les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 17 septembre 2018

l'horizon indépassaple


L’horizon indépassaple ?



Perpignan-gnan-gnan… Je pense que cet atavisme-là, la résurgence référentielle et systématique du milieu originel, n’est pas une spécificité locale, il est copieusement partagé par tous ceux qui ne sont pas grand-chose et qui rêvent d’être plus que rien. Ils sont légion ! Pour exister !

Ce syndrome nous touche d’autant plus fort que la ville est tout ce qu’il y a de plus périphérique, à l’extrême sud de la France, loin de centres économiques  attractifs, marquée par une histoire originale, mais relativement méconnue, aux mains de politiques qui n’ont jamais cherché l’ouverture maximum  et qui lui ont systématiquement préféré le repliement sur soi, souvent vécu comme une garantie de préserver leur pré-carré. Et en plus avec de l’autre côté de la frontière, une grande sœur qui ambitionne de devenir une nation à elle toute seule : elle nous fait envie, mais on n’est pas en mesure de rivaliser.

Une croyance fantasmagorique

De là, la surestimation de ce que l’on est, un mépris quelque peu affiché pour ceux qui n’en sont pas et la croyance fantasmagorique, comme il disait, le divin Dali, à se prendre pour le centre du monde. La preuve par la Gare de Perpignan.

Il est vrai que les atouts du département, de la ville, de sa culture, de son histoire, de ses paysages, de son art de vivre, de sa joie de vivre ne sont pas négligeables et l’on se rend compte en cette fin de période touristique qu’ils sont attractifs, qu’ils font des envieux, qu’il y aurait presque de quoi être fiers.

Mais Dali s’est moqué de nous, et de lui, dans une paranoïa catalano-centripète qui a fait une partie de sa gloire et un peu de notre orgueil.

Rigaud/Dufy/Perpignan/gnan/gnan

Mais ma visite au musée Rigaud où se tient une exposition fort intéressante et instructive sur Raoul DUFY amène mon mauvais esprit à regimber devant cette vision des choses  qui se limite à notre horizon immédiat.

D’abord le plaisir… Des formes, des dessins, des couleurs. La richesse d’une vision du monde dont l’enthousiasme tranche quand même avec la rigueur des temps : on est autour de la seconde guerre mondiale quand DUFY s’installe à Perpignan. Il nous donne une leçon de vie dans les ateliers successifs qu’il occupe dans la ville et dont il fait les sujets de ses tableaux, dans les paysages, dans les scènes de ville, dans les portraits qu’il dresse.   Quand il peint le carnaval en 1946, il éveille notre imaginaire : la vraie vie serait-elle là dans l’évocation artistique d’une exubérance de la vie par un artiste sexagénaire, qui souffre de rhumatismes, mais qui veut nous convaincre que la vie vaut la peine d’être vécue, que l’art est là pour la transfigurer. Celle qu’il vit ici entouré de ses amis catalans est de cet ordre-là et il nous la fait partager. C’est réjouissant, comme est réjouissante la place prise par la ville, le département, dans cette explosion de l’art moderne au XX° siècle.

Mais

Mais, et c’est là que mon mauvais esprit critique éveille mon humeur chagrine : en 2017, nous avons eu droit à une intéressante exposition intitulée PICASSO PERPIGNAN, en 2018 DUFY LES ATELIERS DE PERPIGNAN : Perpignan et sa périphérie seraient-ils les horizons indépassaples de la peinture montraple. Je crains que ces premiers choix opérés témoignent avant tout d’une vision étriquée de l’art dont il est important qu’une institution muséale se départisse. L’art, la peinture en particulier,  touche à l’universel, même s’’il est le produit d’une terre. Il ne peut pas se laisser enfermer dans quelque microcosme que ce soit. Notre Catalogne est un lieu de brassage, de passage, de rencontre, de solidarité, d’ouverture : nous sommes, serons,  d’autant plus nous-mêmes que nous ne l’oublierons pas. Dans tous les domaines.

Jean-Marie Philibert.

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