Pour une
économie hérétique
Parmi les caractéristiques de notre temps, il en est une qui
me chagrine plus que les autres, c’est notre incapacité à entrer sans retenue
et sans faux fuyants dans quelque débat politique que ce soit, aussi bien dans
la sphère publique, que dans la sphère privée. Certes dans la sphère publique
les chaînes de télé multiplient les initiatives, mais le plus souvent ce sont
les mêmes ostrogoths qui viennent s’aligner devant les caméras pour dérouler un
discours convenu, plus fait pour brouiller les pistes que pour les éclairer, et
surtout pour ne rien dire de ce qui fonde leurs positions, des valeurs qu’ils
entendent défendre, des choix politiques qui sont les leurs. Comme si la
politique était devenue quelque chose d’obscène. Le modèle vient de haut avec Macron. Mais il remonte plus loin. Un PS qui ne savait pas où il
couchait. Une extrême droite qui avance masquée, Une droite honteuse. Une
gauche de la gauche éclatée. D’où dans nos conversations privées, bien peu de
politique. Il reste les réseaux sociaux… pour le défoulement. Pas pour la
compréhension. Ni l’analyse.
Les
nouveaux maîtres
Cette tendance lourde a été renforcée par la place de plus en
grande prise par l’économie, et les économistes, orthodoxes bien sûr, nouveaux
maîtres autour du dieu de la finance. Ils sont partout, ils savent tout, leurs
vérités sont révélées, indiscutables, ils renvoient dans les cordes tous ceux
qui auraient l’outrecuidance de contester leur autorité intellectuelle et
religieuse. On ne travaille pas assez en France… La dette publique, une
horreur, un cauchemar … Le code du travail, quel boulet… le marché, la
concurrence, il n’y a que ça de vrai… et de scientifique. Parce que l’économie,
ça c’est une science. Le chômage, c’est la faute aux chômeurs. Saint
Libre-échange, priez pour nous.
Il y a actuellement sur les étals des libraires, les bons, un
petit livre, petit par le format, mais pas par le contenu, qui règle le sort de
ces vieilles lunes réactionnaires qui empoisonnent notre ambition de comprendre
le monde dans lequel nous vivons. LE
TRAITE D’ECONOMIE HERETIQUE de Thomas Porcher, son sous-titre En finir avec le discours dominant.
Thomas Porcher est membre des Economistes atterrés, il ne se reconnaît pas dans
l’ordre économique ambiant et il combat la prétention de ses thuriféraires d’en
faire l’horizon indépassable de notre monde.
Démystifier
Contrairement à la prose habituelle des économistes, celle de
Porcher est immédiatement accessible. Elle n’est pas
faite pour impressionner, mais pour aider à comprendre. Elle nous ouvre les
portes complexes de la finance. Elle démystifie le faux argument de la dette
publique. Elle insère la réflexion économique dans sa dimension sociale,
idéologique, écologique. Elle dénonce le rôle de l’Europe, du FMI, des traités
de libre-échange qui sont faits pour donner les pleins pouvoirs aux
multinationales. On garde l’impression, le livre une fois fermé, qu’on est un
peu moins bêtes.
Des principes
d’autodéfense
D’autant qu’il conclut son ouvrage par dix principes
d’autodéfense contre la pensée dominante. Je ne résiste pas à la tentation de
vous en citer quelques-uns : « Toujours
se méfier des remèdes miracles que l’on pourrait appliquer partout et qui
fonctionneraient comme par magie, ne jamais se laisser imposer les limites du possible, un individu n’est
jamais seul responsable de sa réussite ou de ses échecs, ne jamais croire que
la flexibilité du marché du travail est un remède au chômage, avant de dire
qu’i faut baisser la dépense publique, essayer de comprendre ce qu’elle
recouvre, la finance n’est l’amie de personne sauf des financiers, n’ayez pas peur de la dette publique
… »
Nous voilà un peu mieux armés pour faire de la politique, et pour
remettre à leur place un grand nombre de cuistres qui nous gouvernent, et qui
nous bourrent le crâne, à commencer par le jeune blanc bec qui jeudi dernier, sous les ors de l’Elysées,
a tartiné pendant plus de deux heures des inepties du même tonneau.
Jean-Marie Philibert.
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