les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 7 novembre 2017

la bourse et la vie


La Bourse et la vie

Dans mon activité de professeur de lettres, je ne me suis jamais satisfait de faire partager à des générations d’adolescents le goût des belles formes, des récits riches et  profonds, des textes canoniques. Mon souci, mon ambition étaient aussi de leur montrer, dans les œuvres connues et parfois injustement méconnues, que la littérature n’avait de valeur que si elle était en mesure de confronter, emmêler, entrecroiser, amalgamer la fiction et le réel, de parler aux femmes et aux hommes de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, ici, maintenant, ailleurs, depuis longtemps.  Là-dedans il y a bien sûr les rapports sociaux, bien souvent passés à la trappe.

La Bourse un symbole

Voulant leur rendre palpable, par exemple, les rapports de classe dépeints par Zola, je les invitais à traverser le quartier Saint-Jacques, puis à monter les escaliers de la Bourse du Travail, Place Rigaud, à descendre vers les demeures cossues du boulevard Wilson et à terminer le périple en franchissant les portes de la Chambre de Commerce, en foulant son sol de marbre et ses escaliers monumentaux. Deux mondes y coexistent : le luxe des patrons de la Chambre de Commerce et les réalités du monde ouvrier, dont la Bourse du travail fut, reste le symbole.

Ce long préambule n’avait d’autre but que de vous conduire à cet endroit : la Bourse du travail. Elle fait partie de ces lieux perpignanais dont la municipalité envisage la mutation, comme le Théâtre Municipal, pour accueillir les étudiants en droit, chargés de ranimer un centre-ville mort. Les étudiants en réanimateurs urbains : on verra si ça marche ? Ce n’est pas mon propos. Il ne m’appartient pas plus d’évoquer, la position (que je ne connais pas) de la CGT, dont la Bourse est le berceau emblématique, quant à ses éventuels transferts et relogement.

 De ce passé-là ne faisons pas table rase

Le syndicaliste que j’ai été et que je reste (il n’y a pas de retraite dans ce métier-là) trouve cependant dommageable que ce haut lieu de la mémoire ouvrière de la ville puisse disparaître sans laisser de traces autres que dans les souvenirs de ceux qui s’y sont rassemblés, qui y ont milité, qui y ont construit les luttes sociales qui ont forgé cette ville, les luttes du monde du travail, mais aussi les luttes des jeunes, les luttes des sans-papiers, des chômeurs, des femmes. La construction des Bourses du travail dans les villes a été un grand moment pour l’éveil et la reconnaissance d’une conscience ouvrière ; à Perpignan, la Bourse était au cœur de la ville, voisine des usines Job, des quartiers ouvriers, La Réal, Saint-Jacques. Les renvoyer dans la périphérie, comme cela se pratique dans beaucoup de villes, a malheureusement du sens.

Un lieu de mémoire et de vie

Pour conserver une part de la mémoire ouvrière dont la Bourse est riche, pour en préserver les traces, les documents, les signes et les symboles, notre ville s’honorerait de ne pas rayer d’un trait de plume ces éléments constitutifs de son passé. Perpignan est ville d’histoire, histoire ancienne et récente mêlées : la Bourse du Travail est un élément de cette histoire. Elle peut devenir la Bibliothèque universitaire dont les étudiants en droit ont besoin si les divers responsables (municipalité, université) le veulent, mais elle s’enrichirait de créer en son sein un fonds conséquent consacré à l’histoire du lieu, à sa fonction sociale, aux étapes de son développement, aux relations étroites établies avec toute la population de la ville, du département, mais aussi avec les camarades catalans, espagnols, algériens, marocains. Elle cumulerait ainsi sa fonction formatrice  (le droit social est une discipline essentielle), sa persistance historique à défendre et valoriser ceux qui, à mains nues, ont affronté le monde de l’argent pour y construire un peu de justice. Cela suppose d’adapter  intelligemment les lieux, d’en sauvegarder la façade, de prévoir une structure, une coopération entre université, municipalité, organisations ouvrières : c’est du domaine du possible.

Cela impose une volonté politique : j’ose penser qu’elle n’est pas impossible.

Jean-Marie Philibert.

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