les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 24 septembre 2018

Métaphores encore et toujours


Métaphores, encore et toujours…



Il faut souvent se méfier des métaphores ou des expressions toutes faites qui sur le moment vous donnent le sentiment de régler avec facilité des problèmes ardus et de clouer le bec à vos contradicteurs. La langue est pleine de pièges  et bien malin celui qui croit pouvoir les déjouer avec facilité.

Deux exemples dans l’actualité toute proche apportent de l’eau à mon moulin.



Exemple 1

Rappelez-vous la métaphore de l’archipel que Jean-Paul Alduy, quand il fut maire de Perpignan, a mis à toutes les sauces en faisant un archipel de notre ville, de ses quartiers disparates, des communes qui l’entourent, de l’agglomération que tout cela est censé composer et dont il était le grand manitou.

Cela avait la saveur de l’exotisme, le charme de la mer, la liberté, le calme des îles. Dans un archipel, chaque île a sa personnalité, vit sa vie tout en étant en lien avec les autres. Dans un archipel entre les îles existent des frontières naturelles qui font que même si l’on peut se visiter chacun reste chez soi et que si des échanges existent ils ne remettent jamais en cause la structure de la population.

L’île Saint Jacques sera fidèle à elle-même, certains quartiers du Nord de Perpignan seront « compliqués », les beaux quartiers le seront toujours, les faubourgs populaires aussi et garderont surtout  leur populaire pour eux, quant aux îles éloignées, elles ne troubleront que faiblement l’atmosphère de la vénérable cité.

Au lieu de travailler à la mixité sociale,  à la rénovation,  au lieu de s’attaquer aux divisions sociales, à la ségrégation, à la construction d’une cité solidaire, par-delà ses différences, en un mot au progrès, Jean Paul Alduy rêvait de nous voir rester chacun dans nos îles, de préserver le statu quo et la rente politique que son père lui avait léguée.

La métaphore des îles a bon dos. Quelques années après, remords ? Repentir ? Ou peau de banane pour ses successeurs ? Il s’étonne dans un livre, présenté dans la presse que cela n’ait pas marché. La magie des mots a ses limites, surtout quand on s’adresse  à des concitoyens qui ne sont pas nécessairement des imbéciles.





Exemple 2

 Ce même principe s’applique à la dernière expression que le Jupiter qui nous gouverne mal a trouvée pour régler le problème du chômage. A un jeune homme ayant suivi une formation en horticulture et qui lui faisait part de ses difficultés à trouver un emploi, du haut de sa suffisance ne voilà-t-il pas qu’il lui dit que pour travailler il suffit de traverser la rue, de demander au bistroquier qui est en face un boulot et le tour est joué, vous n’êtes plus chômeur. Sous-entendu il ne faut pas être une grosse feignasse, il faut accepter n’importe quoi, à n’importe quel prix, il faut être souple, malléable, prendre la société comme elle est et surtout, surtout ne pas chercher à changer. Y a-t-il un geste plus simple que celui de traverser une rue ? Il y a donc en France des millions de gens qui sont incapables de traverser une rue.

On mesure l’échec patent de notre système éducatif où on met un pognon de dingue pour enseigner des matières qui ne servent à rien et où on n’apprend pas à repérer les passages piétons et à traverser les rues à des jeunes qui manquent vraiment d’ambition.



Esprit critique

La réaction populaire devant l’inanité d’un tel propos me convainc que dans mes années d’enseignement j’ai bien fait de privilégier l’apprentissage de l’esprit critique, à l’étude des règles de la circulation urbaine.

L’esprit critique est celui qui déjoue les pièges des mots, des métaphores séduisantes,  des lieux communs imparables, des conseils à deux balles.

D’autant que la métaphore de la rue est d’une richesse incommensurable : la rue, c’est la vie, la rencontre, le lieu d’expression, de respiration d’une société. La rue, c’est ce qu’il nous reste quand on a tout perdu. La rue, on y exprime nos colères, nos révoltes, nos espoirs... On a tout intérêt à y descendre, à y redescendre, à y reredescendre, non pas pour la traverser, mais pour y rester, pour la prendre, pour s’y répandre les plus  nombreux possibles dans la multiplicité d’un peuple divers.

Jean-Marie Philibert.

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