La guerre ?
Encore
une histoire de mots : comme quoi ils nous poursuivent, y compris dans les
circonstances où il vaudrait mieux laisser parler ses sentiments, sa
solidarité, sa compassion. Non ! Non ! Priorité au vocabulaire et pas
n’importe lequel ! Celui qui vous assomme, celui qui fait remonter à la
surface les plus vieilles angoisses, celui qui a la mort pour compagne : la guerre.
Les
kalachnikovs venaient à peine de se taire, les terroristes avaient assassiné
tout ce qui leur tombait sous le canon, le comptage macabre des victimes, des
morts, était en cours… que comme pour donner un nom à l’innommable, le mot
était dit, la guerre, « nous sommes
en guerre ». Et aux commentateurs, aux médias, de reprendre en chœur.
Sans
être totalement en mesure de dire avec précision avec qui. Avec Daech, bien
sûr, mais aussi avec le terrorisme qu’il patronne, avec l’intégrisme , avec …
Sans savoir qui est avec nous (là les choses sont presque claires), qui est
contre nous ( une nébuleuse !) et qui se contorsionne pour laisser croire
une chose et son contraire (voir les monarchies moyenâgeuses du golfe).
Comparaison et raison
Je
retiens de mes études de littérature comparée une formule dont je vérifie
encore fréquemment le bien-fondé :
comparaison n’est pas raison. Les ressemblances ne fondent pas l’identité.
Je crains que ce soit à nouveau le cas. Le mot de guerre servirait donc là à
autre chose qu’à nous permettre d’appréhender de la façon la plus juste et
efficace une situation, certes compliquée et dangereuse, mais qui a ses
fondements propres, sa logique folle, et surtout sa dimension inconnue.
Certes
il y a le nombre de victimes, le bruit, la puissance des armes, la violence
destructrice à l’état le plus brut possible, le climat de terreur qui vise les
populations. Mais beaucoup des ingrédients
de la guerre conventionnelle font défaut : où est l’état Daech, où
est le territoire Daech. Cette violence vient davantage de l’effondrement des systèmes politiques irakien, puis syrien
et trouve un terreau très favorable dans la situation de notre pays. Les
évolutions de notre politique étrangère, (relations avec Israël, réintégration
du commandement de l’otan, coopération renforcée avec les régimes de la péninsule arabique,
politique d’intervention tous azimuts) ont contribué à faire de la France un
ennemi potentiel.
D’autant
qu’à l’intérieur du pays la
cohésion sociale, sous les effets d’une crise durable et de politiques qui
tournent le dos aux besoins sociaux, a pris un coup sur la casaque, des
fauteurs de haine raciale y jouent leur va-tout. Hollande, le gouvernement, sa
majorité, en période habituelle, ne semblent pas entendre les colères du monde
d’ici: il faut de grands coups de tonnerre pour les réveiller. Et c’est là que
l’inflation verbale prend le dessus. C’est la guerre. C’est l’état
d’urgence.
Evitons de fétichiser les
mots
Comme
pour justifier les restrictions aux libertés, pour montrer qu’on est à la
hauteur de la situation, pour dire vous allez voir ce que vous allez voir, pour
faire passer au second plan une donnée majeure dans tous les conflits, celle
d’élaborer des voies qui permettent de sortir des logiques de guerre, pour nous
préparer à plus pire encore, pour nous faire peur, et encore une fois pour
oublier le social…. Et peut-être pour couper l’herbe sous les pieds de notre
intervention citoyenne.
Guerre ? Pas guerre ? Ne fétichisons
pas les mots !
Mais
ici et maintenant, prenons la mesure des fossés à combler pour que les forces
vives, progressistes de ce pays se rassemblent, se renforcent de façon durable,
tout en donnant toute leur efficacité aux fondements de notre démocratie, sans
lesquels il ne sera que poudre aux yeux.
Tout en dressant des perspectives transformatrices.
Avez-vous
entendu ces marseillaises entonnées plus souvent que jamais ? La marseillaise, un chant de guerre certes,
mais aussi d’émancipation.
Jean-Marie
Philibert.
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