toutes les sornettes que de grands manitous nous racontent dans une petite lucarne qui détruit à petit feu notre esprit critique, qui anesthésie notre conscience. Nous perdons le sens du monde,  nous perdons parfois jusqu’au souvenir d’une vie normale faite de travail, de salaire, de droits pour nous arranger de petits riens qui deviendraient l’essentiel d’une vie vide dans l’attente d’un hypothétique sauvetage qui ne viendra jamais. L’idéologie de l’inégalité nous a phagocytés au point d’accepter l’arrogance des puissants. Nous serons remerciés pour notre abnégation, notre résignation, notre sagesse, tel un bon sauvage qui sait rester à sa place de peur de payer cher toute forme d’outrecuidance. La jungle de Calais est dans l’ordre de notre monde.

Un ordre à subvertir

D’où la seule nécessité qui  vaille : celle qui à Calais comme ailleurs se refuse à penser l’impensable, celle qui fonde la justice sur la conception la plus exigeante de l’humanité, de la liberté, celle qui ne recule pas devant l’impératif de subversion d’une société où les égoïsmes le disputent à la sauvagerie. Il faut détruire toutes les jungles, à Calais, comme ailleurs. C’est une tâche collective, solidaire, salutaire pour laquelle nos habitudes de luttes nous aideront. IL faut les détruire pour aujourd’hui et pour demain parce que la barbarie est faite pour durer si nous ne retroussons pas nos manches. Ensemble, camarade, avec tous les volontaires du progrès. « C’est un joli nom camarade », il aide régulièrement à (re)construire notre histoire humaine. Actuellement elle en a bien besoin.

Jean-Marie Philibert.