les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 29 avril 2019

Macron et les journalistes


La vraie vie est ailleurs

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué? Réponse : parce qu’on n’a rien à dire, ou si peu. Macron, après les interminables parlotes  du grand débat où il a passé plus de temps à occuper le crachoir qu’à écouter les citoyens, avait dit qu’il dirait, qu’il allait dire, qu’il avait dit, que la télé avait tout enregistré… Et puis,  au feu ! au feu ! Notre Dame flambe. Grande émotion nationale et donc silence radio. Mais le discours a fuité, des rédactions l’ont reçu et des rédacteurs se mettent à tartiner sur un discours qui n’a pas été dit… pour dire qu’il ne dit pas grand-chose. Fin de l’acte un. On ne sait rien parce qu’il y a si peu…

L’acte deux peut commencer : les même rédacteurs disent qu’il va dire, mais on ne sait pas quand, ni comment. Ce qu’il va dire reste du même tonneau : des petits riens. L’émotion de l’incendie dépassée, une grande nouvelle occupe la galaxie journalistique, il tiendra une conférence de presse à l’Elysée le jeudi 25 avril, comme Mon Général. Sa première conférence de presse, lui si jeune !  Il n’invite pas les gilets jaunes, alors qu’il dit qu’il va leur répondre. Il laisse plusieurs jours aux rédactions et aux rédacteurs pour faire monter la pression, toujours sur le même thème, on ne sait rien, peu , pas grand- chose, mais ça sera un grand moment, le deuxième temps du quinquennat, le rebond assuré, le retour en grâce, le nouveau départ de la république en marche. Ils font le boulot. Au jour J, à l’heure H, la galaxie est assise dans les salons élyséens, les ministres sont en ringuette, attentifs, la cérémonie peut commencer. Sur le fond rien ne change, ou si peu, ou si vague. Sur la forme on fait moins dans l’arrogance, on reconnaît quelque maladresses, on explique bien, on s’exprime bien. On répond poliment à la galaxie bien obséquieuse qui ne dit rien qui fâche…

 La vraie vie est ailleurs.

JMP

Pour une économie hérétique


Pour une économie hérétique



Parmi les caractéristiques de notre temps, il en est une qui me chagrine plus que les autres, c’est notre incapacité à entrer sans retenue et sans faux fuyants dans quelque débat politique que ce soit, aussi bien dans la sphère publique, que dans la sphère privée. Certes dans la sphère publique les chaînes de télé multiplient les initiatives, mais le plus souvent ce sont les mêmes ostrogoths qui viennent s’aligner devant les caméras pour dérouler un discours convenu, plus fait pour brouiller les pistes que pour les éclairer, et surtout pour ne rien dire de ce qui fonde leurs positions, des valeurs qu’ils entendent défendre, des choix politiques qui sont les leurs. Comme si la politique était devenue quelque chose d’obscène. Le modèle vient de haut  avec Macron. Mais il remonte plus loin. Un PS qui ne savait pas où il couchait. Une extrême droite qui avance masquée, Une droite honteuse. Une gauche de la gauche éclatée. D’où dans nos conversations privées, bien peu de politique. Il reste les réseaux sociaux… pour le défoulement. Pas pour la compréhension. Ni l’analyse.

Les nouveaux maîtres

Cette tendance lourde a été renforcée par la place de plus en grande prise par l’économie, et les économistes, orthodoxes bien sûr, nouveaux maîtres autour du dieu de la finance. Ils sont partout, ils savent tout, leurs vérités sont révélées, indiscutables, ils renvoient dans les cordes tous ceux qui auraient l’outrecuidance de contester leur autorité intellectuelle et religieuse. On ne travaille pas assez en France… La dette publique, une horreur, un cauchemar … Le code du travail, quel boulet… le marché, la concurrence, il n’y a que ça de vrai… et de scientifique. Parce que l’économie, ça c’est une science. Le chômage, c’est la faute aux chômeurs. Saint Libre-échange, priez pour nous.

Il y a actuellement sur les étals des libraires, les bons, un petit livre, petit par le format, mais pas par le contenu, qui règle le sort de ces vieilles lunes réactionnaires qui empoisonnent notre ambition de comprendre le monde dans lequel nous vivons. LE TRAITE D’ECONOMIE HERETIQUE de Thomas Porcher, son sous-titre En finir avec le discours dominant. Thomas Porcher est membre des Economistes atterrés, il ne se reconnaît pas dans l’ordre économique ambiant et il combat la prétention de ses thuriféraires d’en faire l’horizon indépassable de notre monde.

Démystifier

Contrairement à la prose habituelle des économistes, celle de Porcher  est  immédiatement accessible. Elle n’est pas faite pour impressionner, mais pour aider à comprendre. Elle nous ouvre les portes complexes de la finance. Elle démystifie le faux argument de la dette publique. Elle insère la réflexion économique dans sa dimension sociale, idéologique, écologique. Elle dénonce le rôle de l’Europe, du FMI, des traités de libre-échange qui sont faits pour donner les pleins pouvoirs aux multinationales. On garde l’impression, le livre une fois fermé, qu’on est un peu moins bêtes.

Des principes d’autodéfense

D’autant qu’il conclut son ouvrage par dix principes d’autodéfense contre la pensée dominante. Je ne résiste pas à la tentation de vous en citer quelques-uns : « Toujours se méfier des remèdes miracles que l’on pourrait appliquer partout et qui fonctionneraient comme par magie, ne jamais se laisser imposer  les limites du possible, un individu n’est jamais seul responsable de sa réussite ou de ses échecs, ne jamais croire que la flexibilité du marché du travail est un remède au chômage, avant de dire qu’i faut baisser la dépense publique, essayer de comprendre ce qu’elle recouvre, la finance n’est l’amie de personne sauf des financiers,  n’ayez pas peur de la dette publique … »

Nous voilà un peu mieux armés pour faire de la politique, et pour remettre à leur place un grand nombre de cuistres qui nous gouvernent, et qui nous bourrent le crâne, à commencer par le jeune blanc bec  qui jeudi dernier, sous les ors de l’Elysées, a tartiné pendant plus de deux heures des inepties du même tonneau.

Jean-Marie Philibert.

samedi 20 avril 2019

De la sidération médiatique


De la sidération médiatique

Lundi 15 avril, à 18 heures quand il enregistrait pour la télé son message sur les décisions prises à l’issue du grand débat, même du haut de sa suffisance, il n’était pas très sûr de lui.

« J’ai dit à Philippe de faire monter la pression, de jouer les bateleurs, vous allez voir ce que vous allez voir ! Et puis maintenant quand je regarde ce que j’ai à dire… pas grand-chose, je me dis que ce serait bien de retarder encore un peu  les échéances. Jupiter, fais quelque chose »

Jupiter fait

Et Jupiter a fait, il a foutu le feu à Notre-Dame de Paris !

«  Les dieux sont avec moi ! Un petit coup d’émotion nationale, suivi d’un grand coup d’union nationale, le tout précédé d’un grand moment de télévision en « live » pour des millions de concitoyens et je pourrai peut-être faire oublier que je n’ai rien compris, que je ne veux rien comprendre, que je ne veux distribuer que quelques miettes … »

Vous avez bien compris qu’on est là dans la pure politique-fiction, que notre vénéré président n’est pour rien dans les malheurs de Notre Dame. Vous trouverez peut-être que mon humour est mal placé, que l’incendie de Notre-Dame est un drame national. Vous avez raison ! C’est l’emblème de Paris, le cœur de notre histoire, un lieu qui semblait plus fort que le temps, une merveille architecturale qui  représentait l’honneur, le génie et  la sueur des hommes qui l’avaient conçue et construite, une tentative séculaire de conquérir le ciel  (pour y rencontrer dieu dira celui qui y croit). Je pense ce que j’écris, vous n’en doutez pas.

Cela part en fumée, sous nos yeux, en direct «live». C’est de ce «live» que je veux parler. Le rapport avec Macron : du pur hasard… heureux ( ?). On verra.

Couverture exceptionnelle pour événement exceptionnel

Notre Dame, une couverture médiatique exceptionnelle pour un événement du même ordre : toutes les chaînes y sont, dans un consensus absolu du cadrage, pour tous, la même image du toit brulant de Notre Dame. Et pratiquement rien à dire. On fait donc appel à des experts, pompiers, hommes d’église qui n’ont aucune information à donner. L’envoyé spécial sur place dit qu’il ne sait pas grand-chose. Il interroge des témoins qui font part de leurs sentiments. L’émotion, mais le vide. Vite, « heureusement » une image marquante, la flèche de Notre dame s’embrase, s’effondre. Le pathos est à son comble. On commente le vide.

Mais pas pour rien, pour construire un récit qui est celui du roman collectif et national, l’histoire de la France catholique devient l’histoire de tous les Français : les interventions politiques peuvent commencer, accompagnées par les riches et généreux donateurs. Elles sont tout à fait à leur place. Sans aspérités. Elles iront toutes pour la plupart dans le même sens  d’un abandon de tout esprit critique face à une société du spectacle, fût-il dramatique. Le but est atteint.

On est à mile encablures du grand débat, on en oublie les impératifs de la préservation du patrimoine, les faiblesses des budgets qui y sont consacrés. On ne s’interroge même plus pour savoir si le drame aurait pu être évité.

La sidération médiatique produit ses effets.

Macron n’y est pour rien.

Mais la fatalité lui offre un répit.

Jean-Marie Philibert.

mardi 16 avril 2019


ANTONI CLAVE

IL NE FAUT PAS LE LAISSER PASSER INCOGNITO

Sur une thématique faite pour nous séduire au TC « Sur le front de l’art », le Musée Rigaud présente une nouvelle exposition temporaire de très haute tenue qui permet de (re)découvrir un grand d’Espagne, qui fait partie de ceux qui, dans les temps troubles de la guerre civile et  de la dictature franquist


e, ont su être l’honneur de leur pays.

De Barcelone à Perpignan

Elle s’inscrit dans l’itinéraire personnel du peintre, né à Barcelone en 1913, et employé dans un premier temps dans une entreprise de peinture (en bâtiment), pour ensuite se lancer dans le graphisme et la réalisation d’affiches de cinéma. Plusieurs sont exposées, d’une modernité surprenante. Mobilisé en 37 pour défendre la république, il travaille dans le domaine de l’affiche politique. Quand Barcelone tombe aux mains de l’armée franquiste, il franchit la frontière française, à Prats de Mollo en janvier 39. Il  sera interné à Perpignan au camp des Haras, où il dessine le quotidien de l’enfermement. La délicatesse, la finesse des dessins de cette période peut sembler paradoxale par rapport à la dureté des expériences vécues. Martin Vives, artiste peintre local, contribue à sa libération, à une exposition à Perpignan qui lui permet de gagner quelque argent et de partir pour Paris.

Avec Pablo

Il y intègre rapidement les activités de l’ «Ecole espagnole de Paris », participe à la lutte antifranquiste, se lie d’amitié avec Picasso, travaille pour le théâtre, pour des éditions de livres précieux. Vous verrez la maquette  des décors pour «la Peur» ballet de Roland Petit. A la fin des années 50, plusieurs expositions lui permettent d’acquérir  une renommée internationale. Il s’installera dans le midi de la France. La fin du franquisme voit la reconnaissance d’Antoni Clavé dans son pays d’origine et en 84 le pavillon espagnol à la Biennale de Venise lui est consacré.

Il rend, avec la variété de ses talents, hommage à Picasso. Le musée Rigaud expose  toute une série d’œuvres « A Don Pablo », d’une puissance et d’une invention digne du maître. Les grandes rétrospectives se multiplient de  Paris à New York, du Chili à l’Italie. Il ne cessera d’inventer, de se renouveler, grands formats, nouvelles techniques de gravures, étranges et dérisoires instruments de musique, de la musique … « pour les yeux » dit-il. Le tout, toujours, avec la dose d’humour qui va avec. Il y en a plusieurs dans l’exposition.

Une œuvre superbe et variée

Son œuvre est graphique et picturale, mais il s’intéresse aussi à la matière, aux objets détournés qui deviennent sculptures, aux collages, aux papiers froissés. Il part du figuratif, mais s’en détache, sans couper définitivement les ponts. La thématique des « guerriers » revient comme un leitmotiv, ils  semblent agressifs, fantomatiques, enfantins. Ils sont souvent armés d’une lance et inquiétants, ils peuvent être de bronze, ou peints de couleurs sombres, irisés d’éclats vifs. 

Je vois dans les petites armoires peintes  et  garnies d’objets étranges présentées dans l’exposition des témoignages fantaisistes sur sa vie intérieure, sur son irréductible personnalité, au-delà de toute rationalité, dont il préserve les secrets. Ses réinterprétations de tableaux du Greco  sont aussi l’expression de ce regard personnel qui ne veut pas se laisser assimiler à du déjà connu. Il veut inventer et réinventer. C’est qu’il fait dans ses œuvres avec du papier froissé, en trompe-l’œil ou en collage : des images éclatées qui rejoignent ses thématiques anciennes. Avec parfois un sens plus marqué : ainsi la revendication catalaniste « Volem l’estatut » de 1977.

Réservons pour la fin les sculptures, faites de bouts de bois, de bouts de ficelles, de quelques clous, d’objets hétéroclites, qui traduisent une âme d’éternel enfant, et les grands formats des dernières années, où avec une fougue absolument juvénile, il rassemble toute la thématique de son œuvre pour créer les images d’un monde à la fois onirique et vrai qui nous surprend par sa puissance.

Il ne faut pas laisser passer Clavé incognito. Il faut aller le voir et le méditer dans un riche dialogue.

Merci Antoni !

Jean-Marie Philibert                                                     

dimanche 7 avril 2019

les yeux ouverts


Les yeux ouverts…

à Perpignan, comme ailleurs



Anna Karina, actrice fétiche de la nouvelle vague, c’était hier, est à Perpignan pour Confrontation , devinez une de ses premières paroles lors de la rencontre avec le public : « Vous habitez une bien belle ville ». Oui ! Nous habitons une ville qui a d’innombrables atouts, nous la connaissons, nous les connaissons, malheureusement nous avons pu observer comment, progressivement, mais sûrement, depuis toutes les municipalités de droite qui furent aux commandes depuis belle lurette, ils furent « oubliés » quand ce n’est pas détruits à petit feu, ou même brutalement.


Du saccage du patrimoine

Commençons par là, c’est une actualité brûlante-branlante, un très vieux quartier populaire, Saint Jacques, riche d’une histoire séculaire, riche d’une architecture mêlée, diverse, somptueuse parfois, quartier qui fut à la fois industriel, populaire, bourgeois, cosmopolite : dire qu’il a été oublié est un euphémisme pour taire que l’on en a fait un ghetto, souvent insalubre où il semble que la seule issue serait une destruction massive pour une boboïsation juteuse. La municipalité de Pujol est à la manœuvre, elle est si sourde aux revendications de réhabilitation qu’Alduy, le fils, qui est aussi avec son papa, responsable  du gâchis, dit publiquement qu’il faut réhabiliter.

A l’incurie généralisée

La ville historique qui pourrait être un joyau très attractif pour un tourisme à développer, et donc très dynamique économiquement, est laissée en déshérence, des rues entières sont sinistrées.  Plus de marché public urbain, un habitat profondément dégradé. La seule réponse actuelle consiste à envoyer des armées de balayeuses-arroseuses inonder le tout chaque matin pour donner l’illusion de la propreté. L’atout de la ville, c’est sa situation géographique : le sud, la mer. Mais aussi, sa personnalité, sa culture, sa langue, ses traditions, sa population (observez l’attachement historique aux équipes sportives qui en atteste, même quand certaines ne brillent pas beaucoup), son rôle agricole, sa situation frontalière. Un maillage médical, éducatif attractifs. Une attirance forte pour ceux qui la découvrent et s’y installent. A condition de ne pas les assassiner fiscalement. Ce qui fait fuir ces populations nouvelles à la périphérie.

Par manque total d’ambition

Le patronat local, les milieux économiques « responsables » sont bien souvent prisonniers d’une recherche rapide, sonnante et trébuchante, de plus-values  à faire : ils n’ont qu’une vision utilitariste et à courte vue de la politique municipale à mener. Les projets portent le plus souvent sur les zones commerciales périphériques à développer de façon exponentielle sans se rendre compte qu’elles sont mortifères pour la ville. Quant à une éventuelle possibilité de réinsdustrialisation, c’est devenu un gros mot qui fait fuir tout le monde : comme si l’on avait peur que cela tourneboule les situations acquises et sans doute juteuses des hobereaux locaux, si bien habitués à vivre de leur rente. Et pourtant pas loin d’ici, à Montpellier, par exemple, ces évolutions-là se sont produites.

D’où l’impasse

Pas étonnant, que dans un sondage récent, le maire sortant et ses affidés soient donnés battus dans tous les cas de figure. Plus étonnant qu’arrive en tête ALIOT du Rassemblement National qui est élu dans l’opposition au conseil municipal, mais qui ne propose rien de bien différent si ce n’est une dose supplémentaire de xénophobie, son fonds de commerce. Romain Grau serait sur le podium, il s’inscrit dans une tradition locale bien ancrée depuis des lustres, le retournement de veste, du PS à la droite pour rejoindre Macron. Le modèle est à l’Elysée. Mais aucune des têtes de liste avancées ne semble en mesure de l’emporter. Quant à leur projet pour la ville, en dehors de celui de s’asseoir sur le fauteuil du maire, le vide sidéral.

Ou l’espoir

Quant à la gauche, avec les noms déclarés ou pas, elle fait pâle figure ; et pourtant si l’on additionne les opinions qui se déclarent en leur faveur, on constate qu’elle pourrait décrocher la timbale, si chacun sortait de son pré carré, de ses seuls intérêts partisans, si un projet était collectivement construit avec les populations concernées, si les valeurs de justice sociale, de solidarité, de vie démocratique, de lutte contre la précarité et l’exclusion, s’inscrivaient dans des perspectives crédibles, si la conviction que personne n’a raison tout seul, que le rassemblement de ceux qui ont des intérêts communs prenait le pas sur la dérive des egos surdimensionnés. Si, dès maintenant, on travaillait ensemble à construire un espoir. Lucidement.

Il serait temps que la lucidité redevienne une vertu politique.

Plutôt que de se jeter dans les bras de n’importe qui. Pour éviter la peste ou le choléra, ouvrons les yeux !

Jean Marie Philibert

lundi 1 avril 2019

repression/contorsion/subvertion


Répression/Contorsion/Subversion

Du quartier Saint Jacques à  Londres, de Paris à Bruxelles, de samedi en samedi, des gilets jaunes aux gilets rouges, verts et arc-en-ciel, le déficit qui nous plombe est toujours le même : une maladie démocratique chronique qui rend les états et l’Europe sourds à l’expression des besoins sociaux, avec toutes les contorsions politiques qui les accompagnent et avec les entreprises de répression qu’il faut pour que l’ordre règne (presque !).

Répression

La répression ! En France, dans la dernière période, la police de notre cher pays a dû balancer, en quelques semaines, plus de grenades, de balles (en caoutchouc pour le moment), de coups de matraques que pendant les dernières dix années. Et que je te crève un œil, et que je t’arrache une main, et que je t’empoisonne à la lacrymo. Je suis très surpris que beaucoup de ceux qui se réclament de la démocratie aient la langue coupée, le regard ailleurs (vers le Vénézuela par exemple). Comme si ce qui se passe ici ne relevait pas des mêmes exigences démocratiques. Une dernière remarque locale sur la répression, elle est très locale, mais a du sens. Dans ma vie d’avant, celle de prof, j’ai connu, accompagné, « canalisé », même parfois, nombre de manifs de lycéens et étudiants, à Perpignan, pendant trente ans je n’y ai vu aucun coup de matraque ; il faut atteindre l’ère de la Macronie, au mois de décembre dernier, pour voir des robot-cop taper, ici,  sur des jeunes, les gazer pour éviter qu’ils aillent grossir les rangs des gilets jaunes. Même la police municipale de la ville dont ce n’est  pas le rôle avait été réquisitionnée. C’est dire l’urgence ! Je reste persuadé de l’inefficacité de la méthode et de ses effets boomerang, voir l’affaire Geneviève Legay, retraitée pas sage.

Contorsions

Ensuite, pour faire passer la pilule, pour laisser croire que l’on maîtrise la situation, pour défendre la démocratie et pour avaliser l’espérance d’une république en marche vers un monde nouveau, nos grands hommes locaux nationaux, internationaux, usent et abusent de la contorsion. Il y a les toutes- petites contorsions risibles, Jean-Paul Alduy qui reproche à Pujol de vouloir détruire Saint-Jacques, comme s’il n’avait pas sur les bras, en tant qu’ancien maire,  quelques coups de pelleteuses malheureux. Et il y a la méga contorsion, celle de Jupiter lui-même, qui, dans le même temps qu’il bave sur son peuple, d’imbéciles gaulois ou de retraité(e)s exité(e)s qui n’ont pas la sagesse de se retenir de manifester, se présente en grand chef des progressistes, en apôtre de la modernité face aux méchants populistes d’ici et d’ailleurs. IL enlise la France et il prétend sauver l’Europe. Comprendra qui pourra ! La contorsion est aussi internationale, Theresa May en fait quotidiennement la démonstration, Brexit, no Brexit, deal, no deal… elle fait peine. En descendant par millions dans les rues de Londres les citoyens lui ont rappelé que le peuple existe et qu’il serait bon de l’écouter.

Subversion

Ecouter le peuple…pas seulement par les arcanes étroits d’institutions représentatives que des pratiques dilatoires, bureaucratiques, qu’un trop plein de manœuvres politiciennes ont rendues en grande partie inopérantes et peu crédibles. Pas seulement par un grand débat où la seule vérité admise est celle qui tombe du ciel. Pas seulement dans les opinions manipulées par la téloche ou internet.

Beaucoup plus simplement dans le monde du travail, dans les services publics, dans le quotidien des communes, aux portes des écoles, dans les services sociaux, dans les manifestations publiques, sur des gilets jaunes aussi, dans la rue, dans les mots du quotidien.

Le peuple et les citoyens qui le composent expriment une inextinguible soif de vivre décemment avec la juste part de richesses produites et le respect qui va avec.

Il est plus qu’urgent de l’assouvir.

Mais c’est une subversion !

Jean-Marie Philibert.