L’horizon
indépassaple ?
Perpignan-gnan-gnan… Je pense que cet atavisme-là, la
résurgence référentielle et systématique du milieu originel, n’est pas une
spécificité locale, il est copieusement partagé par tous ceux qui ne sont pas
grand-chose et qui rêvent d’être plus que rien. Ils sont légion ! Pour
exister !
Ce syndrome nous touche d’autant plus fort que la ville est
tout ce qu’il y a de plus périphérique, à l’extrême sud de la France, loin de
centres économiques attractifs, marquée
par une histoire originale, mais relativement méconnue, aux mains de politiques
qui n’ont jamais cherché l’ouverture maximum
et qui lui ont systématiquement préféré le repliement sur soi, souvent
vécu comme une garantie de préserver leur pré-carré. Et en plus avec de l’autre
côté de la frontière, une grande sœur qui ambitionne de devenir une nation à
elle toute seule : elle nous fait envie, mais on n’est pas en mesure de
rivaliser.
Une
croyance fantasmagorique
De là, la surestimation de ce que l’on est, un mépris quelque
peu affiché pour ceux qui n’en sont pas et la croyance fantasmagorique, comme
il disait, le divin Dali, à se prendre pour le centre du monde. La preuve par
la Gare de Perpignan.
Il est vrai que les atouts du département, de la ville, de sa
culture, de son histoire, de ses paysages, de son art de vivre, de sa joie de
vivre ne sont pas négligeables et l’on se rend compte en cette fin de période
touristique qu’ils sont attractifs, qu’ils font des envieux, qu’il y aurait
presque de quoi être fiers.
Mais Dali s’est moqué de nous, et de lui, dans une paranoïa
catalano-centripète qui a fait une partie de sa gloire et un peu de notre
orgueil.
Rigaud/Dufy/Perpignan/gnan/gnan
Mais ma visite au musée Rigaud où se tient une exposition
fort intéressante et instructive sur Raoul DUFY amène mon mauvais esprit à
regimber devant cette vision des choses
qui se limite à notre horizon immédiat.
D’abord le plaisir… Des formes, des dessins, des couleurs. La
richesse d’une vision du monde dont l’enthousiasme tranche quand même avec la
rigueur des temps : on est autour de la seconde guerre mondiale quand DUFY
s’installe à Perpignan. Il nous donne une leçon de vie dans les ateliers
successifs qu’il occupe dans la ville et dont il fait les sujets de ses
tableaux, dans les paysages, dans les scènes de ville, dans les portraits qu’il
dresse. Quand il peint le carnaval en
1946, il éveille notre imaginaire : la vraie vie serait-elle là dans
l’évocation artistique d’une exubérance de la vie par un artiste sexagénaire,
qui souffre de rhumatismes, mais qui veut nous convaincre que la vie vaut la
peine d’être vécue, que l’art est là pour la transfigurer. Celle qu’il vit ici
entouré de ses amis catalans est de cet ordre-là et il nous la fait partager.
C’est réjouissant, comme est réjouissante la place prise par la ville, le
département, dans cette explosion de l’art moderne au XX° siècle.
Mais
Mais, et c’est là que mon mauvais esprit critique éveille mon
humeur chagrine : en 2017, nous avons eu droit à une intéressante
exposition intitulée PICASSO PERPIGNAN, en 2018 DUFY LES ATELIERS DE
PERPIGNAN : Perpignan et sa périphérie seraient-ils les horizons
indépassaples de la peinture montraple. Je crains que ces premiers choix opérés
témoignent avant tout d’une vision étriquée de l’art dont il est important
qu’une institution muséale se départisse. L’art, la peinture en
particulier, touche à l’universel, même
s’’il est le produit d’une terre. Il ne peut pas se laisser enfermer dans
quelque microcosme que ce soit. Notre Catalogne est un lieu de brassage, de
passage, de rencontre, de solidarité, d’ouverture : nous sommes,
serons, d’autant plus nous-mêmes que
nous ne l’oublierons pas. Dans tous les domaines.
Jean-Marie Philibert.
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