les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

samedi 8 juillet 2017

Les soucis


« Pas de souci »



Ce mot de souci connaît un regain d’intérêt, en particulier dans le langage « d’jeun ». A des remarques pressantes, à des questions inquiètes, à des demandes insistantes, nous nous attirons de plus en plus souvent la réponse polie, mais me semble-t-il  un peu contrainte : « pas de souci ! ». J’y entends un implicite du genre : j’ai compris, je m’exécute, mais n’insiste pas, sinon tu vas m’agacer, je gère ! L’inquiétude n’est pas de mise : soyons cool et zen à la fois. Je te facilite la vie, à charge de revanche facilite-moi la mienne. Faisons disparaître les soucis.

Faisons disparaître les soucis

J’ai un peu de mal à me faire à cette expression et cela tient à ce que le mot « souci » dès mon enfance s’est chargé de connotations lourdes, liées sans doute à l’époque, à la psychologie de ceux et celles qui m’entouraient, aux difficultés de la vie. Les soucis étaient nombreux et variés. J’étais moi-même une source constante de soucis : « Tu me fais faire beaucoup de soucis, Jean-Marie », m’a répété ma mère pendant toute mon adolescence, un peu agitée. Je vivais donc au milieu de soucis en tous genres que je contribuais à provoquer avec une inconscience coupable, mais je ne me laissais pas contaminer par cette prolifération anxiogène. En fait j’étais très proche des d’jeunes d’aujourd’hui enclins à la cool-attitude. Je voulais déjà faire disparaître les soucis.

Le souci d’être écouté

Et je n’ai rien fait disparaître : ils ont poursuivi ma génération, puisque les natifs de la fin de la seconde guerre mondiale, en provoquant un baby-boom, aussi soudain que massif, ont donné des soucis et pour longtemps. Il a fallu les nourrir, et c’étaient les restrictions, il a fallu les éduquer, les occuper, les loger, les mettre au travail et les mettre au pas (Merci de Gaulle). Dans des structures qui ne cessaient d’être trop petites. Dans un monde où l’on ne roulait pas sur l’or. Ils ont donné des soucis aux universités, aux entreprises, aux petits chefs et aux grands chefs. D’autant plus qu’ils n’ont jamais cessé de réclamer toujours plus : de sous, de droits, de protections, de considérations. Et tous ceux qui sont venus après leur ont emboité le pas dans un monde en mouvement où le partage des richesses, toujours aussi inégalitaire restait une cause constante, récurrente de soucis. Aussi bien pour les tenants du pouvoir qui n’ont jamais voulu rien lâcher, ou si peu, (mais ils avaient  peur d’être contraints de le faire) que pour la bande de récalcitrants du populo, d’agités, de contestataires, jeunes et moins jeunes, qui ne cessaient d’avoir le souci persistant d’être écoutés et entendus.

Les soucis en pire

Jusqu’à ce que n’en pouvant plus devant cette accumulation de soucis qu’il ne maîtrisait plus, le grand capital (comme il disait Marchais) et sa cohorte de pèzeux ne se disent : ils en veulent des soucis, ils vont en avoir, une bonne crise économico-sociale, ça va leur apprendre à vivre. Du monde des soucis on passera donc à la désespérance absolue, au monde du no-future, à la société de la précarité sans partage, à la brutalité des puissants. Dont Gattaz et ses sbires aujourd’hui pourraient être les symboles.

Et c’est dans ce monde bien hostile que la capacité de résistance des générations montantes a régénéré cette expression « pas de souci ! », comme une volonté de ne pas se laisser submerger par une adversité dont on ne pourrait pas sortir sans se soumettre à un désordre dominant qui révulse tous ceux qui ont quelques étincelles de lucidité, qui ont soif de justice, de progrès, de transformations sociales. Ce « pas de souci », j’ai envie de l’interpréter comme un pied de nez aux apôtres de la désespérance, comme un obstiné « même pas peur ! », tout bêtement comme une simple volonté de vivre sans souci …

Jean-Marie Philibert

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