les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 30 novembre 2020

Patrick, Diego, Christophe, le sport et l'humain

 

Patrick, Diego, Christophe, le sport et l’humain

Il est un domaine auquel je ne prête qu’une attention épisodique et sur lequel je n’ose pas trop m’aventurer de peur de montrer mon ignorance. Certes il me poursuit depuis belle lurette. Il m’a même contraint, c’est le mot qui convient. En effet ma mère soucieuse de mon avenir physique, mais aussi sans doute un peu mental, m’a imposé, dès la tendre enfance,  de faire de la gym, dans une salle du quartier, avec un prof exigeant et sans espoir de passer à travers. Elle m’a ensuite incité à faire du sport. Mais, esprit retors sans doute, j’y ai mis une mauvaise volonté si évidente, que l’obligation, l’incitation se sont transformées en désintérêt profond, pour ne pas dire en aversion.

Il m’a fallu prendre de la bouteille (au sens figuré bien sûr) pour m’y remettre, sans goût, mais par nécessité physiologique, comme dit mon toubib. Et ça dure depuis des décennies. Je fais du sport, de la gym… Un peu ! Mais je ne sais pas parler du sport, des sportifs. Le hasard de l’actualité m’incite aujourd’hui à tenter de le faire.

Patrick

Le déclic est venu des pages sportives (que je survole en général) de mon quotidien local. J’y découvre étonné un titre « grossier » qui barre la page : « ça me fait chier ». Ce titre joue tout à fait son rôle, puisqu’il m’arrête, me fait reconnaître sur la photo qui accompagne l’article, Patrick Arlettaz, entraîneur de l’Usap, et m‘incite à lire l’interview où il s’étend sur les heurs et malheurs de son équipe chérie, sur les victoires, sur l’absence de jeu d’un groupe qui gagne, sur les critiques que l’on fait aux joueurs et qui le « font chier » parce qu’il est persuadé de faire avec eux du bon boulot. Le ton de l’interview est de la même veine, direct, sans fioriture, codé pour les usapistes avertis avec lesquels Arlettaz semble vouloir remettre les pendules à l’heure. L’air renfrogné qui est le sien sur la photo accompagnant le texte montre que le sport n’est pas un long fleuve tranquille et que la colère des hommes y a sa part. On peut diriger une grande équipe et rester profondément humain avec le langage fleuri qui va avec.

Diego

L’humanité a aussi, dans l’actualité sportive, ses dimensions tragiques. On peut être, pour beaucoup d’amateurs de foot, dieu ou presque et rester humain, ainsi Diego Maradona a sans doute oublié que ses admirateurs le voulaient immortel et les a quittés, les laissant orphelins des moments euphoriques qu’il leur avait offerts, en Argentine, à Naples, à Barcelone. Sa gloire, ses faiblesses, les aléas de sa vie, sa fibre populaire, le tout  assumé, ont renforcé cette humanité du personnage, sa popularité. Il ne vous étonnera pas que Macron, en cherchant à la célébrer, un peu sottement d’ailleurs, ne l’ait perçu que pour lui reprocher port mortem d’avoir rencontré Chavez et Castro. La ferveur populaire a besoin de l’humanité de ceux qui, dans des pratiques sportives, sortent du lot au point de prendre des dimensions mythiques tout en restant proches. D’où le sentiment d’une intimité qui vous a donné à un moment l’impression d’enrichir la vie et dont vous souffrez de la disparition.

Christophe

Autre actualité tragique ! Nous regretterons aussi les fulgurances de Christophe Dominici qui, un ballon ovale dans les mains, nous a fait vibrer et a apporté des moments inoubliables à des millions de spectateurs qui se sont lancés avec lui dans des courses effrénées vers un en-but libérateur où nous aussi, grâce à lui, nous avons plongé sans retenue. La sympathie du personnage, ses mensurations de David courageux et rusé au milieu de Goliath sur-vitaminés le rapprochaient de ses admirateurs. Sa fin tragique prématurée, ces jours derniers, nous le rend encore plus proche et humain.

Conclusion : le sport et les sportifs sont au cœur de notre humanité. Ma maman avait sans doute raison.

Jean-Marie Philibert.

lundi 23 novembre 2020

RIRE JAUNE

 

RIRE JAUNE

Il peut être instructif de vous amener dans les coulisses du comité de rédaction de votre vénérable hebdomadaire préféré : c’est du « live » et de précieuses indications sur notre état d’esprit, le sérieux de notre travail, notre démarche collective et ce que j’appellerai notre optimisme résistant. Il se clôt le plus souvent par une question récurrente sur la page 12 «Et l’humeur, Jean-Marie ?»

Et le Jean-Marie, il se creuse la cervelle, soit il a une idée, soit il n’en a pas, soit il en a plusieurs, et il propose : « J’ai une humeur sinistre, à propos de l’émission sur les EHPAD et le COVID et le sort réservé aux vieux (pardon aux personnes âgées) »Et tous mes gentils camarades de faire la grimace et de gémir… Je sens le malaise, je fais une volte-face inattendue qui me surprend moi-même : « je peux vous faire quelque chose de plus gai, une vision comique du confinement ! »

Approbation générale, grands soupirs de soulagement : »Oui ! Oui ! Fais nous rire ! »

A côté de la plaque

Mon seul problème, c’est que je n’ai pas la moindre idée de ce que je peux écrire, d’autant moins que ce  confinement qui détruit nos vies ne me fait pas rire du tout. Même si, depuis plusieurs mois, l’empressement des responsables en tous genres à penser «confinement» n’a d’égal que leur aptitude forcenée à taper très souvent à côté de la plaque… avec bien sûr l’assurance de celui qui ne doute en rien de sa qualité de responsable maximo. Jusqu’au ridicule !

Allons-y donc dans le ridicule ! Et dans le rire jaune…

D’abord de celui qui s’auto-proclame chef d’une guerre contre un tout petit virus, si petit d’ailleurs qu’il a mis beaucoup de temps à le voir. La métaphore guerrière n’avait d’autre utilité que d’occulter l’immensité de l’ignorance sur cet ennemi : les discours discordants, pontifiants, alarmants, des épidémiologistes, infectiologues, et/ou grands docteurs, contents visiblement de passer à la téloche confirmaient sans réserve. « Nous ne savons rien… Mais cela ne nous empêche pas de parler… ».

Paroles

Et les paroles pleuvent pour dire tout et son contraire : sur les masques, sur les tests, sur les remèdes. Des paroles pour cacher l’absence de remèdes, de test et de masques. Toutes proférées avec le plus grand sérieux. Elles ne trompaient pas grand monde, la sagesse populaire a préféré jouer la carte de la prudence. Le bon peuple s’est laissé, civiquement, confiner.

Même si la logique du confinement était à géométrie variable, comme si le virus, très compréhensif, était prêt à ne pas investir les domaines qu’on excluait du confinement, comme les grandes surfaces, les trains, les métros. Comme s’il était capable de distinguer commerces essentiels et non-essentiels. Par contre, il était attendu dans  les rencontres amicales, le boulot, les écoles, les fêtes, les enterrements, les activités culturelles au point qu’il n’y a plus eu de rencontres amicales, de boulot, de fêtes, de cultures, d’enterrements.

Infantilisés

Mais il y a eu des morts ! Et pour tous une non-vie dans laquelle, avec plasticité et même parfois avec humour, nous avons poussé la guignolade jusqu’à nous faire des autorisations de sortie, parfois un peu trafiquées d’ailleurs. Il semble que la bande à Macron a eu le souci de nous infantiliser un max (peut-être pour altérer une part de notre lucidité, diront les esprits chagrins). Et ça a marché !

L’infantilisation a aussi marqué le déconfinement où on a pu faire, comme de mauvais garnements, n’importe quoi. La guignolade a aussi animé le gouvernement et l’inénarrable Blanquer qui nous a décrit une rentrée scolaire excellente, jusqu’au second confinement qui est presque aussi rigolo que le premier, si ce n’est qu’il est automnal et  que l’on s’est habitué à être un peu plus récalcitrants.

Mais on manque de tout et surtout de ce qui fonde notre humanité, de la vie sociale, du rapport aux autres, ceux que l’on aime d’abord, mais aussi les autres. Tous les autres ! Les zombis masqués que nous croisons, sans pouvoir boire un coup au café avec eux, sans l’empathie et la déconnante qui vont avec, commencent à me taper sur le ciboulot au point de vous amuser de ce qui ne m’amuse plus.

Jean-Marie Philibert

mardi 17 novembre 2020

Incohérent !

 

INCOHERENT

Retour sur les semaines passées

La relation au pouvoir suppose, sinon une confiance absolue, au moins un minimum de considération : or dans la gestion, depuis ses débuts, de la pandémie, la bande à Macron a donné des signes multiples et variés qu’ils avaient du mal à prendre la mesure des choses. Auparavant avec les gilets jaunes, avec la réforme des retraites ils avaient montré que Jupiter et son aéropage était au-dessus de ces basses contingences et que le bon peuple suivrait tôt ou tard.
Le réel vous rattrape

Avec le corona, ça a commencé pareil, quoi ? Une pandémie ? Même pas peur ! Et pour enfoncer le clou vas-y que j’aille au théâtre, avec Bribri, pour bien montrer que rien ne saurait m’arrêter. On ne va pas annuler/reculer les élections municipales pour si peu. Et puis patatrac, quand vous oubliez le réel, le réel vous rattrape et il nous a tous rattrapés et enfermés pour de longues semaine de confinement à la maison, avec suprême guignolade un papier qu’il fallait se signer soi-même pour aller acheter son pain. Mais là Macron nous a doctement expliqué que nous étions en guerre contre un méchant virus, sans nous dire de façon explicite que dans cette guerre nous aurons les mains nues, pas de masques, on les a jetés, des services publics bien abîmés, et pas beaucoup de médicaments parce qu’ils sont tous maintenant fabriqués en Chine.

Mais nous avons fait face, nous sommes restés à la maison, nous avons télé-travaillé, les petits n’ont pas eu école, le professeur Raoult nous a fait presque croire à un remède miracle et à la téloche avec Salomon, nous avons compté les malades et les morts tous les soirs. On nous a fait croire que ça irait mieux demain. Entre temps on a mis la démocratie entre parenthèses. Le virus a bon dos !

Déconfinés/Reconfinés

Nous l’avons un peu cru, nous l’avons d’‘autant plus cru que nous fumes déconfinés en plein printemps, que nous avons un peu recommencé une vie normale jusqu’à envisager d’avoir de vraies vacances.  Les autorités se sont employées à nous laisser faire un peu n’importe quoi, cet été, et à ne pas écouter les esprits chagrins qui rappelaient incidemment que le virus était toujours là. L’attitude a pu aller jusqu’au déni, avec par exemple le Ministre de l’Education Blanquer qui a vu une rentrée scolaire, meilleure que jamais, grâce à un protocole sanitaire aux petits oignons.

Et puis retour de ce satané réel, de ce salaud de corona, qui contraint nos grands stratèges à nous reconfiner, mais en tentant de préserver un peu l’économie, en laissant les écoles ouvertes, en promettant un peu de sous à tous ceux que la faillite menace, en disant qu’il faut continuer à ne pas se regrouper, se rassembler, ne pas faire de sport et de gym, mais en laissant les transports publics pleins d’une foule dense, les grandes surfaces et Amazone faire le jackpot, pendant que les petits commerces, les bars et restos tiraient le rideau et la gueule parce qu’ils savent qu’ils vont crever et nos villes (grandes et petites)avec. Avec une petite lumière au bout du tunnel : à la Noël si vous êtes sages, peut-être, mais il ne faudra pas être nombreux.

Comment s’étonner qu’on juge tout cela incohérent.

JMP

lundi 16 novembre 2020

La culture un service public essentiel

 

La culture, un service public essentiel

« Un homme qui lit en vaut deux ! »C’est le slogan d’une campagne en faveur du livre et de la lecture qui remonte à bien des années, je ne vous dirai pas combien. C’était du temps où j’enseignais les lettres à des lycéens que je voulais faire réfléchir aux bienfaits de la lecture et je trouvais que ce slogan pouvait servir de sujet utile de dissertation, un brin provocateur pour des jeunes femmes et hommes dont la lecture n’était pas la première des préoccupations. Et puis surtout j’y lisais une évidence extrême à la gloire du livre, à l’enrichissement durable que certains livres nous offrent, à la communion laïque avec des écrivains qui avaient, ont, cultivent la capacité créatrice d’enrichir nos vies et de laisser une trace qui peut contribuer à nous constituer dans notre originalité, dans notre intégrité.

Le riche rapport au livre

Je n’ai pas le souvenir d’un seul lycéen qui ait violemment pris le contre-pied du slogan pour démontrer l’inanité de la lecture (ils n’étaient pas suicidaires). Mais ils parlaient tous de leur rapport au livre, de leur intimité avec certaines œuvres et de l’enrichissement qu’ils en retiraient. Donc satisfaisons-nous rétrospectivement : mission accomplie !

Mais malheureusement Castex n’a pas été mon élève, (compte tenu de son âge et du mien, il aurait pu) et visiblement sa réflexion littéraire… absente, son oubli du livre… comme nourriture essentielle, son mépris des libraires dans leur combat quotidien pour survivre avec leur boutique s’en ressentent.

Dans les champs de ruines culturels, qu’il nous laissera à la sortie du confinement, parce qu’on en sortira un jour ou l’autre, il y aura, entre autres,  quelques rideaux tirés de libraires effondrés de ne pas avoir pu continuer leur mission jusqu’au bout et de les avoir pris pour ce qu’ils ne sont pas : des inessentiels, des superflus, des amuseurs, des bouffons, au mieux capables de nous procurer un supplément d’âme.

Sortir du vulgum pecus

Supplément d’âme, cerise sur le gâteau, élément de décoration, artifice pour se faire plaisir, prétexte pour briller, occasion pour rencontrer la bonne société et faire de l’entre-soi, illusion de faire partie des « happy few » qui sortent du vulgum pecus ( en clair des mastuvu qui veulent péter plus haut que leur cul). La culture ne serait que cela ! Donc fermer les cinémas, les théâtres, les musées, les bibliothèques… c’est pas grave. Il y aura bien quelques sous-produits culturels que la téloche diffusera pour faire croire que le cadavre de la culture vivante bouge encore.

Mais le spectacle vivant, l’écriture vivante, la rencontre vivante avec les créateurs, l’échange intime avec une œuvre et la trace indélébile qu’il en restera seraient des clusters tout désignés. Ne se moquerait-on pas un peu de nous ?

La droite est indécrottable : elle n’a jamais aimé la culture qui n’a jamais voulu être à la botte des valeurs qu’elle prône, elle en a fait un ornement pour la vider de sa charge subversive. Là le corona lui offre une occasion de lui clouer le bec pour quelque temps. Elle semble ravie et ne recule pas.  Castex se charge de la besogne.

Elle oublie que la culture est animée par une capacité de résistance, de persistance qui est constitutive de la vie et de la liberté qui nous animent, avec ou sans corona.

Jean-Marie Philibert

vendredi 13 novembre 2020




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                                               Quand l'optimisme est plus fort que vous

dimanche 8 novembre 2020

Petite balade au Perthus

 

Petite balade au Perthus

 

Si l’heure était moins lourde, la petite balade de notre président au Perthus aurait pu nous amener à ironiser sur un besoin pressant de Ricard à l’Elysée, ou sur une subite envie d’oranges de Bribri, tant un tel déplacement peut sembler hors sol, à des Roussillonnais confinés qui imaginent qu’il y a tant à faire à Paris.

 

El Nostre Prrrésident

En fait peut-être du fait des accords de Schengen, l’avait-on oublié ?, mais le Perthus est une frontière. El Nostre prrrésident avait sans doute besoin pour illustrer sa démarche de lutte sur tous les fronts, national, européen, international, immigration, terrorisme et sécurité d’un terrain propice : le col du Perthus passage historique des troupes d’Hannibal, des armées romaines, des hordes d’envahisseurs en tous genres, aujourd’hui touristes et poids lourds,  le lui a fourni pour faire de l’image comme on dit dans la com moderne et illustrer son propos qui ne change guère : je prends toujours la bonne décision, que de bonnes décisions.

 

Des passoires et un drone

Lesquelles donc ? Vigipirate oblige, prégnance de la menace terroriste : “nous avons décidé d’intensifier très fortement nos contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen” et d’aligner les chiffres : les effectifs policiers passeront de 2400 à 4800. Pour le Perthus deux unités mobiles, une compagnie de CRS et un escadron de gendarmes mobiles... avec même un pilote de drone. Faisons donc moderne. Reste que depuis Schengen les frontières intérieures ne le sont plus tout à fait et qu’elles sont devenues de véritables passoires où les trafiquants en tous genres s’en donnent à cœur joie, et sans doute aussi les terroristes potentiels (lisez quotidiennement votre journal local). Reste que des services publics (douanes et police) ont été réduits à la portion congrue. IL s’agit donc de courir après l’événement, après les événements tragiques des assassinats aveugles pour donner le sentiment que ce qu’il fallait faire a été fait, ou va l’être incessamment sous peu.
Brouillons les pistes

Et il faut donc mettre en scène l’intervention présidentielle sur un poste frontière emblématique, qui relie le sud et le nord, l’Afrique et l’Europe, qui est une voie d’accès depuis des lustres à toutes les formes d’immigration, même si ce n’est pas une porte de Schengen. Cela permet de brouiller un peu plus les pistes et d’inciter le bon peuple à assimiler immigration, terrorisme, islamisme et de rejoindre l’idéologie nauséabonde et raciste qui se répand et dont de l’extrême droite à l’extrême centre ils sont nombreux à faire leurs choux gras. Cette visite est à l’image de la loi contre le séparatisme que le gouvernement prépare : c’est un leurre !

 

Pour rien ?

Elle a aussi indéniablement une dimension européenne. Macron prêche... dans le désert et sur la frontière... pour une réorganisation de l’Europe...”pour intensifier notre protection commune … pour un espace qui soit plus cohérent”... Pour le moment en dehors du plan de relance, à la vertu essentiellement économique, en Europe, c’est, avant tout, chacun pour soi et c’est porte close aux étrangers... pauvres. Je crains que le déplacement au Perthus ne change en rien la donne. Je pense même que sur ce terrain-là comme sur les autres l’initiative est improductive. Il est venu pour rien et il a oublié le ricard et les oranges.

Peut-être que grâce à nostre prrrésident des barrières vont faire leur réapparition sur l’autoroute et sur la nationale et rappeler aux anciens qu’une frontière reste une frontière même si elle ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à séparer les humains que nous sommes.

Jean-Marie Philibert

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lundi 2 novembre 2020

interview d'Etienne Rouziès, traducteur de Jordi Pere Cerdà

 

DE LA POESIE DE JORDI PERE CERDA

JPC aurait eu cent ans en 2020 : les bons libraires exposent ses œuvres  Vous trouverez très bientôt parmi elles une édition bilingue  de ses poésies, Comme sous un flot de sève aux éditions La rumeur libre. Etienne Rouzies la murement travaillé. Le TC pour qui la fidélité à JPC est inaltérable la rencontré pour quil nous informe dun projet dont le confinement a retardé la sortie  et qui devrait voir le jour à la rentrée. Etienne Rouzies devrait aussi intervenir dans lhommage à JPC que la galerie El Taller dAndré Robèr lui rendra ; à Ille/Têt début octobre

-peux-tu nous parler de ta découverte de Jordi Père Cerda?

Jai découvert Jordi Pere Cerdà une première fois en 2007 avec la lecture de son roman Voies étroites vers les hautes terres. Mais cest en 2015 que jai découvert sa poésie, sur les conseils de Marie Grau, une de ses grandes spécialistes.  s la première lecture, il y a eu un fort effet dattraction et jai commencé à traduire quelques poèmes. Peu à peu, le jeu est devenu un projet. Roger Coste de la librairie Torcatis ma encouragé à contacter un éditeur. Par lintermédiaire du poète Vincent Calvet, cest vers La Rumeur libre que je me suis tourné.

-Y a-t-il une spécificité de la poésie de JPC ?

Ce qui frappe d’abord dans la poésie de Cerdà, c’est l’alliance entre une langue franche et directe et un grand raffinement dans le maniement des images. Une sauvagerie de la langue et une subtilité métaphorique. Autre trait caractéristique : une capacité à incarner les émotions les plus profondes. Chez Cerdà la poésie est un art viscéral. Il y a enfin dans sa poésie une force incantatoire. Cerdà nous enchante au sens étymologique : il y a quelque chose chez lui de chamanique, de païen.

La poésie est-elle traduisible ?

La poésie est unique, elle est intraduisible au sens strict. On perd toujours de la matière en route en passant dune langue à une autre.  La traduction est un autre texte mais on peut faire en sorte que cet autre texte soit le plus fidèle possible au premier.  Traduire nécessite de se décentrer en permanence, il ne faut pas que sa propre musique prenne le pas sur loriginal. Cest une discipline. Un peu comme une navigation, il y a un cap à garder : si on est inattentif, le bateau sarrête ou dévie.

-Tu as dû faire des choix de textes, peux-tu les expliquer ?  La spécificité de ton édition, de tes traductions ?

Mon choix a été de sélectionner des poèmes de toutes les époques, de montrer un large éventail de sa production mais cela reste une sélection, une partie seulement dune immense montagne à explorer. Je me suis laissé guider par les poèmes qui mavaient le plus touchés. Mon ambition était de passer la force de la langue de Cerdà du catalan au français en évitant les écueils de la réécriture, de la « poétisation ». Mon parti pris était de serrer au texte. Quand Cerdà est rugueux, il faut l’être aussi en français.

 

La poésie de Jordi Pere Cerdà

 

La poésie comme nourriture terrestre

 

 

IL est plus fréquent d’évoquer les poètes, leur nom, leurs histoires, leurs destins et les mythes qui les entourent que de se pencher sur leurs textes et les lire, pour soi ou pour les autres, en silence, ou à haute voix. Une preuve parmi tant d’autres : le nombre d’ouvrages de poésie édités, lus, achetés est quasiment ridicule sans aucune proportion avec la richesse formelle, affective, historique, philosophique de beaucoup de textes poétiques. Comme si comptaient peu l’intimité du propos, les mots que le poète a ciselés pour lui-et-nous, nous-et-lui, comme vous voulez !

C’est pour cela qu’il ne faut pas laisser passer la moindre occasion de sortir les poèmes de leur ghetto culturel et de  les lire. L’édition bilingue d’un choix de textes de Jordi Pere Cerdà intitulé Comme un flot de sève, traduits et présentés par Etienne Rouziès, aux éditions La rumeur libre est une excellente opportunité.

L’émotion au rendez-vous

Dans un précédent numéro, nous avions questionné le traducteur-poète sur sa démarche, sur son rapport à Jordi Pere Cerdà, il nous offre maintenant le résultat de son travail. L’émotion est au rendez-vous. En particulier pour ceux qui, comme moi, ont du catalan une connaissance plus que sommaire et qui ont besoin d’un intercesseur pour saisir la profondeur et la richesse de sa poésie. « La poésie comme un art viscéral », tel est le titre de l’introduction d’Etienne Rouziès.

 Chez Jordi Pere Cerdà, un art viscéral, fait de retenue, de pudeur, de douceur, mais pétri d’humanité, sans concession sur l’humain dans toutes ses dimensions personnelles, sensuelles, familiales, affectives, politiques. Un humain viscéralement attaché à sa terre, à sa Cerdagne, à la nature et à tous ceux qui la peuplent, mais ne s’y laissant jamais enfermer, bien au contraire. Elle est le microcosme d’un macrocosme qui voit défiler le monde  dans son universalité sans limite.

 

 

Relisons la fin d’ « ô monde »

« …Je suis entré dans l’arbre comme un oiseau dans les feuilles

et j’ai senti la force de ses branches

dedans mes bras et dedans mon corps,

et j’ai senti la sève se mêler à mon sang.

je tins la vie dans le nid chaud de mes mains ;

la vie avait le visage du peuple

et de son combat. »

Le catalan

Cela a été écrit en 1954 et n’a pas pris une ride : magie de la poésie et de son pouvoir de transcender le temps, dans la langue que l’on a choisi de magnifier. Pour Jordi Pere Cerdà, ce fut le catalan qu’il a porté à la plus grande incandescence, paradoxalement en utilisant les simples mots du quotidien. Le monde littéraire catalan ne s’y est pas trompé qui, des deux côtés de la frontière, l’a honoré pour la puissance qu’il a donnée à cette langue à un moment crucial de son histoire.

A lire la traduction d’Etienne Rouziès, on se dit que, s’il avait écrit en français, le boucher-poète de Saillagouse côtoierait peut-être aujourd’hui les plus grands (Desnos, Char, Aragon, Eluard). Mais nous y aurions perdu un acteur central de notre culture. Notre langue serait orpheline.

« Toute langue fait feu » est le titre d’un de ses recueils : notre vie avait- a besoin de ce feu qu’Antoine Cayrol, enfant de Cerdagne, libraire à Perpignan, citoyen engagé de cette terre (relisez le numéro spécial que le TC lui a consacré), n’a cessé de raviver.

La poésie comme nourriture terrestre ! Merci à Antoine et à Etienne de nous le rappeler.

Jean-Marie Philibert