Ken Loach
lanceur d’alerte !
Le cinéma a un rapport au réel tout à fait paradoxal :
il balance entre réalisme et imaginaire.
D’où chez les grands réalisateurs
un équilibre dialectique fragile avec le souci majeur de faire adhérer
le spectateur à l’histoire, même s’il la sait fictive. Dans son dernier film
« Moi Daniel Blake » qui lui a valu sa deuxième palme d’or à Cannes,
Ken Loach y excelle. A 80 ans, après 25 longs métrages, il donne dans cette
œuvre toute la mesure de son talent, de son courage, de son engagement, j’ai
envie de dire de sa verdeur. En se situant délibérément du côté de ceux qui
souffrent, de ceux qui luttent pour s’en sortir, il renforce la soif de vivre dans
un monde qui veut la réduire à la
portion congrue, il nous montre qu’elle doit passer par la révolte contre un
monde absurde.
Daniel Blake a été victime d’un accident cardiaque, il doit
renoncer à son emploi de charpentier, ses médecins lui conseillent de demander une allocation d’invalidité, mais
le verdict des autorités sanitaires (monstre froid et invisible) est qu’il
reste valide, donc il doit travailler. Pas d’indemnité d’invalidité, mais peut-être une allocation
de chômage … s’il est en mesure d’apporter la preuve qu’il cherche un emploi
qu’il ne pourra pas exercer. Les décisionnaires du pôle Emploi britannique ne
veulent pas en démordre, il doit chercher un travail impossible. Ce piège
l’enferme dans un monde kafkaïen avec la seule perspective d’une misère
toujours plus grande. Peu d’humanité dans la ville qui l’entoure : une
mère célibataire démunie qui l’accompagne dans son naufrage, mais qui lui
permet de faire valoir que la fraternité existe.
Etonnamment la tonalité du film est peu pesante grâce à la
chaleur humaine, à l’humour désespéré et quotidien, qui émanent de situations
profondément vraies. Quant à la solitude de ces destins, Daniel Blake se bat
seul contre tous, on peut le regretter, mais ne faut-il pas y voir une image de
notre quotidien. Ken Loach ne veut rien cacher de l’ampleur de la tâche.
Peut-être une invite à relever un nouveau défi pour agir sur le monde.
JMP
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