les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 27 novembre 2017

inclusive or not


POUR L’AMOUR DE LA LANGUE

L’amour de la langue… C’est de cet inconnu que je souhaite parler ! L’amour de la langue parce qu’il nous constitue, parce qu’il nous nourrit, parce qu’il nous a construits, parce qu’il nous forge, parce qu’il nous ouvre aux autres… aux autres langues aussi, parce qu’il est rencontre, ouverture, enrichissement, cultures (au pluriel bien sûr !)…

UN CHEMIN « BONHOMME »...

Eh bien, l’amour de la langue, c’est un peu comme l’amour des enfants : on les aime, on les adore, on veut en faire ceci ou cela, on les imagine à l’image de ce que l’on aurait aimé être, on les forge (on essaie) et il arrive qu’on se rate. L’enfant sera ce qu’il a choisi d’être, nourri de votre amour, de votre histoire commune, il construira sa propre histoire pour exister. La langue, depuis de longues générations, nous la construisons, nous la faisons croître et proliférer pour dire le monde, la vie, nos vies, nos humanités. Comme pour nos enfants, nous dépensons beaucoup d’énergie pour elle, et elle nous le rend bien en accompagnant nos moments de joie ou de détresse, nos moments de partage, comme de solitude. Mais elle nous donne parfois le sentiment de ne pas être à la hauteur de toutes nos attentes, d’échapper à nos désirs pour mener son « bonhomme » de chemin.

Un chemin si « bonhomme » qu’elle a développé en son sein des usages au sexisme avéré et qu’elle a ainsi participé de la domination de la moitié masculine de l’humanité sur l’autre moitié féminine. D’où les préconisations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dès 2015, de promouvoir une écriture inclusive qui a pour finalité de fonder une communication publique sans stéréotype de sexe.

INCLUSIVE OR NOT

L’écriture inclusive se définit par « l’ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ». D’où l’obligation d’accorder les fonctions, métiers, titres… en fonction du genre : l’auteur femme sera auteure, ou auteuse ou autrice. Il faudra utiliser à la fois le masculin et le féminin quand on parle d’un groupe indifférencié, par exemple les agriculteur-trice(s). Le masculin ne l’emportant plus sur le féminin !

On accordera donc au plus près : les garçons et les filles sont contentes. Et dernière horreur à proscrire à tout jamais : ne jamais mettre une majuscule à Homme pour désigner  des hommes et des femmes qui composent ensemble, qui régénèrent ensemble l’humanité.

La légitimité des propositions faites est incontestable : la langue est imprégnée d’une idéologie anti féministe. Et les combats des femmes, mais aussi des hommes pour plus de justice, pour plus d’égalité, pour plus de liberté ont eu des effets limités. Les tentatives des forces réactionnaires pour empêcher tout progrès  ont très souvent  cherché à perturber les valeurs, les représentations et les mots qui vont avec ; écoutez ce qu’ils ont fait des mots  démocratie, ou socialisme.

UNE BRÈCHE ?

Faut-il donc se précipiter dans la brèche grammaticale ouverte pour, dans ces temps où le harcèlement des femmes devient une réalité insupportable, en finir au moins avec les injustices de la langue ? Ma réponse est que la vérité n’est pas plus du côté  des vieilles barbes de l'Académie française que de celui des passionné(e)s de l’inclusive. L’économie de la langue repose sur un usage dont tous les mécanismes nous échappent un peu, mais qui la régule sur des pratiques qui parviennent souvent à combiner efficacité linguistique, pertinence sociale et invention. L’usage a su souvent prendre le contre-pied des  blocages, des malhonnêtetés, des turpitudes.

UN PIÈGE ?

Confondre les mots, les phrases et les choses qu’ils-elles représentent est un piège dans lequel les réformateurs de pacotille veulent nous prendre pour nous convaincre que les mots suffisent à changer la vie. Les terrains sociaux, linguistiques, philosophiques sont imbriqués d’une telle façon que seule une approche globale est efficace pour faire bouger les lignes d’une vie à écrire où une moitié des êtres humains n’aura plus à craindre pour elle-même. Je serai enclin à nous inciter tous ensemble à détruire les murs qui gâchent-cachent notre avenir commun. Pour cela nous avons besoin d’une langue certes complexe, mais riche de toutes ses strates et de  toutes ses potentialités. Evitons d’en faire un simple artifice ; la confusion, genre-sexe pourrait y conduire. Préservons-la. Elle est précieuse. Elle est comme nos enfants : faisons tout pour elle, mais laissons-lui sa liberté, elle est notre avenir ! L’amour de la langue... toujours.

Jean-Marie Philibert

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