L’écriture
et l’émotion
L’écriture et l’émotion… La mort et les mots … La balance est inégale devant l’énormité de
la tuerie, devant l’innocence des victimes, devant la montagne de douleurs que
leur disparition ou leurs blessures entraînent. Et les mots ne sont qu’un très
faible recours, leur pouvoir est dérisoire, et à l’heure qu’il est, ils ne
peuvent que nous dire bien peu de choses aptes à nous aider à comprendre ce qui
s’est passé. Et pourtant c’est par eux que passe notre solidarité. A eux de
dire notre engagement à préserver, défendre, promouvoir notre humanité en plein
milieu d’un déferlement jamais vu ici d’inhumanité.
Parce qu’ils n’ont d’autre ambition, ces abrutis absolus et
ces sauvages sanguinaires que de nous amener à en douter de cette humanité que
nous tentons chaque jour de construire !
Vivre
Ne cédons aucun pouce de terrain, balayons les hésitations de
ceux qui ont peur, faisons en sorte que chacun tienne entièrement son rôle, gouvernement, pouvoirs
publics, forces politiques syndicales, associatives, dans un souci d’unité
renforcée, mais jamais sans perdre de vue ce qui est le cœur de notre humanité,
notre lucidité toujours présente, notre liberté toujours plus exigeante, notre
engagement de citoyen irréductible à aucun autre. C’est le noyau de notre atome
à nous auquel il nous faut nous ressourcer sans cesse. Elles nous poussent à
dire notre compassion et notre colère. Elles ne sauraient pas mieux s’exprimer
qu’en descendant dans la rue. Et je reste persuadé que c’est là que doit se
faire la politique la plus efficace pour couper l’herbe sous les pieds des
fauteurs de mort et de haine, dans une mobilisation populaire qui assimile
l’aspiration du plus grand nombre à vivre, ici et maintenant, dans la paix, la
sécurité, la démocratie.
Qu’il faille dans le même temps traquer l’état islamique et
ses acolytes partout où ce sera nécessaire et se servir de tous les moyens dont
nous disposons, c’est une évidence, mais qui n’aura sa pleine efficacité que
si nous cessons nos atermoiements envers
ceux qui ont avec cette barbarie à l’œuvre des attitudes, parfois plus
qu’ambiguës. Il ne servirait à rien d’ignorer un état de guerre, malheureusement
réel. Mais il serait tout aussi vain de croire que seule la logique guerrière
nous sortira de l’impasse dans lequel depuis des années nous nous laissons
enfermer. En la matière la puissance guerrière ne fera pas tout et toute notre
technologie restera impuissante devant des bombes humaines fanatiques qui ont
choisi le massacre, et d’abord le leur, comme seule perspective d’avenir.
Même pas
peur
Qu’il faille nous protéger face à cette folie meurtrière,
bien sûr ! L’état d’exception doit-il devenir la nouvelle norme ?
Notre univers doit-il se limiter aux mesures de sécurité, aux précautions en
tous genres qui ne peuvent que restreindre nos libertés ? Je comprends les
pouvoirs publics qui craignent les manifestations de solidarité, mais je suis
résolument avec les parisiens qui dès le samedi sont venus exprimer leur
soutien, leur compassion, leur engagement, avec, ici ou là, cette pancarte,
lancée comme un défi à ceux qui veulent voir proliférer nos craintes :
Même pas peur !
Après les tragiques épisodes de Charlie hebdo et du super
marché casher, la violence se fait maintenant plus aveugle et sanguinaire pour
nous contraindre à accepter le Mal absolu, sa cohorte de maux tangibles et
douloureux qui l’accompagnent et qui touchent les victimes et leurs
proches.
Comme pour nous le rendre imparable ! En faire comme une punition du ciel.
Le plus bel hommage que l’on puisse leur rendre à toutes ces
victimes innocentes est de trouver tous ensemble, des réponses qui combattront
le mal, en éradiqueront les causes, s’attaqueront aux désordres du monde. Ils
ont pour noms, la pauvreté, l’inégalité, l’injustice, le fanatisme, la misère,
la servitude et l’oppression. Ailleurs, et ici.
Jean-Marie Philibert.
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