Patrick,
Diego, Christophe, le sport et l’humain
Il est un domaine auquel je ne prête qu’une attention
épisodique et sur lequel je n’ose pas trop m’aventurer de peur de montrer mon ignorance.
Certes il me poursuit depuis belle lurette. Il m’a même contraint, c’est le mot
qui convient. En effet ma mère soucieuse de mon avenir physique, mais aussi
sans doute un peu mental, m’a imposé, dès la tendre enfance, de faire de la gym, dans une salle du
quartier, avec un prof exigeant et sans espoir de passer à travers. Elle m’a
ensuite incité à faire du sport. Mais, esprit retors sans doute, j’y ai mis une
mauvaise volonté si évidente, que l’obligation, l’incitation se sont
transformées en désintérêt profond, pour ne pas dire en aversion.
Il m’a fallu prendre de la bouteille (au sens figuré bien
sûr) pour m’y remettre, sans goût, mais par nécessité physiologique, comme dit
mon toubib. Et ça dure depuis des décennies. Je fais du sport, de la gym… Un
peu ! Mais je ne sais pas parler du sport, des sportifs. Le hasard de
l’actualité m’incite aujourd’hui à tenter de le faire.
Patrick
Le déclic est venu des pages sportives (que je survole en
général) de mon quotidien local. J’y découvre étonné un titre
« grossier » qui barre la page : « ça me fait chier ». Ce titre joue tout à fait son rôle,
puisqu’il m’arrête, me fait reconnaître sur la photo qui accompagne l’article,
Patrick Arlettaz, entraîneur de l’Usap, et m‘incite à lire l’interview où il
s’étend sur les heurs et malheurs de son équipe chérie, sur les victoires, sur
l’absence de jeu d’un groupe qui gagne, sur les critiques que l’on fait aux
joueurs et qui le « font chier » parce qu’il est persuadé de faire
avec eux du bon boulot. Le ton de l’interview est de la même veine, direct,
sans fioriture, codé pour les usapistes avertis avec lesquels Arlettaz semble
vouloir remettre les pendules à l’heure. L’air renfrogné qui est le sien sur la
photo accompagnant le texte montre que le sport n’est pas un long fleuve
tranquille et que la colère des hommes y a sa part. On peut diriger une grande
équipe et rester profondément humain avec le langage fleuri qui va avec.
Diego
L’humanité a aussi, dans l’actualité sportive, ses dimensions
tragiques. On peut être, pour beaucoup d’amateurs de foot, dieu ou presque et
rester humain, ainsi Diego Maradona a sans doute oublié que ses admirateurs le
voulaient immortel et les a quittés, les laissant orphelins des moments
euphoriques qu’il leur avait offerts, en Argentine, à Naples, à Barcelone. Sa
gloire, ses faiblesses, les aléas de sa vie, sa fibre populaire, le tout assumé, ont renforcé cette humanité du
personnage, sa popularité. Il ne vous étonnera pas que Macron, en cherchant à
la célébrer, un peu sottement d’ailleurs, ne l’ait perçu que pour lui reprocher
port mortem d’avoir rencontré Chavez et Castro. La ferveur populaire a besoin
de l’humanité de ceux qui, dans des pratiques sportives, sortent du lot au
point de prendre des dimensions mythiques tout en restant proches. D’où le
sentiment d’une intimité qui vous a donné à un moment l’impression d’enrichir
la vie et dont vous souffrez de la disparition.
Christophe
Autre actualité tragique ! Nous regretterons aussi les
fulgurances de Christophe Dominici qui, un ballon ovale dans les mains, nous a
fait vibrer et a apporté des moments inoubliables à des millions de spectateurs
qui se sont lancés avec lui dans des courses effrénées vers un en-but
libérateur où nous aussi, grâce à lui, nous avons plongé sans retenue. La sympathie
du personnage, ses mensurations de David courageux et rusé au milieu de Goliath
sur-vitaminés le rapprochaient de ses admirateurs. Sa fin tragique prématurée,
ces jours derniers, nous le rend encore plus proche et humain.
Conclusion : le sport et les sportifs sont au cœur de
notre humanité. Ma maman avait sans doute raison.
Jean-Marie Philibert.