les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 21 juin 2021

Le passé composé ou décomposé...

 

Passé « décomposé »

 

Le propre de l’humeur, c’est de pouvoir vagabonder, de prendre par rapport à l’actualité une distance quelque peu salutaire, dans des temps qui sont plus que prégnants. Je ne dirai rien de cette prégnance-là. Je veux parler d’un livre dont j’ai le sentiment qu’il aide un peu à l’éclairer  Il s’agit de « Passé Composé », une autobiographie d’Anne Sinclair, ex-prêtresse de la téloche, qui a animé le petit écran pendant de longues années avec des émissions qui avaient une certaine tenue, qui tranchaient avec la nullité ambiante du milieu, et qui fut aussi Madame Strauss Kahn.

Elle y  raconte son histoire depuis sa naissance jusqu’aux péripéties liées aux frasques de son ex sur lesquelles elle dit sans cultiver le voyeurisme tout ce qu’il est utile de savoir pour comprendre son comportement. J’ai eu envie de m’y plonger par curiosité. Cette femme m’avait paru digne dans une situation qui ne l’était pas.

 Une histoire classique

Sa propre histoire est relativement classique: une très gentille fille unique adorée de ses parents. Elle est d’origine juive. Son père s’engage dans la France Libre. Il transforme son patronyme trop marqué de Schwartz en Sinclair. Sa mère est la fille de riches marchands de tableaux de New York. Ses grands-parents paternels ne survivront pas à la déportation. Son père occupera de hautes fonctions dans l’industrie des cosmétiques, ce qui permettra, à la famille, de vivre une vie aisée, ouverte, dans des milieux bourgeois, à elle, de faire des études sans problème, d’avoir une éducation culturelle riche, de suivre une actualité historique et politique qui la captive ;Nous sommes dans les années 60, l’Algérie, le gaullisme… Elle raconte la formation de sa passion, le journalisme.

Elle débute à Europe 1 et penche à gauche. Elle admire Pierre Mendes-France et la social-démocratie qu’il représente. De la radio à la télévision il n’y a qu’un pas, qu’elle franchit rapidement, en suivant entre autres le parcours de François Mitterrand et sa prise de pouvoir en s’asseyant sur les engagements du programme commun, ce qui ne la choque pas. Avec la gauche au pouvoir, elle deviendra une journaliste incontournable, en particulier grâce à l’émission 7 sur 7 qu’elle anime sur TF1, que le pouvoir socialiste vient d’offrir à Bouygues. Elle semble même plus ouverte que ses consœurs et confrères et obtient un succès mérité en recevant tous les « grands » d’ici et d’ailleurs et en menant sans gêne, ni ostentation une vie facile et sérieuse. Rocard prend la place de Mendes-France dans ses admirations ; Et Strauss Kahn, rocardien, deviendra son mari. Il sera dans des gouvernements socialiste, puis sera propulsé à la tête du FMI : c’est dire qu’il ne faisait pas peur à tous les grands argentiers de la planète et que la social-démocratie qu’il incarnait était à la lutte des classes ce que la gauche caviar et à la révolution.

Sans conscience

Ce qu’elle évoque ensuite des  aventures et mésaventures d’un époux qu’elle croyait fidèle est fait de retenue, mais reste très explicite sur la duplicité et l’immoralité d’un homme public qui n’avait pas l’option conscience. Elle le sortira quand même du pétrin avant de divorcer.

Pourquoi ainsi tartiner sur un destin qui s’est limité à occuper la petite lucarne avec un certain talent, puis a versé dans la rubrique faits divers salaces ?

Les ratages

Sans doute parce qu’il est emblématique des ratages politiques  dans lesquels nous nous enkystons, parce qu’il s’y pratique jusqu’à satiété l’entre-soi, entre média sans scrupule, politiciens arrivistes et célébrités bling-bling qui se prétendent  le monde et qui amusent la galerie. Ils croient qu’on les croit.

Sans doute et surtout parce que  c’est la démonstration que le vrai monde, le monde du travail, de ses affres, de ses souffrances, de ses organisations, le monde du peuple, de ses quartiers difficiles, de ses écoles joyeuses, mais un peu miteuses, restent à la porte de cette histoire qui ne concerne que les têtes d’affiches qui prétendent légiférer en son nom.

Sans doute parce que les protagonistes de cette histoire ne semblent à aucun moment conscients d’une telle absence qui semble couler de source, comme si elle était congénitale du modèle social qu’ils incarnent et pour laquelle le slogan fait office de progrès.

Sans doute parce que ce qu’Anne Sinclair appelle le « Chapitre impossible », l’épisode Sofitel de NY et ses suites est le comble de cette tricherie organisée où les puissants du jour croient pouvoir tout se permettre. Sans doute aussi et enfin parce que cet impasse la conduit à un dernier chapitre intitulé « Renaissance » où cette femme de caractère semble renouer avec l’espoir, la lucidité et retrouver une humanité qui est la nôtre.

Jean Marie Philibert

lundi 14 juin 2021

la poésie de René Char

 La poésie de René Char

René Char : prenez le temps de le lire, de l’écouter, de le méditer. Né en 1907, il a traversé le siècle, ses péripéties et ses combats, en particulier, quand il le fallait, les armes à la main. Dans Feuillets d’Hypnos il évoque son action à la tête d’un groupe de résistants, ses doutes, son inextinguible aspiration à vaincre la nuit.

La poésie y a l’apparence de notes, simples, directes,

« Ces notes n’empruntent rien à l’amour de soi, à la nouvelle, à la maxime ou au roman. Un feu d’herbes sèches eut tout aussi bien pu être leur éditeur. La vue du sang supplicié en a fait une fois perdre le fil, a réduit à néant leur importance. Elles furent écrites dans la tension, la colère, la peur, l’émulation, le dégoût, la ruse, le recueillement furtif, l’illusion de l’avenir, l’amitié, l’amour….

Ces notes marquent la résistance d’un humanisme conscient de ses devoirs, discret sur ses vertus, désirant réserver l’inaccessible champ libre à la fantaisie de ses soleils et décidé à payer le prix pour cela…. »

Et d’énumérer apparemment sans ordre ses aphorismes :

« …Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats

… Conduire le réel jusqu’à l’action comme une fleur glissée à la bouche acide des petits enfants. Connaissance ineffable du diamant désespéré (la vie)

…Nous n’appartenons à personne sinon au point d’or de cette lampe inconnue de nous inaccessible à nous  qui tient éveillé le courage et le silence

… Epouse et n’épouse pas ta maison

…L’acte est vierge, même répété. »

Et la dernière , la plus surprenante sans doute,

« … Dans nos ténèbres, il n’y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la Beauté »

Proposé par Jean Marie Philibert.

Une gifle et quelques lumières

 

UNE GIFLE ET QUELQUES LUMIERES

La baffe, la bouffe, la gifle, au choix  renvoient souvent chez les protagonistes ou les spectateurs  à des réflexions, des répliques qui tiennent le plus souvent du lieu commun. « ça fait du bien »dira celui qui n’en pouvait plus de l’insolence d’un jeune imbécile  et de son mépris pour les gens qui n’avaient pas l’heur de lui plaire. Et il lui en balance une ! « Bien fait », répéteront en chœur  tous ceux  qui, méprisés aussi, mais un peu péteux, assisteront à la scène. Variante « il l’a bien mérité ».

« Oh ! Le pauvre ! Je suis contre la violence ! », argumenteront quelques âmes sensibles et pusillanimes, qui n’ont pas encore compris qu’on ne vit pas chez les bisounours.

Quant à la victime de l’offense, du taquet, de la claque, (c’est fou, ce que notre langue a comme synonymes pour gifle), il ne lui reste plus pour être fidèle, à son arrogance qu’à affirmer haut et fort, la joue encore rosie de la trace du coup : « Même pas mal ! ».

Vous avez bien compris que toute ressemblance avec un événement récent tiendrait à un pur hasard : la gifle à/pour/ vers/ de/ contre Macron (choisissez la préposition qui vous va bien).

Je ne veux pas non plus justifier le geste imbécile d’un allumé qui, victimisant Macron, ne peut que lui servir.

Réflexion…

  Je veux m’interroger sur un acte suffisamment rare pour inciter à chercher ce qu’il recèle et révèle. D’autant que toute la presse s’y met, que les média s’en nourrissent, que les réseaux sociaux sont à la fête. Un grand, très grand journal du soir, y va même d’un titre qui barre toute une page : « Une gifle qui en dit long sur l’évolution de l’action politique ». Mazette !

Quand la violence de l‘état s’est exprimée et s’exprime, sans retenue, lors de manifestations populaires, et les coups n’ont cessé de pleuvoir sur toutes sortes de citoyens de base depuis un certain temps, c’est presque silence radio. Là tout s’émotionne et chacun y va de son commentaire savant.

Donc moizaussi. Mais je n’ai aucune garantie sur sa dimension savante : vous jugerez.

Le doute absolu

Le climat politique est délétère : comment s’étonner qu’un de ceux qui l’ont rendu tel en fasse les frais. Certes la vie politique est en perpétuel mouvement, les repères bougent. Mettre en œuvre des stratégies qui, en même temps qu’elles visent à tromper l’opinion, bouleversent les valeurs de références construites par notre culture collective, en s’appuyant sur un monde médiatique aux mains des puissances financières, est mortifère pour une société. Macron est là à la manœuvre, mais les manœuvres ont commencé avant lui. Pour que le doute absolu soit la pierre angulaire de tout l’édifice et qu’il puisse justifier tous les comportements.

Comportements racistes, complotistes, fascistes, nombrilistes, égoïstes, arrivistes, manœuvriers, sans la moindre vergogne. Le seul but est la satisfaction immédiate d’un besoin de reconnaissance (et sans doute pas seulement) que la dureté de la société, ses inégalités, ses misères cachées ou apparentes  rendent quasiment impossible pour le plus grand nombre. D’où la difficulté d’y voir un peu clair… politiquement parlant.

N’évoquons que pour mémoire la pandémie qui n’a qu’un peu plus obscurci l’horizon

De l’obscur à la lumière

Dans ce contexte mettre de la lumière là où elle a disparu tient un peu du travail d’Hercule, et pourtant, les esprits restent parfois étonnamment clairs. C’est l’intérêt de la chose publique, politique de n’être jamais finie. Observez l’attitude sur les vaccins, observez les luttes sociales, observez la défense tous azimuts des libertés, observez les résistances syndicales, observez l’attachement aux services publics, observez la défense de tous les droits sociaux (retraite, chômage…), observez les jeunes qui après des années scolaires plus que difficiles font face aux examens, observez les formes multiples et diverses de solidarité, observez l’aspiration à l’unité pour transformer la société, observez l’aspiration de tous ceux qui veulent de réels progrès. Toutes ces petites lumières manquent surtout d’un grand éclairage central qui en manifeste la cohérence, le bienfondé. Il reste à construire. A sa modeste place le TC veut y contribuer : dans la presse, c’est comme au grand théâtre, il n’y a pas de petits rôles. Assumons le nôtre et laissons aux guignols les gifles et les coups de bâtons.

Jean-Marie Philibert.

lundi 7 juin 2021

Quelques grands écrivains et la Commune

 

Quelques grands écrivains et la Commune

Sous le titre « La Commune des écrivains » Alice de Charentenay et Jordi Brahamcha-Marin, proposent dans la collection folio-classique, une anthologie de textes littéraires autour du thème « Paris 1871 : vivre et écrire l’insurrection». Anthologie très intéressante qui offre souvent une approche décalée et inhabituelle des événements, je vous incite à vous y plonger. De plus, elle illustre la difficulté à écrire l’histoire au moment où elle se fait.  Elle démontre que les plus grands écrivains ne sont pas nécessairement les plus lucides et que le peuple quand il se soulève peut bousculer leur conscience. Je vous propose une petite sélection.

D’Edmond de Goncourt, dans son Journal  Samedi 18 Mars

« L’insurrection triomphante semble prendre possession de Paris, les gardes nationaux foisonnent, et partout des barricades s’élèvent, couronnées de méchants gamins. Les voitures ne circulent plus. Les boutiques se ferment. La curiosité me mène à l’Hôtel de Ville, où sur la place, au milieu de rares groupes, des orateurs parlent de mettre à mort les traîtres. Au loin sur les quais, dans un brouillard de poussière, des charges inoffensives de municipaux, pendant que des gardes nationaux chargent leurs fusil, rue de Rivoli, et que des voyous donnent l’assaut avec des cris, des huées, des pierres, aux casernes derrière l’Hôtel de Ville. En revenant, partout des bandes criant : »Vive la République ! »

Le 1° Avril, il s’interroge et juge :

« … je m’étonne et ne puis comprendre que dans ce moment d’effervescence, de bouillonnement de furie, il n’y ait pas un rien de l’emportement des esprits qui ne se retourne irraisonnablement, follement contre les Allemands. Je constate tristement que l’amour de la patrie est un sentiment démodé, dans les révolutions actuelles, le peuple ne se bat plus pour un mot, un drapeau, un principe… les générations contemporaines ne s’insurrectionnent que pour la satisfaction d’intérêts matériels tous bruts et que la ripaille et la gogaille ont seules aujourd’hui, la puissance de leur faire donner héroïquement leur sang. »

A la même date, Jules Vallès dans le Cri du Peuple du 22 Mars s’enthousisasme, cela ne vous étonnera pas :

« C’est tout ce monde de travailleurs ayant peur de la ruine et du chômage qui constitue Paris – le grand Paris- Pourquoi ne se donnerait-on pas la main, par-dessus nos misères d’homme  et de citoyen, et pourquoi, en ce moment solennel, n’essayerait-on pas d’arracher une bonne fois le pays où l’on est frère par l’effort et le danger à cette incertitude éternelle qui permet aux aventuriers de toujours réussir et oblige toujours les honnêtes gens à toujours trembler et souffrir »…

Dans ses courriers, Georges Sand, depuis Nohant, s’inquiète :

Le 24 Mars « Quelle tristesse et quelle anxiété ! Si vous pouviez opposer une ferme et froide résistance sans effusion de sang ! Ce parti d’exaltés, s’il est sincère, est insensé et se précipite de gaieté de cœur dans un abîme. La république y sombrera avec lui… »

Avec Alexandre Dumas fils, à qui elle écrit un mois plus tard, le jugement devient sévère :

« Ce qui se passe à Paris ne me paraît pas du tout un symptôme social et humanitaire… J’y vois…Le résultat d’un excès de civilisation matérielle jetant son écume  à la surface, un jour où la chaudière manquait de surveillants. C’est un vilain moment dans notre histoire, et les souffrances de tant de gens qui n’en peuvent mais, rendent bien tristes. Ce sont les saturnales de la plèbe après celles de l’Empire… »

Et fin mai,  « La voilà vaincue, cette chimérique insurrection… C’est un malheur pour ceux qui aiment l’égalité et qui ont cru aux nobles instincts des masses, et j’étais de ceux-là »

Gustave Flaubert, lui écrivant, tente de prendre de la hauteur, ce qui ne l’empêche pas de dire un peu n’importe quoi, tout Flaubert, qu’il est :

« Est-ce la fin de la blague ? En aura-t-on fini avec la métaphysique creuse  et les idées reçues ? Tout le mal vient de notre gigantesque ignorance. Ce qui devrait être étudié est cru sans discussion. Au lieu de regarder, on affirme ! …Il faut que la révolution française cesse d’être un dogme et qu’elle entre dans la Science, comme le reste des choses… » 

Et quelques jours plus tard :

« Quant à la Commune, qui est en train de râler, c’est la dernière manifestation du Moyen Age. La dernière ? Espérons-le… Je hais la démocratie (telle du moins qu’on l’entend en France), parce qu’elle s’appuie sur la morale de l’évangile, qui est l’immoralité même, quoiqu’on en dise, c’est-à-dire l’exaltation de la grâce au détriment de la justice, la négation du droit, en un mot l’anti-sociabilité. »

Et il insiste avec la Science :

« Pour que la France se relève il faut qu’elle passe de l’inspiration à la Science. Quelle abandonne toute métaphysique, qu’elle entre dans la critique, c’est-à-dire dans l’examen des choses. Je suis persuadé que nous semblerons à la postérité extrêmement bête … » (sans doute ?)

Quant à Victor Hugo, il écrit depuis Bruxelles le 28 avril l’histoire de la Commune, ce qui lui évite de se prononcer :

« …Qui a fait le 18 mars ?...C’est l’Assemblée ; ou pour mieux dire la majorité…Enlever les canons de Montmartre…Comment s’y est-on pris ?...Montmartre dort. On envoie la nuit les soldats saisir les canons. Les canons pris, on s’aperçoit qu’il faut les emmener. Pour cela il faut des chevaux. Combien ? Mille. Mille chevaux ! Où les trouver ? On n’a pas songé à cela. Que faire ? On les envoie chercher, le temps passe, le jour vient, Montmartre se réveille ; le peuple accourt et veut ses canons ; il commençait à ne plus y songer, mais puisqu’on les lui prend il les réclame ; les soldats cèdent, les canons sont repris, une insurrection éclate, une révolution commence ... »

Sur la Commune elle-même, il ne s’engage pas, alors que pour l’amnistie des Communards déportés et condamnés, en bon républicain, il ne ménagera pas sa peine et son action politique.

Dans cette révolution, Rimbaud vient de Charleville, jeune poète, il évoque  dans « Les mains de Jeanne-Marie », les femmes de la Commune

« …Ce sont les ployeuses d’échines,

Des mains qui ne font jamais mal,

Plus fatales que les machines,

Plus fortes que tout un cheval… »

Aragon réfléchira à ce passage à Paris de Rimbaud et à ses conséquences :

« …Arthur Rimbaud était venu tout naturellement à Paris s’engager dans l’armée de la Commune. Que serait-il arrivé de Rimbaud dans une Commune triomphante ? Nous l’ignorons, mais nous savons ce qu’il en est advenu, la Commune vaincue. Nous respectons le grand Rimbaud qui se tait, quand il a éprouvé jusqu’au dégoût, jusqu’à l’ivresse du suicide la bassesse du monde auquel il est condamné. »

Verlaine des années plus tard évoquera les Communards dans « Les vaincus »

« La Vie est triomphante et l’idéal est mort,

Et voilà, que criant sa joie au vent qui passe,

Le cheval enivré du vainqueur broie et mord

Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce… »

EN I927, pour l’anniversaire de la Commune, Vladimir Maïakovski, dans une Russie révolutionnaire en construction s’appuie sur le souvenir de l’événement historique pour le lier à la Révolution d’octobre :

« Ils sont rares

Qui encore y songent à ces jours, ces combats, ces noms

Mais le cœur ouvrier garde le souvenir sacré du grand jour…

Les paroles du socialisme vivant jaillirent au-dessus de la terre…

Eux surent tenir une poignée de jours

… nous autres tiendrons des siècles… »

Le réel a été plus fort que l’ambition révolutionnaire du poète.

Mais la plaie ouverte, et l’utopie qu’elle porte, ne s’est pas refermée, comme le dit Jean-Baptiste Clément:

« J’aimerai toujours le temps des cerises :

C’est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte,

Et dame Fortune, en m’étant offerte,

Ne saurait jamais calmer ma douleur.

J’aimerai toujours le temps des cerises

Et le souvenir que je garde au  cœur. »

Jean-Marie Philibert

jeudi 3 juin 2021

La poésie peut vous conduire à ILLE/TET

 

La poésie peut vous conduire à Ille/Têt

Dans un souci constant d’enrichissement le comité de rédaction a décidé d’ouvrir le TC à la poésie… dans un monde qui en manque cruellement. Ce n’est pas le prof de lettres que je reste qui niera son plaisir. Encore que l’aventure n’est sans doute pas aussi simple qu’il y paraît. La poésie est un monde qui dit notre richesse, notre diversité, notre profondeur dans les formes les plus convenues, comme les plus surprenantes et les plus intimes.

Afin d’ancrer notre démarche dans le tissu poétique que tissent ici les artisans de la poésie, nous avons dans cette première approche sollicité André Rober qui vit à Ille/Tet, où il peint, écrit, édite et organise depuis des années des initiatives autour de la poésie. Il y dirige  au 13 rue de la Sainte Croix une galerie où il expose ses œuvres, celles d’autres artistes, où il organise toutes sortes d’activités … autour de la poésie.

De la Réunion .à Ille

Il nous a parlé de son parcours atypique. L’île de la Réunion qui l‘a vu naître dans le prolétariat agricole lui a appris les réalités sociales et celles du colonialisme ; elle a forgé un esprit rebelle qui scolairement s’est limité aux 6° et 5° de transition comme on disait alors. Pour l’extraire d’un milieu qu’il aurait contribué à agiter un peu plus encore, il est envoyé  en métropole à l’école de l’EDF, puis il intègre l’entreprise nationale où rapidement il participe aux activités de la CCAS, il est animateur de centre, puis directeur, un directeur libertaire, qui s’ouvre aux activités  culturelles et universitaires, elles l’amènent à obtenir un DEA d’Arts plastiques  à la fac de Saint Denis. Pendant la période euphorique des radios libres, il animera à Paris une radio libertaire qui le mettra en contact avec des créateurs, peintres, écrivains dont les projets ne sont jamais de perpétuer l’ordre dominant, mais de le secouer. Il poursuivra sa carrière en PACA, et toujours avec les CCAS il s’ouvre à la poésie, à l’esthétique anarchiste, dont la poésie visuelle, entre autres,  lui semble porteuse. Il publie une revue « Art et anarchie » pendant 5 ans.

Son activité d’éditeur l’amène à se consacrer à donner  toute sa dignité à la langue créole dont le colonisateur interdisait l’écriture pour l’enfermer dans une tradition orale qui en réduisait la portée et la force subversive. André Rober va créer les éditions K.A. (comme Kréole et Anarchie) et va publier nombre d’œuvres qui sont aussi des œuvres de résistance. La dignité passe par l’écrit et par le livre.

Paraules et poésie visuelle

 Avec les éditions Paraules  il élargit son propos, à Ille où il s’est installé. La littérature française, catalane, la poésie en particulier, enrichissent son catalogue. Vous trouverez ses productions dans les bonnes libraires, il en reste. Vous y lirez Cristina Giber, Muriel Valat, Isabelle Pujol, Evelyne Maureso, Francesca Caruana… et d’autres.

André Rober a le souci de faire vivre ces textes et pour cela, il  crée l’Illa dels poétes, où il fait se rencontrer auteurs et public autour de la parole poétique. Prochaine édition en juillet.

Mais dans son esprit, la poésie peut aussi révéler d’autres plaisirs que ceux du verbe, en particulier elle est en prise avec l’esthétique, le dessin, les formes, les couleurs,  d’où un autre domaine de son activité  créatrice et éditrice : la poésie visuelle qui est l’objet d’une biennale internationale à Ille, toujours, dont la cinquième édition se tiendra  fin juin début juillet et dont nous reparlerons.

Le cadeau de la poésie

Vous ne repartez jamais de chez un éditeur sans un cadeau surprise. Je veux vous en faire profiter. Il s’agit du dernier recueil « Parler  plus loin » de Muriel Valat.B qui évoque les rapports de femmes de tous âges à une langue étrangère

Ecoutons :

« D’une mer

l’autre rive

elle guette un signe »

elle enquête

 

elle interroge

la même question

lancinante

cette langue se dérobe

une autre parole

passe sous le silence »

mardi 1 juin 2021

Police et justices

 

POLICE ET JUSTICES

 


Paraît-il disent quelques observateurs que Macron ne serait pas bon dans le régalien, les fonctions essentielles de l’état, qu’il délaisserait un peu au profit de tout ce qui renforce sa dimension jupitérienne, traduisez le bling-bling et le médiatique… Si ce n’était que dans le régalien qu’il n’est pas bon. Rappelez-vous la pandémie il a été mauvais partout, des masques aux vaccins, il a été nul et  bien laborieux. Au moment où il ne rêve qu’à un deuxième mandat, où il prend conscience que Jupiter a des assises bien fragiles, il nous la joue modeste et efficace, il n’insulte plus, ne méprise plus. Il manœuvre en faisant semblant de prendre de la hauteur et en envoyant au turbin, Castex et sa troupe.

 

La police dans tous ses états

Il envoie la police et son ministre au charbon. L’affaire Benalla avait apporté la preuve de la légèreté (euphémisme) de l’Elysée en la matière. Quelques ministres de l’intérieur plus tard, la question policière ne s’est pas arrangée, les forces de l’ordre s’interrogent, elles servent de cibles, se sentent malmenées, en rajoutent parfois dans le répressif, des syndicats utilisent le corporatisme policier pour des manœuvres qui donnent parfois le sentiment de l’outrepasser. Marine Le Pen jubile. L’état-major policier en rajoute. Les bavures se multiplient. On mélange tout, les manifestants et les casseurs. On n’est pas mécontent en haut lieu que manifester tienne de plus en plus en plus du sport de combat. Peut-être même que, s’il le faut, on joue un tantinet la carte de la provocation. Vous croyez ? Oui !

 Quand il y a des victimes policières, tout un staff ministériel se déplace, normal. Mais on ne change pas la méthode dont tout indique qu’elle échoue. Le ministre préfère manifester devant le Parlement avec ses troupes pour ne pas laisser le terrain à l’extrême droite. Et veut faire croire que si les forces de l’ordre ont tant de mal… c’est la faute à la justice, et donc par ricochet, à la loi (laxiste) qu’elle doit appliquer et aux élus qui la font. On promet donc de faire à nouveau une loi plus répressive encore. Et les juges continuent de juger en appliquant la loi. Ainsi vont les institutions policières et judiciaires sur un terrain en effervescence.

Les justices

Il se trouve dans notre langue que c’est un même mot, la justice,  qui désigne l’institution qui la met en œuvre et les valeurs qui la fondent, le droit, la loi. Mais il se trouve que cette valeur, au-delà de sa dimension légale, est en prise directe avec le monde  et avec l’aspiration de ceux qui l’habitent à y vivre en paix, dans un respect mutuel de leur personne, avec une protection qui leur garantisse un minimum de bien être, avec un salaire décent, libres de leur pensées, comme de leurs mouvements, sans suzerain et sans vassal. Cela a un nom : la justice sociale.

Bien souvent cette justice sociale semble vivre sa vie, cahin-caha, bien loin de la justice institutionnelle qui semble s’en désintéresser, et sans rapport direct avec l’institution policière qui n’a qu’un souci, que ça regimbe le moins possible dans le tissu social. J’ai du mal à comprendre pourquoi nos législateurs n’ont jamais vraiment pensé que justice sociale et justice tout court, pouvaient, devaient, faire ensemble un long chemin pour remettre sur de bons rails une société où s’enkystent des inégalités insupportables, qui semble ne pouvoir vivre qu’en excluant, qu’en ghettoïsant, qui a besoin de la souffrance de beaucoup pour le plus grand bien être de quelques-uns.

Dans ma grande naïveté je pense que, si on faisait se correspondre ces deux justices-là, les relations entre police, justice, le peuple en seraient grandement facilitées, qu’on n’aurait plus besoin des Gérard Darmanin jouant les pères fouettard, des Dupond-Moretti jouant les grands juristes et les grandes gueules, de Castex jouant les grands sages et les grands-pères et de Macron jouant les grands innocents, pour faire de nous les acteurs responsables d’une monde en marche vers sa transformation progressiste. Je sais ! Je sais ! J’utopise un peu. Mais je ne me referai pas.

Jean-Marie Philibert.