Fais-moi
signe…
Après le temps des places, « pousse-toi de là que je m’y
mette », vient le temps des signes, « et je te fais sauter la
cravate ! ». Le grand risque, le très grand risque et je le sens
grand comme une maison : c’est que le temps des places passé, celui des
signes assimilé, la situation n’ait en rien changé, si ce n’est en plus pire.
Certes « on » (la grande bourreuse de mou, celle qui commente, qui analyse,
qui parle, écrit, pense pour nous) nous aura convaincus que les temps anciens
sont révolus, que les réformes nécessaires sont en cours, qu’il était
impensable de continuer comme avant, qu’il a fallu vaincre chez les ploucs que
nous sommes des résistances au changement pour nous mettre au goût du jour.
La cravate
disparue
Mais je fais le pari que nos fins de mois risquent d’être
toujours aussi difficiles, que les riches le seront toujours un peu (ou
beaucoup) plus, que l’avenir offert (ce mot à lui seul vaudrait tout un
commentaire) à nos enfants sera malheureusement bien précaire… Uber sera passé
par là. Mais, mais, mais, quelques signes auront changé et peut-être pour
longtemps ! La cravate aura disparu. Nous en avons rêvé, nous qui avons
fait nos études avant 68, qui avons connu les lycéens, les étudiants cravatés,
les profs n’en parlons pas !
Depuis la cravate avait perdu du terrain, on la réservait aux
grands événements, aux cérémonies officielles, aux entretiens d’embauche aussi
parfois : j’ai le souvenir amusé de mes étudiants de BTS, habillés comme
des premiers communiants, et bien sûr cravatés, pour aller passer leur oral. A
l’Assemblée Nationale elle faisait, elle fait de la résistance. A tel point,
qu’hier, une bande d’insoumis sous la houlette de leur chef ont fait le buzz,
comme on dit dans la nov’langue, pour la mettre au musée des accessoires
inutiles et avancer courageusement au milieu de leurs collègues députés,
dépités que l’on puisse faire preuve d’une telle outrecuidance.
La cravate
et l’oie blanche
Dépiter la grande masse de députés réac, en marche, à droite,
avec toutes sortes de vestes retournées sur le dos ne serait pas pour me
déplaire : il n’est pas inutile de leur secouer les puces et de faire un
peu craquer le vernis dont ils voudraient parer leurs responsabilités nouvelles
et leurs contorsions. Par exemple, le premier d’entre eux, le président De
Rugy, parjure en chef, candidat à la primaire socialiste, s’était engagé à en
respecter le verdict… pour se renier (promis, juré, si je mens je vais en
enfer) et s’acoquiner avec le Jupiter du nini. Lui il a une cravate impeccable.
L’impeccabilté de sa cravate n’en fait pas une oie blanche.
Mais malheureusement ! Pas plus que la cravate jetée aux
gémonies ne fait de la bande des insoumis des révolutionnaires patentés. Même
si le geste procure une satisfaction passagère et comme un pied de nez à un
ordre-très-désordre pour tous ceux, et j’ose penser qu’ils sont nombreux, qui
ne se reconnaissent pas dans la carnavalade du jour.
Les sens de
la carnavalade
Parce que je crois que vous avez bien senti que les signes de
la carnavalade ont du sens : fêter son élection au Louvre, haut lieu de la
monarchie éternelle et absolue, réunir les députés et les sénateurs à
Versailles, emblème de la monarchie solaire, avant l’ouverture de la session
parlementaire où il vont donner les pleins pouvoirs au prince, réduire au
minimum la parole présidentielle pour laisser la voie libre aux exégèses,
mettre en laisse les journalistes et ne pas répondre à leurs questions au prétexte
que la pensée présidentielle est une pensée complexe (sous-entendu celle des
journalistes est trop simplette pour sa haute complexité).
La reconquête démocratique, sociale, économique est sur une
autre échelle que celle des esbroufes et des pantalonades : elle impose
que le peuple s’organise pour réinventer une démarche politique
transformatrice, avec ou sans cravate. C’est notre combat. Nous saurons
inventer les signes qu’il faut.
Jean-Marie Philibert.
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