Avant les
trois coups !
Rappel des épisodes précédents de la commedia dell’arte qui
nous occupe depuis plusieurs mois : deux matamores, Pujolino,
l’ancien, et Lorrentino, le nouveau, qui pensent que la ville, son université, ses
monuments, son théâtre, son centre, son histoire leur appartiennent de toute
éternité, avaient décidé tout seuls qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient
du vieux Perpignan.
« Duce… »
Après un vieux cloitre, ils s’étaient attaqués à la Bourse du
Travail, et enfin au Théâtre Municipal pour en faire leur chose et un
soi-disant remède miracle pour ranimer un centre-ville agonisant. Mais les
vrais amoureux du théâtre n’ont pas apprécié la comédie. Ils y ont peut-être vu
aussi des manœuvres grossières et électorales pour faire la démonstration que
la cité sans Lorrentino, sans Pujolino ne serait rien et qu’il est plus que
nécessaire d’en faire les « Duce » immortels de la ville. Les
spectateurs n’ont pas aimé le numéro de duettistes qui semblaient les prendre
pour des imbéciles
Graunalino
et Crestalino
Pendant ce temps d’autres « commediantes » qui
rêvaient aussi de devenir « Duce d’ici » se sont de leur propre
autorité introduits dans l’intrigue, une vraie saga, à épisodes. Graunalino,
dit le Romain, en avait assez de jouer les seconds couteaux émoussés de la
politique : « Par le plus grand des hasards et par des
contorsions en tous sens, je suis devenu député macaroniste, je peux bien
prétendre à devenir « Duce ». Dans le mensonge et dans la flagornerie
je suis aussi bon qu’eux, mon expérience tous azimuts parle pour moi. Je
n’hésite plus, j’y vais. J’ai des soutiens,
en marbre de Carrare bien sûr, un certain Crestalino qui croit qu’il est
encore à gauche. Certes ce n’est pas un pur- sang. Mais son image très
embrouillée, à gauche à la région, au centre avec moi, à droite pour ceux qui
le connaissent bien, peut contribuer à tromper un peu plus les spectateurs.
C’est bien sûr l’objectif. »
Et Amielino
Mais la saga ne s’arrête pas là. Un autre jeune loup de la
politique locale, venant d’horizons flous et multiples, un dénommé Amielino,
qui pendant un temps fut grand copain avec tous les autres, (une solide amitié
lie tout ce beau monde) se dit qu’il serait couillon de ne pas mettre un peu
plus de zinzin dans le zinzin. Il s’était présenté comme le reconstructeur
( ?), le fossoyeur ( ?), rayez la mention inutile, de Saint Jacques
et rêve donc aussi de devenir le « Duce de Perpignan ».
Dans les coulisses, il y en a un qui se cache depuis de longs
mois, il ne dit rien, il ne fait rien, il ne contente d’éructer régulièrement
sur les étrangers, de chauffer régulièrement le fauteuil de conseiller
municipal d’opposition qu’il occupe de temps à autres, de tout faire pour faire
oublier qu’il est d’extrême droite et qu’il n’aime la démocratie qu’à sa botte,
en attendant qu’un électorat sans conscience lui dise que le « Duce c’est
lui ». Lui, dans le spectacle, il veut garder son nom frrrrançais, ali,
alo, alio, quelque chose comme ça.
Le sauveur
C’est le moment choisi par Lorrentino pour passer à la
vitesse supérieure. Dans les starting-block, son mentor Pujolino,
l’ancien, et sa gestion chaotique de la
ville, ne peuvent qu’entraver le départ fulgurant dont son génie le rend capable. Pour se
lancer il quitte l’université. « J’ai sauvé l’Université, je sauverai
Perpignan, mais je dois me préparer, prendre de la hauteur, devenir inspecteur
général de l’éducation nationale… Et revenir comme le sauveur suprême de la
ville, moi l’homme pressé, ambitieux. Tous les matins je me rêve en
duce ! »
Le propre de la commedia dell’arte est d’amuser un public, de
le faire rire, sourire, de le détendre, de lui procurer du plaisir. Là elle
devient désolante.
A moins qu’en face on comprenne que les citoyens d’ici ont
envie d’être pris pour autre chose que des zozos, qu’un autre dénouement est
possible, souhaitable, nécessaire pour un sursaut de la ville. « Compagni
della sinistra al lavoro uniti »
(Et pour que tous comprennent : Camarades de gauche,
arrêtez de déconner, écoutez les cocos, au boulot, unis, les trois coups c’est
pour demain !)
Jean-Marie Philibert.
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