Les pièges d’une réforme des
retraites
Le point de
vue de Gérard Gironell, professeur d’économie :
A en croire
le Haut-Commissaire à la réforme des retraites Jean Paul Delevoye, il n'y a
aucune urgence: "nous n'avons pas le couteau sous la gorge". On se
demande alors pourquoi réformer encore une fois ? Aujourd'hui on dépense 316
milliards d'€ pour les retraites, globalement les comptes sont à l’équilibre,
et si on ne change rien en 2022 il ne manquerait selon le COR que 5,5 milliards
d'€ pour financer les retraites, autant dire rien…
Cynisme…
Les
précédentes réformes ont mis à jour tous les leviers, allongé la durée de
cotisation et repoussé les bornes d'âge (62 ans pour l'âge de départ à la
retraite, et 67 ans pour l'âge maximal), et désindexé les pensions des salaires
… quel que soit le scénario de croissance, les dépenses de retraite resteront
sous contrôle. C'est tout le cynisme de ce pouvoir qui s'exprime dans cette
volonté réformatrice, La population vieillit, l'espérance de vie s'allonge, ça
c'est plutôt une bonne nouvelle, pas pour le gouvernement qui veut se servir de
la retraite comme variable d'ajustement de sa politique de réduction des
dépenses et déficits publics.
Le discours
dédramatisateur qui voudrait voir dans le réforme Macron, la mise en œuvre d'un
système universel plus juste et qui garantirait les mêmes droits à tous pour
chaque € cotisé, n'est qu'argutie dilatoire.
Les points
L'idée part
d'une analyse de la situation française actuelle, où coexistent 42 régimes de
retraites différents, entre régime général, régimes spéciaux, régimes
particuliers de la fonction publique, régies des indépendants. C'est l'idée
d'un système plus juste, qui garantisse les mêmes droits à tous qui est
vendue, en contrepartie de ce système "à bout de souffle".
Le principe
est donc de remplacer un système de droits définis, où l'on connaît le montant
de sa retraite au moment de partir, puisque la pension est calculée sur un
salaire référence (les 25 meilleures années dans le privé, au lieu de dix
avant, et sur les six derniers mois dans la fonction publique), par un système
où le montant de la pension sera calculé sur le nombre de points accumulés, un
système plus contributif…
Et voilà le coefficient de conversion…
Chacun
cotisera dans sa phase d'activité par l'achat de points, cela crée l'illusion que chacun cotise pour soi,
et que chacun pourra décider de la date de son départ à la retraite, les bornes
d'âge en soi n'ont plus de sens, l'âge de 62 ans restera un âge pivot, donc on
ne touche pas à un droit, sauf que l'on envisage de mettre en place un système
d'incitation au départ différé. Le nombre de points accumulés au moment de la
liquidation sera multiplié par un coefficient de conversion qui devrait prendre
en compte l'espérance de vie de la génération des retraitables et l’âge de
départ à la retraite. Ainsi tout allongement de l’espérance de vie se traduira
mécaniquement par une diminution de la pension, et l'obligation de travailler plus.
Que faire…
Nous dirons
simplement qu'il faut reprendre, le terrain idéologique que la gauche de
transformation sociale a perdu. Démystifier le discours qui donne à croire que
le débat est technique et complexe et qu'il n'y a pas d'autre alternative que
celle d'accepter la régression sociale, réforme après réforme. Finalement
reconquérir ce terrain est à la fois facile et complexe, il faut d'abord se
convaincre que tout est politique et que l'enjeu est démocratique, c'est facile
et complexe à la fois et nous ne comprenons pas que l'unité nécessaire des
forces syndicales sociales et politiques soit si difficile à reconstruire.
Propos recueillis par JMP
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