les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 10 janvier 2017

neruda


NERUDA

Si vous vous attendez à une évocation hagiographique du grand poète chilien au service de son parti et de son peuple, dans un destin d’autant plus légendaire que sa mort (naturelle ? provoquée ?) a correspondu aux premiers jours de la dictature de Pinochet et à la fin de l’expérience d’unité populaire autour d’Allende et que ses obsèques ont été le premier acte de la résistance populaire, n’allez pas voir le film du cinéaste chilien Pablo Larrain qui passe actuellement sur les écrans. Vous serez totalement déçu.

Mais si vous cherchez à comprendre qui était ce poète, ce que représentait sa poésie, ce que furent son courage, sa clairvoyance, ses contradictions, son humanité, sa joie de vivre, son humour, sa complexité, son rapport avec son pays, son engagement, allez au cinéma pour une leçon d’histoire, de poésie et de politique. Un film largement salué par la critique. Un plaisir de l’esprit constant pour les spectateurs. Plaisir malheureusement trop rare.
Nous sommes en 1948 et nous allons suivre
  un moment étroit, crucial de sa vie. Le Président du Chili qui pour son élection a eu l’appui des communistes et de la gauche, se lance dans une  chasse aux rouges. Neruda, sénateur, riposte, mais devant les risques d’arrestation fuit à l’intérieur du pays. Le film est l’histoire de cette course-poursuite entre lui et l’inspecteur Peluchonneau qui va la commenter en direct en parlant comme Neruda. Pendant cette période Neruda écrit son œuvre majeure El Canto General.

Ne font-ils qu’un ?

La forme du film est hachée, le rythme ne connaît aucun répit : il s’en faut d’un cheveu que Peluchonneau ne mette la main  sur celui qu’il traque de Santiago, à Valparaiso, jusqu’au fin fond des Andes, y compris dans les lieux troubles comme les bordels que Neruda affectionne. Neruda semble jouer  avec son poursuivant, ne renonçant jamais aux plaisirs et à la liberté de la vie, tissant même des liens troubles  avec  cette ombre qui le suit comme son double ou son fantôme. Ce que renforce leurs voix mêlées. Poursuivi et poursuivant, ne feraient-ils qu’un ? A vous de vous faire votre opinion à la fin du film.
Au-delà de la dimension évènementielle du film, du suspense qui en découle, du plaisir qu’on y prend, la réussite du réalisateur, avec sans doute la complicité et la complexité de l’œuvre de Neruda, tient au voyage qu’il nous fait faire dans les arcanes de la poésie et de la psychologie, dans la démarche d’un poète qui joue sa vie à risquer de la perdre, qui embrasse
  toutes les réalités, des plus triviales aux plus élevées, qui est solidaire de ceux qui luttent, qui est fidèle à ses choix politiques. La beauté, l’âpreté, le mystère, la fulgurance parfois des images et des mots nous touchent, tout en nous confrontant à une vérité des êtres  dans ce qu’ils peuvent avoir de plus quotidien, de plus pitoyable, comme de plus éminent et obscur. On touche là à l’objet même de la poésie.

JMP


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