Les yeux
ouverts…
à Perpignan,
comme ailleurs
Anna
Karina, actrice fétiche de la nouvelle vague, c’était hier, est à Perpignan
pour Confrontation , devinez une de ses premières paroles lors de la rencontre
avec le public : « Vous habitez une bien belle ville ».
Oui ! Nous habitons une ville qui a d’innombrables atouts, nous la
connaissons, nous les connaissons, malheureusement nous avons pu observer comment,
progressivement, mais sûrement, depuis toutes les municipalités de droite qui
furent aux commandes depuis belle lurette, ils furent « oubliés »
quand ce n’est pas détruits à petit feu, ou même brutalement.
Du saccage du patrimoine
Commençons
par là, c’est une actualité brûlante-branlante, un très vieux quartier
populaire, Saint Jacques, riche d’une histoire séculaire, riche d’une
architecture mêlée, diverse, somptueuse parfois, quartier qui fut à la fois
industriel, populaire, bourgeois, cosmopolite : dire qu’il a été oublié est
un euphémisme pour taire que l’on en a fait un ghetto, souvent insalubre où il
semble que la seule issue serait une destruction massive pour une boboïsation
juteuse. La municipalité de Pujol est à la manœuvre, elle est si sourde aux
revendications de réhabilitation qu’Alduy, le fils, qui est aussi avec son
papa, responsable du gâchis, dit
publiquement qu’il faut réhabiliter.
A l’incurie généralisée
La
ville historique qui pourrait être un joyau très attractif pour un tourisme à
développer, et donc très dynamique économiquement, est laissée en déshérence,
des rues entières sont sinistrées. Plus
de marché public urbain, un habitat profondément dégradé. La seule réponse
actuelle consiste à envoyer des armées de balayeuses-arroseuses inonder le tout
chaque matin pour donner l’illusion de la propreté. L’atout de la ville, c’est
sa situation géographique : le sud, la mer. Mais aussi, sa personnalité,
sa culture, sa langue, ses traditions, sa population (observez l’attachement
historique aux équipes sportives qui en atteste, même quand certaines ne
brillent pas beaucoup), son rôle agricole, sa situation frontalière. Un
maillage médical, éducatif attractifs. Une attirance forte pour ceux qui la
découvrent et s’y installent. A condition de ne pas les assassiner fiscalement.
Ce qui fait fuir ces populations nouvelles à la périphérie.
Par manque total d’ambition
Le
patronat local, les milieux économiques « responsables » sont bien
souvent prisonniers d’une recherche rapide, sonnante et trébuchante, de
plus-values à faire : ils n’ont
qu’une vision utilitariste et à courte vue de la politique municipale à mener.
Les projets portent le plus souvent sur les zones commerciales périphériques à
développer de façon exponentielle sans se rendre compte qu’elles sont mortifères
pour la ville. Quant à une éventuelle possibilité de réinsdustrialisation,
c’est devenu un gros mot qui fait fuir tout le monde : comme si l’on avait
peur que cela tourneboule les situations acquises et sans doute juteuses des
hobereaux locaux, si bien habitués à vivre de leur rente. Et pourtant pas loin
d’ici, à Montpellier, par exemple, ces évolutions-là se sont produites.
D’où l’impasse
Pas
étonnant, que dans un sondage récent, le maire sortant et ses affidés soient
donnés battus dans tous les cas de figure. Plus étonnant qu’arrive en tête
ALIOT du Rassemblement National qui est élu dans l’opposition au conseil
municipal, mais qui ne propose rien de bien différent si ce n’est une dose
supplémentaire de xénophobie, son fonds de commerce. Romain Grau serait sur le
podium, il s’inscrit dans une tradition locale bien ancrée depuis des lustres,
le retournement de veste, du PS à la droite pour rejoindre Macron. Le modèle
est à l’Elysée. Mais aucune des têtes de liste avancées ne semble en mesure de
l’emporter. Quant à leur projet pour la ville, en dehors de celui de s’asseoir
sur le fauteuil du maire, le vide sidéral.
Ou l’espoir
Quant
à la gauche, avec les noms déclarés ou pas, elle fait pâle figure ; et
pourtant si l’on additionne les opinions qui se déclarent en leur faveur, on
constate qu’elle pourrait décrocher la timbale, si chacun sortait de son pré
carré, de ses seuls intérêts partisans, si un projet était collectivement
construit avec les populations concernées, si les valeurs de justice sociale,
de solidarité, de vie démocratique, de lutte contre la précarité et
l’exclusion, s’inscrivaient dans des perspectives crédibles, si la conviction
que personne n’a raison tout seul, que le rassemblement de ceux qui ont des
intérêts communs prenait le pas sur la dérive des egos surdimensionnés. Si, dès
maintenant, on travaillait ensemble à construire un espoir. Lucidement.
Il
serait temps que la lucidité redevienne une vertu politique.
Plutôt
que de se jeter dans les bras de n’importe qui. Pour éviter la peste ou le
choléra, ouvrons les yeux !
Jean
Marie Philibert