Pujolino et
Lorentino
La ville de Perpignan bruisse à intervalles réguliers de
propos peu encourageants quant à sa vitalité, son animation, son dynamisme.
Face à face des élus (de droite) pétris d’autosatisfaction, qui sont aux
commandes depuis tellement de lustres que cela ressemble à une dynastie, de
père en fils, puis en héritiers désignés, (les mêmes à quelques variantes et
quelques transfuges près), en face une population, partagée entre clientélisme,
galère, abnégation et rouspétance, mais où la fibre politique et critique reste
faiblarde. Les initiatives syndicales, sociales, culturelles y sont en général
bien entendues, mais l’incapacité à intervenir politiquement sur les problèmes
de la ville me semble, et je le déplore, notoire !
Ils
agissent : aïe-aïe-aïe
Les municipalités, quasi identiques et successives, ont
toujours été assez malines pour prendre les trains de la critique en marche et
laisser croire qu’elles savaient écouter les concitoyens, les électeurs et les
clients : il en va ainsi des récriminations devant la désolation qui
depuis plusieurs années s’est emparée du centre ancien. Ils sont désolés. Ils
ne sont pas responsables. Mais ils vont agir ! Ils agissent déjà… La
preuve : le stationnement payant privatisé dont les tarifs flambent.
Le seul problème avec eux, c’est que plus ils agissent, moins
ça se voit, à l’image du quartier de la Gare, quartier vivant et animé, facteur
de mixité sociale et de commerces variés et bien tenus, devenu sinistre,
désert, aux rideaux tirés. La vieille ville, Saint Jacques, Saint Mathieu, La
Réal, Saint Jean, c’est du plombé dans la désespérance ! Même la Loge, la
Place de la République : aux premières heures d’obscurité : courage
fuyons !
Le
pittoresque perpignanais
Je ne dénigrerai pas tout ce qui a été fait : l’Archipel
est une réalisation et une institution intéressantes (mais à quel prix pour nos
finances publiques), le nouveau musée n’est pas mal non plus… Mais quelques
satisfactions ne font pas oublier des tonnes de déceptions, des réalisations
plus que contestables, des parkings souterrains définitivement inondés, une
dalle Arago insipide, des destructions à tout-va au mépris des règles, des
jardins publics entretenus… quand on y pense, une gare-centre du monde en
capilotade, une voirie pleine de trous et de crottes. Enfin des ghettos qui
perdurent où l’habitat insalubre abrite toutes les détresses humaines. Et
maintenant, en prime, le vide urbain !
Le pittoresque perpignanais !
Mais tout ça c’est du passé ! Promis ! Juré !
Une nouvelle tramontane va balayer les miasmes de nos désespoirs. Perpignan va
revivre, son histoire va ressusciter, son avenir va éclater. Vous allez voir ce
que vous allez voir ! Que le spectacle commence !
Quel
spectacle !
Sur la scène du théâtre (ou de l’amphi-théâtre), on ne sait
plus très bien, deux duettistes, artistes italiens, Pujolino et Lorentino qui
sont mondialement reconnus pour la maîtrise
du pipeau, pour l’autopromotion chronique, pour le baratin touzazimut,
pour la prestidigitation, Ils sont à la fois complices et rivaux, ils adorent
être aimés, courtisés et obéis. Ce sont des comédiens hors pair !
Oyez, bonnes gens, la
harangue de présentation de leur prochain spectacle (La ville est un théâtre,
non un amphithéâtre) : « Perpignanaises et nais, Vous n’allez
pas en croire vos yeux, grâce à notre géniale collaboration de maire et de
président d’université, nous allons transformer, comme par magie, votre ville
tristounette en cité de rêve super dynamique par l’implantation d’une jeunesse
étudiante dorée, bien élevée, studieuse dans des locaux qui combineront le
modernisme le plus extrême, les formes les plus surprenantes avec les vestiges moyenâgeux les plus authentiques.
Cette jeunesse-là, elle apportera le pognon, la beauté, la joie de vivre, la
culture. Perpignan sera le nouveau Nice, le nouveau Cannes, le nouvel Avignon.
Sur la scène du monde il faudra compter avec Perpignan-gnan-gnan. Parce que
tout est théâtre ou amphithéâtre, nous serons tous sur scène, ensemble, pour le
spectacle du siècle, l’apothéose de Lorentino et Pujolino ! »
Jean-Marie Philibert
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