les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 9 janvier 2017

raison déraisson


Raison…Déraison…



Il est une information sortie la semaine dernière qui touche au cœur du pouvoir et de notre sécurité, qui pose de redoutables et complexes problèmes juridiques et moraux, qui voit  des élus, des fonctionnaires, des militaires du plus haut niveau prendre en dehors de tout cadre légal des décisions de supprimer, sans le dire, sans le reconnaître des individus censés appartenir  à des mouvances terroristes. Au nom  d’un état… de droit paraît-il !

L’état de droit ?

Sous le titre « Comment Hollande autorise « l’exécution ciblée » de terroristes, un grand quotidien national du soir, le Monde, donne tous les détails nécessaires pour comprendre une démarche du plus haut sommet de l’état qui donne le sentiment de bafouer, avec méthode et sans complexe, l’état de droit qu’il a la charge d’incarner, de défendre, de promouvoir.

Dans ma très grande naïveté je pensais une telle démarche, soit impensable, soit inavouable : dans ce cas précis, j’ai les deux. La démarche est pensée, organisée au plus haut niveau de l’état ; paraît-il qu’il y a même une circulaire, confidentielle bien sûr, pour dire comment faire. Et même, cerise sur le gâteau de la gloriole catalane : les « exécutants », au sens plein du terme, bras armés de la Direction générale de la sécurité extérieure,  sont formés  à Perpignan à la Citadelle. La démarche est même en partie avouée, dans le cadre du livre « Un président ne devrait pas dire ça… », Hollande l’a confiée aux deux journalistes  qu’il a reçus à de nombreuses reprises pour dire ce qu’il ne devrait pas dire.

« Je ne dis pas ce que je dis »

Cette figure de rhétorique, porte un nom. Celui de prétérition. Elle permet de dire que l’on ne dit pas ce que l’on dit tout en le disant pour empapaouter le lecteur et lui faire croire que l’on n’a pas dit ce que l’on a dit, surtout si ce que l’on dit n’est pas tout à fait avouable. Vous reconnaîtrez sans difficulté dans la méthode la pâte hollandaise de l’obscure clarté qui l’a conduit au firmament de la popularité.

Mais reste le fond du dossier : où est la légitimité, où est la légalité, où est le droit, où est la morale ? Y a-t-il une morale dans les relations entre des états et de groupes qui cherchent à les détruire ? Il fut un temps où on parlait du droit de la guerre, mais ici où est la guerre ? Et où est le droit ? Quelle est la nature du monde que l’on prétend construire ?  Le monde de la violence aveugle ? Ou la difficile construction d’un monde de paix ? Quel est le rôle d’un état ? Quels sont ses pouvoirs ? Arbitraires ? Illimités ? Quelles sont ses obligations ? En particulier quand il se situe délibérément du côté du droit qui est le fondement de son organisation, peut-il tout se permettre ?

L’histoire nous apprend que les états, y compris le nôtre, s’est permis pas mal, mais sans aveu le plus souvent.

Un engrenage sans fin

Les aveux obscurs d’Hollande, l’enquête parue dans la presse et ce qu’elle révèle des dézingages multiples et variés de terroristes en tous genres  par les Américains, les Français et sans doute d’autres, jettent un tel pavé dans la mare que je me sens dans l’incapacité d’apporter ne serait-ce qu’un début de réponse aux questions posées. Cette difficulté, liée à la barbarie et à la désolation que des fanatiques, aux antipodes de toute humanité, ont décidé de répandre sur des sociétés qu’ils rejettent, avec un cortège macabre de tueries et de souffrances d’innocentes victimes, laisse la porte ouverte à un engrenage sans fin de violence.

C’est un tel engrenage que les manifestations qui ont suivi les multiples attentats qui ont endeuillé le pays depuis Charlie Hebdo rejettent en jouant la seule carte  utile dans un tel cas celle du rassemblement et de la solidarité. En jouant au chef de guerre, incarnation d’un état qui a du muscle, sans le moindre contrôle démocratique, sans se donner les moyens de construire la plus large coalition internationale pour isoler les terroristes,  le pouvoir me donne le sentiment de s’enliser dans une attitude qui a remplacé la raison d’état, par la déraison d’état.

Jean-Marie Philibert.

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