RIRE JAUNE
Il peut être instructif de vous amener dans les coulisses du
comité de rédaction de votre vénérable hebdomadaire préféré : c’est du
« live » et de précieuses indications sur notre état d’esprit, le
sérieux de notre travail, notre démarche collective et ce que j’appellerai
notre optimisme résistant. Il se clôt le plus souvent par une question
récurrente sur la page 12 «Et l’humeur, Jean-Marie ?»
Et le Jean-Marie, il se creuse la cervelle, soit il a une
idée, soit il n’en a pas, soit il en a plusieurs, et il propose :
« J’ai une humeur sinistre, à propos de l’émission sur les EHPAD et le
COVID et le sort réservé aux vieux (pardon aux personnes âgées) »Et tous
mes gentils camarades de faire la grimace et de gémir… Je sens le malaise, je
fais une volte-face inattendue qui me surprend moi-même : « je peux
vous faire quelque chose de plus gai, une vision comique du
confinement ! »
Approbation générale, grands soupirs de soulagement : »Oui !
Oui ! Fais nous rire ! »
A côté de
la plaque
Mon seul problème, c’est que je n’ai pas la moindre idée de
ce que je peux écrire, d’autant moins que ce
confinement qui détruit nos vies ne me fait pas rire du tout. Même si,
depuis plusieurs mois, l’empressement des responsables en tous genres à penser
«confinement» n’a d’égal que leur aptitude forcenée à taper très souvent à côté
de la plaque… avec bien sûr l’assurance de celui qui ne doute en rien de sa
qualité de responsable maximo. Jusqu’au ridicule !
Allons-y donc dans le ridicule ! Et dans le rire jaune…
D’abord de celui qui s’auto-proclame chef d’une guerre contre
un tout petit virus, si petit d’ailleurs qu’il a mis beaucoup de temps à le
voir. La métaphore guerrière n’avait d’autre utilité que d’occulter l’immensité
de l’ignorance sur cet ennemi : les discours discordants, pontifiants,
alarmants, des épidémiologistes, infectiologues, et/ou grands docteurs,
contents visiblement de passer à la téloche confirmaient sans réserve.
« Nous ne savons rien… Mais cela ne nous empêche pas de parler… ».
Paroles
Et les paroles pleuvent pour dire tout et son
contraire : sur les masques, sur les tests, sur les remèdes. Des paroles
pour cacher l’absence de remèdes, de test et de masques. Toutes proférées avec
le plus grand sérieux. Elles ne trompaient pas grand monde, la sagesse
populaire a préféré jouer la carte de la prudence. Le bon peuple s’est laissé,
civiquement, confiner.
Même si la logique du confinement était à géométrie variable,
comme si le virus, très compréhensif, était prêt à ne pas investir les domaines
qu’on excluait du confinement, comme les grandes surfaces, les trains, les
métros. Comme s’il était capable de distinguer commerces essentiels et
non-essentiels. Par contre, il était attendu dans les rencontres amicales, le boulot, les
écoles, les fêtes, les enterrements, les activités culturelles au point qu’il
n’y a plus eu de rencontres amicales, de boulot, de fêtes, de cultures,
d’enterrements.
Infantilisés
Mais il y a eu des morts ! Et pour tous une non-vie dans
laquelle, avec plasticité et même parfois avec humour, nous avons poussé la
guignolade jusqu’à nous faire des autorisations de sortie, parfois un peu
trafiquées d’ailleurs. Il semble que la bande à Macron a eu le souci de nous
infantiliser un max (peut-être pour altérer une part de notre lucidité, diront
les esprits chagrins). Et ça a marché !
L’infantilisation a aussi marqué le déconfinement où on a pu
faire, comme de mauvais garnements, n’importe quoi. La guignolade a aussi animé
le gouvernement et l’inénarrable Blanquer qui nous a décrit une rentrée
scolaire excellente, jusqu’au second confinement qui est presque aussi rigolo
que le premier, si ce n’est qu’il est automnal et que l’on s’est habitué à être un peu plus
récalcitrants.
Mais on manque de tout et surtout de ce qui fonde notre
humanité, de la vie sociale, du rapport aux autres, ceux que l’on aime d’abord,
mais aussi les autres. Tous les autres ! Les zombis masqués que nous
croisons, sans pouvoir boire un coup au café avec eux, sans l’empathie et la
déconnante qui vont avec, commencent à me taper sur le ciboulot au point de
vous amuser de ce qui ne m’amuse plus.
Jean-Marie Philibert
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