les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

lundi 2 novembre 2020

La poésie de Jordi Pere Cerdà

 

La poésie comme nourriture terrestre

 

 

IL est plus fréquent d’évoquer les poètes, leur nom, leurs histoires, leurs destins et les mythes qui les entourent que de se pencher sur leurs textes et les lire, pour soi ou pour les autres, en silence, ou à haute voix. Une preuve parmi tant d’autres : le nombre d’ouvrages de poésie édités, lus, achetés est quasiment ridicule sans aucune proportion avec la richesse formelle, affective, historique, philosophique de beaucoup de textes poétiques. Comme si comptaient peu l’intimité du propos, les mots que le poète a ciselés pour lui-et-nous, nous-et-lui, comme vous voulez !

C’est pour cela qu’il ne faut pas laisser passer la moindre occasion de sortir les poèmes de leur ghetto culturel et de  les lire. L’édition bilingue d’un choix de textes de Jordi Pere Cerdà intitulé Comme un flot de sève, traduits et présentés par Etienne Rouziès, aux éditions La rumeur libre est une excellente opportunité.

L’émotion au rendez-vous

Dans un précédent numéro, nous avions questionné le traducteur-poète sur sa démarche, sur son rapport à Jordi Pere Cerdà, il nous offre maintenant le résultat de son travail. L’émotion est au rendez-vous. En particulier pour ceux qui, comme moi, ont du catalan une connaissance plus que sommaire et qui ont besoin d’un intercesseur pour saisir la profondeur et la richesse de sa poésie. « La poésie comme un art viscéral », tel est le titre de l’introduction d’Etienne Rouziès.

 Chez Jordi Pere Cerdà, un art viscéral, fait de retenue, de pudeur, de douceur, mais pétri d’humanité, sans concession sur l’humain dans toutes ses dimensions personnelles, sensuelles, familiales, affectives, politiques. Un humain viscéralement attaché à sa terre, à sa Cerdagne, à la nature et à tous ceux qui la peuplent, mais ne s’y laissant jamais enfermer, bien au contraire. Elle est le microcosme d’un macrocosme qui voit défiler le monde  dans son universalité sans limite.

 

 

Relisons la fin d’ « ô monde »

« …Je suis entré dans l’arbre comme un oiseau dans les feuilles

et j’ai senti la force de ses branches

dedans mes bras et dedans mon corps,

et j’ai senti la sève se mêler à mon sang.

je tins la vie dans le nid chaud de mes mains ;

la vie avait le visage du peuple

et de son combat. »

Le catalan

Cela a été écrit en 1954 et n’a pas pris une ride : magie de la poésie et de son pouvoir de transcender le temps, dans la langue que l’on a choisi de magnifier. Pour Jordi Pere Cerdà, ce fut le catalan qu’il a porté à la plus grande incandescence, paradoxalement en utilisant les simples mots du quotidien. Le monde littéraire catalan ne s’y est pas trompé qui, des deux côtés de la frontière, l’a honoré pour la puissance qu’il a donnée à cette langue à un moment crucial de son histoire.

A lire la traduction d’Etienne Rouziès, on se dit que, s’il avait écrit en français, le boucher-poète de Saillagouse côtoierait peut-être aujourd’hui les plus grands (Desnos, Char, Aragon, Eluard). Mais nous y aurions perdu un acteur central de notre culture. Notre langue serait orpheline.

« Toute langue fait feu » est le titre d’un de ses recueils : notre vie avait- a besoin de ce feu qu’Antoine Cayrol, enfant de Cerdagne, libraire à Perpignan, citoyen engagé de cette terre (relisez le numéro spécial que le TC lui a consacré), n’a cessé de raviver.

La poésie comme nourriture terrestre ! Merci à Antoine et à Etienne de nous le rappeler.

Jean-Marie Philibert

 

 

 

 

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