Primaire
Il y a de l’animation dans la cour de récréation de l’école
« primaire de-gauche-et-citoyenne » ! Ça court dans tous les
sens. Et l’on sent même une nervosité inhabituelle qui intrigue l’instituteur
de surveillance qui ne semble pas comprendre tous ces regroupements d’élèves
turbulents autour de quelques-uns de leurs camarades. François, un bon élève du
CM2, qui d’habitude promène sa silhouette grassouillette entourée de nombreux
petits copains et copines est tout seul dans son coin. Il semble comme absent.
Monsieur Martin va le voir :
« -Qu’est-ce qu’il t’arrive François ? Tu n’as pas
envie de jouer ?
Ils me
veulent plus
-Non Maître, ils me veulent plus. Ils disent que je les fais
perdre tout le temps ! Et maintenant ils se disputent pour savoir qui va
devenir le chef de la classe… »
En effet Manuel, un petit teigneux, faux jeton, criait dans
les oreilles de ses camarades des gentillesses à l’égard de François :
« Regardez-le, cette andouille ! Il croyait que, parce qu’il était
bon en calcul et qu’il avait des fiancées, il serait toujours le chef. Moi je
suis plus fort que lui à la course et aux billes, et puis le maître m’aime bien
parce que je lui porte de la paella quand ma mère en fait. Avec moi on jouera à
la corrida pendant les récrés. » Et tous autour de lui d’entonner un
vibrant « Olé ! »
D’autres groupes s’étaient formés, en particulier de
nombreuses filles de la classe entouraient
un tout jeune bellâtre que sa mère pomponnait tous les matins comme une
gravure de mode. Arnaud était fier.
Vive les bonbons Haribo
«- Il ne faut plus s’amuser avec les Playstations
fabriquées par les japonais, il faut jeter les trottinettes made in China. Il
ne faut pas manger de la paella, mais du steak et des frites françaises, et des
bonbons Haribo du Gard…
-Il a raison Arnaud… Tous ensemble avec Haribo !... Vive
Arnaud !»
Vincent n’avait que quelques fidèles autour de lui : il
faut dire qu’il ne respirait pas la joie de vivre, il aimait trop jouer à
l’intello et donner des leçons à la terre entière. Il ne parlait ni comme un
enfant, ni comme un jeune, mais comme un vieux. Ses chances d’être chef de
bande à la récré étaient quasiment nulles.
Benoit était, lui, plus dynamique, plus courageux. En classe
quand l’instituteur faisait une faute au tableau, il osait le lui dire. Il
avait été le seul à traiter François de poule mouillée quand il n’avait pas
voulu se battre avec lui. IL zozotait un peu et ça le rendait sympathique. Il
pouvait faire un bon chef de clan.
Sylvia et
Martine
Sylvia, elle, trouvait qu’il était dommage que les filles ne
puissent pas le devenir cheffe de classe ; elle tentait donc de convaincre
quelques copines de la suivre. Mais elle était trop gentille et manquait
cruellement de caractère Elle n’était
pas comme sa copine de classe Martine, qui avant habitait Lille : elle,
elle n’avait pas peur d’affronter les garçons. Elle leur avait même foutu
quelques gnons. Mais là, depuis quelques temps, elle boudait dans son coin.
Quant à Jean-Luc et François de…, ils avaient mis leurs
blouses vertes, Ils étaient rassemblés au fond de la cour, avec quelques autres
blouses vertes, autour d’un plant de tomates qu’ils tentaient vainement de
faire pousser sans susciter un grand enthousiasme dans la classe.
Emmanuel, lui ne se reconnaissait pas dans ce brouhaha, dans
ces affrontements stériles, il était au-dessus. Il était monté dans le seul
arbre de la cour et regardait avec quelque mépris ses anciens petits amis en se
rappelant ce que lui avait sa
« maîtresse-à-lui » : « Tu seras quelqu’un, ne te
mélange pas ! »
Quant à celui qui avait l’habitude de jouer au fouteur de
merde, un certain Jean-Luc, dit Méluche,
il était absent pour des raisons mystérieuses depuis plusieurs
semaines. Peut-être était-il parti dans
la vraie vie ?
Dans un prochain épisode je ne manquerai pas de vous donner
de ses nouvelles.
Jean-Marie Philibert
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