les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 16 avril 2019


ANTONI CLAVE

IL NE FAUT PAS LE LAISSER PASSER INCOGNITO

Sur une thématique faite pour nous séduire au TC « Sur le front de l’art », le Musée Rigaud présente une nouvelle exposition temporaire de très haute tenue qui permet de (re)découvrir un grand d’Espagne, qui fait partie de ceux qui, dans les temps troubles de la guerre civile et  de la dictature franquist


e, ont su être l’honneur de leur pays.

De Barcelone à Perpignan

Elle s’inscrit dans l’itinéraire personnel du peintre, né à Barcelone en 1913, et employé dans un premier temps dans une entreprise de peinture (en bâtiment), pour ensuite se lancer dans le graphisme et la réalisation d’affiches de cinéma. Plusieurs sont exposées, d’une modernité surprenante. Mobilisé en 37 pour défendre la république, il travaille dans le domaine de l’affiche politique. Quand Barcelone tombe aux mains de l’armée franquiste, il franchit la frontière française, à Prats de Mollo en janvier 39. Il  sera interné à Perpignan au camp des Haras, où il dessine le quotidien de l’enfermement. La délicatesse, la finesse des dessins de cette période peut sembler paradoxale par rapport à la dureté des expériences vécues. Martin Vives, artiste peintre local, contribue à sa libération, à une exposition à Perpignan qui lui permet de gagner quelque argent et de partir pour Paris.

Avec Pablo

Il y intègre rapidement les activités de l’ «Ecole espagnole de Paris », participe à la lutte antifranquiste, se lie d’amitié avec Picasso, travaille pour le théâtre, pour des éditions de livres précieux. Vous verrez la maquette  des décors pour «la Peur» ballet de Roland Petit. A la fin des années 50, plusieurs expositions lui permettent d’acquérir  une renommée internationale. Il s’installera dans le midi de la France. La fin du franquisme voit la reconnaissance d’Antoni Clavé dans son pays d’origine et en 84 le pavillon espagnol à la Biennale de Venise lui est consacré.

Il rend, avec la variété de ses talents, hommage à Picasso. Le musée Rigaud expose  toute une série d’œuvres « A Don Pablo », d’une puissance et d’une invention digne du maître. Les grandes rétrospectives se multiplient de  Paris à New York, du Chili à l’Italie. Il ne cessera d’inventer, de se renouveler, grands formats, nouvelles techniques de gravures, étranges et dérisoires instruments de musique, de la musique … « pour les yeux » dit-il. Le tout, toujours, avec la dose d’humour qui va avec. Il y en a plusieurs dans l’exposition.

Une œuvre superbe et variée

Son œuvre est graphique et picturale, mais il s’intéresse aussi à la matière, aux objets détournés qui deviennent sculptures, aux collages, aux papiers froissés. Il part du figuratif, mais s’en détache, sans couper définitivement les ponts. La thématique des « guerriers » revient comme un leitmotiv, ils  semblent agressifs, fantomatiques, enfantins. Ils sont souvent armés d’une lance et inquiétants, ils peuvent être de bronze, ou peints de couleurs sombres, irisés d’éclats vifs. 

Je vois dans les petites armoires peintes  et  garnies d’objets étranges présentées dans l’exposition des témoignages fantaisistes sur sa vie intérieure, sur son irréductible personnalité, au-delà de toute rationalité, dont il préserve les secrets. Ses réinterprétations de tableaux du Greco  sont aussi l’expression de ce regard personnel qui ne veut pas se laisser assimiler à du déjà connu. Il veut inventer et réinventer. C’est qu’il fait dans ses œuvres avec du papier froissé, en trompe-l’œil ou en collage : des images éclatées qui rejoignent ses thématiques anciennes. Avec parfois un sens plus marqué : ainsi la revendication catalaniste « Volem l’estatut » de 1977.

Réservons pour la fin les sculptures, faites de bouts de bois, de bouts de ficelles, de quelques clous, d’objets hétéroclites, qui traduisent une âme d’éternel enfant, et les grands formats des dernières années, où avec une fougue absolument juvénile, il rassemble toute la thématique de son œuvre pour créer les images d’un monde à la fois onirique et vrai qui nous surprend par sa puissance.

Il ne faut pas laisser passer Clavé incognito. Il faut aller le voir et le méditer dans un riche dialogue.

Merci Antoni !

Jean-Marie Philibert                                                     

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