Tromper son
monde
Le paradoxe me submerge : mes longues activités
syndicales m’ont assez souvent donné
l’occasion de fréquenter ceux que l’on appelle des hauts fonctionnaires (d’une hauteur
avant tout symbolique), donc entre autres et les plus prestigieux, des
énarques, princes de l’énarchie et anciens élèves de la prestigieuse école.
Devant leur suffisance, la raideur de leurs propos enrobés d’une apparente
politesse, parfois obséquieuse, un discours d’une lumineuse obscurité
pour vous rouler dans la farine, je me suis dit souvent : « Ils me
prennent pour un C…. ». Il pouvait arriver que le C…s’énervât, et balançât
à son tour quelques perfidies bien éduquées qu’ils faisaient mine de traiter
par le mépris qu’à la fameuse école on leur avait appris.
Défendre
l’ENA
Eh bien, paradoxe : mon humeur va me conduire à défendre
cette école-là au moment où un de ses prétentieux rejetons tente de lui donner
le coup de grâce. Il va me falloir m’expliquer. La tâche est ardue.
Créée après la seconde guerre mondiale, l’ENA avait
l’objectif de former les grands serviteurs de l’état à partir d’un recrutement
dans le cadre d’un concours très sélectif qui respecte les règles démocratiques
de tout concours. La haute fonction publique, auparavant, était issue de
multiples voies où les influences les plus occultes pouvaient jouer à plein, où
l’entre soi aristo-politique jouait à plein et où l’attachement à la défense de
l’état passait bien après la soif d’une
promotion et d’un fromage, bien sûr mérités. On a vu ce que cela a donné
pendant les temps d’occupation où une grande partie de la haute fonction
publique s’est glorieusement assise sur les valeurs républicaines, allant
jusqu’à servir sans qu’ils le demandent les intérêts allemands. Voir le rôle de
Papon à la préfecture de Bordeaux ! L’attitude de Jean Moulin, préfet
choisissant la Résistance fut malheureusement très minoritaire. L’ENA a donc
été faite pour reconstruire un état que l’on voulait démocratique, dans le
même temps le gouvernement d’alors créait pour l’ensemble des fonctionnaires un
statut spécifique (Merci Maurice Thorez qui en fut l’artisan) qui garantissait
leurs droits et qui perdure, malgré les coups que n’ont cessé de lui porter les
gouvernements successifs. Merci Anicet Le Pors de l’avoir défendu.
Un rôle
positif
L’ENA d’alors a joué un rôle positif dans la reconstruction d’un pays et dans la
mise en en oeuvre de réformes qui feront notre force, la santé, la protection
sociale, les retraites, l’aménagement du territoire, les nationalisations, les
entreprises publiques, les transports, l’énergie. Je me permets encore de
rappeler aux plus jeunes qu’on vit encore (un peu) sur cet élan-là, issu du
travail du Conseil National de la Résistance qui donne encore de l’urticaire à
tous les réactionnaires (dont Macron).
D’où la décision, prise tout seul, d’enterrer l’ENA, en plein
milieu d’une pandémie, où il n’est pas foutu de fournir
l’élémentaire (masques, tests et vaccins) : l’ENA, symbole insupportable
d’une élite, dont il a, en personne, accumulé dans sa carrière toutes les
tares.
Dérives
En effet l’ENA, dans son histoire, au cours des ans a dérivé
de l’administratif au politique, une proportion importante d’anciens élèves
occupant beaucoup des postes de pouvoir, pas toujours avec une grande
efficacité (Voir Hollande), mais aussi vers l’économique et le financier (voir
Macron et son épisode banque Rothschild et bien d’autres PDG nantis). Une
constante, cette évolution a été marquée par un conservatisme de classe qui
occultait les divisions sociales sous les valeurs « supérieures »
d’un intérêt général, par une résistance obstinée à une vraie démocratisation.
Les effets de la crise, l’exacerbation d’une situation de plus en plus difficile
pour le peuple, le refus des pouvoirs d’entendre la colère sociale ont focalisé
sur le personnel politique et sa formation le rejet d’un symbole que récupère
aujourd’hui l’énarque-jupitérien pour faire croire aux gilets jaunes et aux
autres qu’il va fermer une école qui est responsable de tous leurs maux.
Une nouvelle fois il trompe son monde pour préserver sa
classe et leurs profits
A sa place je garderai l’ENA et mettrai un peu de Karl Marx
au programme, je pense que ce serait plus efficace pour le pays et sa population.
Jean-Marie Philibert
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