les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 21 juin 2021

Le passé composé ou décomposé...

 

Passé « décomposé »

 

Le propre de l’humeur, c’est de pouvoir vagabonder, de prendre par rapport à l’actualité une distance quelque peu salutaire, dans des temps qui sont plus que prégnants. Je ne dirai rien de cette prégnance-là. Je veux parler d’un livre dont j’ai le sentiment qu’il aide un peu à l’éclairer  Il s’agit de « Passé Composé », une autobiographie d’Anne Sinclair, ex-prêtresse de la téloche, qui a animé le petit écran pendant de longues années avec des émissions qui avaient une certaine tenue, qui tranchaient avec la nullité ambiante du milieu, et qui fut aussi Madame Strauss Kahn.

Elle y  raconte son histoire depuis sa naissance jusqu’aux péripéties liées aux frasques de son ex sur lesquelles elle dit sans cultiver le voyeurisme tout ce qu’il est utile de savoir pour comprendre son comportement. J’ai eu envie de m’y plonger par curiosité. Cette femme m’avait paru digne dans une situation qui ne l’était pas.

 Une histoire classique

Sa propre histoire est relativement classique: une très gentille fille unique adorée de ses parents. Elle est d’origine juive. Son père s’engage dans la France Libre. Il transforme son patronyme trop marqué de Schwartz en Sinclair. Sa mère est la fille de riches marchands de tableaux de New York. Ses grands-parents paternels ne survivront pas à la déportation. Son père occupera de hautes fonctions dans l’industrie des cosmétiques, ce qui permettra, à la famille, de vivre une vie aisée, ouverte, dans des milieux bourgeois, à elle, de faire des études sans problème, d’avoir une éducation culturelle riche, de suivre une actualité historique et politique qui la captive ;Nous sommes dans les années 60, l’Algérie, le gaullisme… Elle raconte la formation de sa passion, le journalisme.

Elle débute à Europe 1 et penche à gauche. Elle admire Pierre Mendes-France et la social-démocratie qu’il représente. De la radio à la télévision il n’y a qu’un pas, qu’elle franchit rapidement, en suivant entre autres le parcours de François Mitterrand et sa prise de pouvoir en s’asseyant sur les engagements du programme commun, ce qui ne la choque pas. Avec la gauche au pouvoir, elle deviendra une journaliste incontournable, en particulier grâce à l’émission 7 sur 7 qu’elle anime sur TF1, que le pouvoir socialiste vient d’offrir à Bouygues. Elle semble même plus ouverte que ses consœurs et confrères et obtient un succès mérité en recevant tous les « grands » d’ici et d’ailleurs et en menant sans gêne, ni ostentation une vie facile et sérieuse. Rocard prend la place de Mendes-France dans ses admirations ; Et Strauss Kahn, rocardien, deviendra son mari. Il sera dans des gouvernements socialiste, puis sera propulsé à la tête du FMI : c’est dire qu’il ne faisait pas peur à tous les grands argentiers de la planète et que la social-démocratie qu’il incarnait était à la lutte des classes ce que la gauche caviar et à la révolution.

Sans conscience

Ce qu’elle évoque ensuite des  aventures et mésaventures d’un époux qu’elle croyait fidèle est fait de retenue, mais reste très explicite sur la duplicité et l’immoralité d’un homme public qui n’avait pas l’option conscience. Elle le sortira quand même du pétrin avant de divorcer.

Pourquoi ainsi tartiner sur un destin qui s’est limité à occuper la petite lucarne avec un certain talent, puis a versé dans la rubrique faits divers salaces ?

Les ratages

Sans doute parce qu’il est emblématique des ratages politiques  dans lesquels nous nous enkystons, parce qu’il s’y pratique jusqu’à satiété l’entre-soi, entre média sans scrupule, politiciens arrivistes et célébrités bling-bling qui se prétendent  le monde et qui amusent la galerie. Ils croient qu’on les croit.

Sans doute et surtout parce que  c’est la démonstration que le vrai monde, le monde du travail, de ses affres, de ses souffrances, de ses organisations, le monde du peuple, de ses quartiers difficiles, de ses écoles joyeuses, mais un peu miteuses, restent à la porte de cette histoire qui ne concerne que les têtes d’affiches qui prétendent légiférer en son nom.

Sans doute parce que les protagonistes de cette histoire ne semblent à aucun moment conscients d’une telle absence qui semble couler de source, comme si elle était congénitale du modèle social qu’ils incarnent et pour laquelle le slogan fait office de progrès.

Sans doute parce que ce qu’Anne Sinclair appelle le « Chapitre impossible », l’épisode Sofitel de NY et ses suites est le comble de cette tricherie organisée où les puissants du jour croient pouvoir tout se permettre. Sans doute aussi et enfin parce que cet impasse la conduit à un dernier chapitre intitulé « Renaissance » où cette femme de caractère semble renouer avec l’espoir, la lucidité et retrouver une humanité qui est la nôtre.

Jean Marie Philibert

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire