La poésie peut vous conduire
à Ille/Têt
Dans un souci constant d’enrichissement le comité de
rédaction a décidé d’ouvrir le TC à la poésie… dans un monde qui en manque
cruellement. Ce n’est pas le prof de lettres que je reste qui niera son
plaisir. Encore que l’aventure n’est sans doute pas aussi simple qu’il y
paraît. La poésie est un monde qui dit notre richesse, notre diversité, notre
profondeur dans les formes les plus convenues, comme les plus surprenantes et
les plus intimes.
Afin d’ancrer notre démarche dans le tissu poétique que
tissent ici les artisans de la poésie, nous avons dans cette première approche
sollicité André Rober qui vit à Ille/Tet, où il peint, écrit, édite et organise
depuis des années des initiatives autour de la poésie. Il y dirige au 13 rue de la Sainte Croix une galerie où
il expose ses œuvres, celles d’autres artistes, où il organise toutes sortes
d’activités … autour de la poésie.
De la Réunion .à Ille
Il nous a parlé de son parcours atypique. L’île de la
Réunion qui l‘a vu naître dans le prolétariat agricole lui a appris les
réalités sociales et celles du colonialisme ; elle a forgé un esprit
rebelle qui scolairement s’est limité aux 6° et 5° de transition comme on
disait alors. Pour l’extraire d’un milieu qu’il aurait contribué à agiter un
peu plus encore, il est envoyé en
métropole à l’école de l’EDF, puis il intègre l’entreprise nationale où
rapidement il participe aux activités de la CCAS, il est animateur de centre,
puis directeur, un directeur libertaire, qui s’ouvre aux activités culturelles et universitaires, elles
l’amènent à obtenir un DEA d’Arts plastiques
à la fac de Saint Denis. Pendant la période euphorique des radios
libres, il animera à Paris une radio libertaire qui le mettra en contact avec
des créateurs, peintres, écrivains dont les projets ne sont jamais de perpétuer
l’ordre dominant, mais de le secouer. Il poursuivra sa carrière en PACA, et
toujours avec les CCAS il s’ouvre à la poésie, à l’esthétique anarchiste, dont
la poésie visuelle, entre autres, lui
semble porteuse. Il publie une revue « Art et anarchie » pendant 5
ans.
Son activité d’éditeur l’amène à se consacrer à donner toute sa dignité à la langue créole dont le
colonisateur interdisait l’écriture pour l’enfermer dans une tradition orale
qui en réduisait la portée et la force subversive. André Rober va créer les
éditions K.A. (comme Kréole et Anarchie) et va publier nombre d’œuvres qui sont
aussi des œuvres de résistance. La dignité passe par l’écrit et par le livre.
Paraules et poésie
visuelle
Avec les éditions
Paraules il élargit son propos, à Ille
où il s’est installé. La littérature française, catalane, la poésie en
particulier, enrichissent son catalogue. Vous trouverez ses productions dans
les bonnes libraires, il en reste. Vous y lirez Cristina Giber, Muriel Valat,
Isabelle Pujol, Evelyne Maureso, Francesca Caruana… et d’autres.
André Rober a le souci de faire vivre ces textes et pour
cela, il crée l’Illa dels poétes, où il
fait se rencontrer auteurs et public autour de la parole poétique. Prochaine
édition en juillet.
Mais dans son esprit, la poésie peut aussi révéler d’autres
plaisirs que ceux du verbe, en particulier elle est en prise avec l’esthétique,
le dessin, les formes, les couleurs,
d’où un autre domaine de son activité
créatrice et éditrice : la poésie visuelle qui est l’objet d’une
biennale internationale à Ille, toujours, dont la cinquième édition se
tiendra fin juin début juillet et dont
nous reparlerons.
Le cadeau de la
poésie
Vous ne repartez jamais de chez un éditeur sans un cadeau
surprise. Je veux vous en faire profiter. Il s’agit du dernier recueil
« Parler plus loin » de Muriel
Valat.B qui évoque les rapports de femmes de tous âges à une langue étrangère
Ecoutons :
« D’une mer
l’autre rive
elle guette un
signe »
elle enquête
elle interroge
la même question
lancinante
cette langue se dérobe
une autre parole
passe sous le
silence »
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