La culture,
un service public essentiel
« Un
homme qui lit en vaut deux ! »C’est le slogan d’une campagne en
faveur du livre et de la lecture qui remonte à bien des années, je ne vous dirai
pas combien. C’était du temps où j’enseignais les lettres à des lycéens que je
voulais faire réfléchir aux bienfaits de la lecture et je trouvais que ce
slogan pouvait servir de sujet utile de dissertation, un brin provocateur pour
des jeunes femmes et hommes dont la lecture n’était pas la première des
préoccupations. Et puis surtout j’y lisais une évidence extrême à la gloire du
livre, à l’enrichissement durable que certains livres nous offrent, à la
communion laïque avec des écrivains qui avaient, ont, cultivent la capacité
créatrice d’enrichir nos vies et de laisser une trace qui peut contribuer à
nous constituer dans notre originalité, dans notre intégrité.
Le riche rapport au livre
Je n’ai pas le souvenir d’un seul
lycéen qui ait violemment pris le contre-pied du slogan pour démontrer
l’inanité de la lecture (ils n’étaient pas suicidaires). Mais ils parlaient
tous de leur rapport au livre, de leur intimité avec certaines œuvres et de
l’enrichissement qu’ils en retiraient. Donc satisfaisons-nous rétrospectivement :
mission accomplie !
Mais malheureusement Castex n’a pas
été mon élève, (compte tenu de son âge et du mien, il aurait pu) et visiblement
sa réflexion littéraire… absente, son oubli du livre… comme nourriture
essentielle, son mépris des libraires dans leur combat quotidien pour survivre
avec leur boutique s’en ressentent.
Dans les champs de ruines
culturels, qu’il nous laissera à la sortie du confinement, parce qu’on en
sortira un jour ou l’autre, il y aura, entre autres, quelques rideaux tirés de libraires effondrés
de ne pas avoir pu continuer leur mission jusqu’au bout et de les avoir pris
pour ce qu’ils ne sont pas : des inessentiels, des superflus, des
amuseurs, des bouffons, au mieux capables de nous procurer un supplément d’âme.
Sortir du vulgum pecus
Supplément d’âme, cerise sur le
gâteau, élément de décoration, artifice pour se faire plaisir, prétexte pour
briller, occasion pour rencontrer la bonne société et faire de l’entre-soi,
illusion de faire partie des « happy few » qui sortent du vulgum
pecus ( en clair des mastuvu qui veulent péter plus haut que leur cul). La
culture ne serait que cela ! Donc fermer les cinémas, les théâtres, les
musées, les bibliothèques… c’est pas grave. Il y aura bien quelques
sous-produits culturels que la téloche diffusera pour faire croire que le
cadavre de la culture vivante bouge encore.
Mais le spectacle vivant,
l’écriture vivante, la rencontre vivante avec les créateurs, l’échange intime
avec une œuvre et la trace indélébile qu’il en restera seraient des clusters
tout désignés. Ne se moquerait-on pas un peu de nous ?
La droite est indécrottable :
elle n’a jamais aimé la culture qui n’a jamais voulu être à la botte des
valeurs qu’elle prône, elle en a fait un ornement pour la vider de sa charge
subversive. Là le corona lui offre une occasion de lui clouer le bec pour
quelque temps. Elle semble ravie et ne recule pas. Castex se charge de la besogne.
Elle oublie que la culture est
animée par une capacité de résistance, de persistance qui est constitutive de
la vie et de la liberté qui nous animent, avec ou sans corona.
Jean-Marie Philibert
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