Avant/Après.
Je prends la plume le lundi 23 avril, juste après le 22 pour
dire mon humeur sur ce qui s’est passé le 22. Et mon humeur tourne avec insistance autour de ces mots
« après le 22 » qui éveillent comme en écho « avant le 22 »,
sans me lâcher. Avant… après … au point de ne pouvoir y échapper.
Il y a un avant 22 avril et il y aura un après… Tu parles
Charles d’une découverte ! C’est pareil tous les jours. Certes, si ce
n’est que là, entre l’avant et l’après, quelque chose a basculé, qui vient un peu
bousculer l’ordre ou le désordre du monde. Non, il ne s’agit pas encore du largage
de l’agité président et de son staff insupportable de parvenus ; non, pour
cela il faudra attendre encore quelques jours et ce sera une étape importante
et nécessaire. Non, il s’agit de quelque chose de plus profond, de moins
concret, qui touche à ce qui nous constitue socialement, politiquement, qui
définit la relation au monde et à
l’histoire qu’entretiennent bon nombre
de citoyens exigeants : ils ne se reconnaissent pas dans le monde tel
qu’il va (mal) et ont l’ambition de le changer, de le transformer, de le
chambouler, de le révolutionner. Ils imaginent que le pauvre, l’exclu, le
solitaire, l’exploité, l’opprimé, le malheureux pourraient ne plus l’être.
Utopie es-tu là ?
Avant
Avant le 22 avril, nous avions le sentiment qu’agir sur le
monde était, certes, une intention louable qui pouvait nous attirer le regard
compatissant d’humanistes sincères. Cette ambition vivotait de vies multiples
et éclatées, mais elle avait excessivement de mal à se traduire dans les faits
en termes de changements réels, de progrès tangibles. Les seuls changements de
nos vies n’avaient rien de progressistes : c’étaient ceux de la remise en
cause des droits sociaux, de la casse du code du travail, de la détérioration inéluctable
des services publics. Les résultats électoraux ne nous laissaient pas beaucoup
d’espoir.
Le pouvoir d’achat n’arrêtait pas de changer… comprenez de
dégringoler, tandis que l’arrogance des riches pouvait croître et proliférer au
rythme de leurs comptes en Suisse et ailleurs. Nous étions englués dans une
spirale de malheurs où la seule perspective qui nous était proposée était de ne
pas tomber aussi bas que nos voisins, encore plus malheureux que nous. Les années Sarkozy nous auraient-elles mis
ainsi en situation d’attendre le pire ? Et comme la situation est
intenable, les dérivatifs de la peur de l’autre, de l’étranger, de l’immigré
sont régulièrement appelés à la rescousse pour fournir les boucs émissaires à
la colère ambiante.
Le 22
Le mélange détonnant a détonné le 22 avril en plaçant le
Front National au premier plan de la vie politique. Il est surprenant qu’en
dehors du Front de Gauche on ait laissé la menace frontiste sans réponse. A droite, même on était allé au-delà, en préparant la couche des fachos avec toute
la sollicitude possible, jusqu’à montrer toutes les facettes de ce que pouvait
être un racisme d’état. Merci
Guéant !
L’ancrage de la stratégie du Front de Gauche avant le 22
avril a été d’attaquer Marine le Pen pour ce qu’elle était une xénophobe, une
raciste et de la graine de fasciste et en même temps de tenter de dresser des
perspectives de transformations politiques larges. Il est impératif de répondre
aux attentes sociales, de répondre à ce que les autres candidats choisissaient
de n’aborder qu’avec les plus grandes timidités … à cause des contraintes économiques et financières, de la crise, de
la dette, bien sûr ! Cette stratégie a soulevé un immense espoir et a permis au soir du 22 avril un résultat à
deux chiffres, comme on dit. Deux chiffres que nous aurions sans doute aimés
plus gros, deux chiffres qui quelques semaines auparavant seraient apparus
comme une avancée significative. Ce résultat a un sens. Après le 22, ce ne sera
plus comme avant.
Après
D’abord parce que pour la première fois depuis longtemps on
inverse une courbe, elle semblait descendre inexorablement et là elle se remet
à monter. Et derrière la courbe, dessus,
dessous et tout autour, il y a de l’humain qui espère, des jeunes, des moins
jeunes, des salariés, des femmes, des
retraités, des qui galèrent, des qui aiment la justice… Cette inversion de
courbe est provoquée par les milliers de têtes qui se relèvent. C’est un signe
majeur.
Ensuite parce que ce mouvement est tout sauf spontané et
fortuit. Il est né dans les luttes qui depuis 95 ont émaillé l’actualité
sociale, elles se sont heurtées à
l’absence de débouché politique. Et là dans le contenu social fort de la démarche
du Front de Gauche, dans sa dimension unitaire il y a comme une rencontre
porteuse d’avenir entre un mouvement social puissant (pensons au mouvement pour
défendre les retraites) et une perspective politique.
Enfin parce que l’ambition affichée, affirmée, n’est pas
celle d’une alternance plan-plan, un petit coup de barre à gauche, puis un
autre petit coup à droite, puis re-à gauche, puis re-adroite… Mais une ambition
qui veut s’attaquer aux racines de la crise, aux désastres que provoque
l’accumulation capitaliste. Une ambition qui ne s’enferme pas dans nos frontières,
mais qui cherche à catalyser toutes les forces de progrès, en particulier, en
Europe.
Cette ambition, l’occasion nous est donnée d’écrire de
nouvelles pages de son histoire : dans la rue le 1° Mai en montrant la
détermination et l’unité du monde du
travail, dans les urnes, le 6 Mai en chassant Sarkozy, dans les semaines qui
suivront, en envoyant au Parlement des députés Front de Gauche nombreux. Pour
apporter au peuple les réponses qu’il attend et dont le manque est la source de
toutes ses souffrances, ils seront, avec notre mobilisation, l’arme la plus efficace.
Tout cela ne sera possible que parce qu’il y aura eu un 22
avril, un avant et un après.
Jean-Marie PHILIBERT.
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