Vieilleries,
vieux et nouveau monde
Je suis
en difficulté dans la cuisine de mon humeur. Il faut trouver chaque semaine un
sujet qui amuse-fâche-intéresse, qui ne dépare pas avec l’ensemble du journal,
avec son orientation, qui soit dans mes cordes. Il y a des semaines faciles et
d’autres moins. Là on est dans le moins. C’est samedi, plusieurs papiers que
vous trouverez dans les pages qui précèdent m’ont occupé dans la matinée. Pour
l’humeur, j’ai la tête vide. Complètement.
Je me dis : prends des vacances, va acheter le
pain, on verra après.
Et je pars vers ma boulangerie préférée, en
traversant le marché à la brocante qui occupe les allées Maillol à Perpignan. Tout
en gardant en tête ma préoccupation. L’humeur à produire.
Eureka ! L’accumulation de toutes ces
vieilleries provoque l’éclair salutaire.
Les brocantes sont un peu emblématiques de nos
vies sociales et politiques : il y a des vieilleries bonnes pour la
déchetterie et d’autres fort utiles. Le monde ancien est paradoxal
Les
vieilleries bonnes pour la déchèterie
Certains, quoi qu’ils en disent, sont tellement
prisonniers d’une idéologie d’un autre temps, qu’ils ne peuvent vivre que dans
la nostalgie de la vieillerie. Ainsi d’Aliot et de sa guerre d’Algérie, et de
la colonisation. Ainsi de sa nostalgie d’une extrême droite qui tenta à l’occasion
de renverser la république et qui n’y parvint pas. Alors qu’il fait tout pour
jouer au gentil garçon, cette nostalgie du monde ancien lui fait dévoiler son
vrai visage. .La France était belle avec son empire. Le monde ancien le fait
sans doute rêver, la suprématie des blancs, l’injustice institutionnalisée, le
culte du chef. Il imagine une régression musclée et se sert de nos temps
troublés pour y travailler.
Il y est aidé par d’autres nostalgiques, par
exemple ceux qui ont envahi le conseil régional d’Occitanie, partisans d’un ordre violemment anti-démocratique. Ils
n’ont de cesse de réactiver les préjugés les plus éculés, le racisme le plus
sommaire. Une stratégie les habite : jeter suffisamment de troubles pour qu’on perde le sens des vraies valeurs,
en particulier celles de la démocratie.
L’ambition du Rassemblement national se nourrit
de ces troubles, mais tente par d’autres voies de faire la preuve de son
honorabilité, de sa respectabilité, de sa dédiabolisation en s’appuyant sur des
scrutins ou des sondages qui en ferait
un parti de notre temps, prêt à prendre un pouvoir dont il se garde bien de
dire ce qu’il ferait. Il mise sur notre oubli des tragédies de l’histoire, les
montées des fascismes, les dictatures qui s’incrustent, le pétainisme et ses
lâchetés. Tout est à mettre au rebut
D’autres
vieilleries
Existent d’autres vieilleries qui sans sentir
autant le moisi n’ont plus aucune utilité, si ce n’est d’embarrasser les
placards, de restreindre notre espace vital, de nous faire prendre les bougies
des fantasmagories pour les lanternes de la vérité : il s’agit de tous les
irrationalistes, les complotistes, les perchés dans la stratosphère, que ces
temps de pandémie suscitent et qui malheureusement ne sont pas sans écho. Ils
ne sont pas trop éloignés des précédents.
Leur trait caractéristique : l’absence
totale du moindre doute. Qui est pourtant le fondement de
toute vérité, de toute lucidité. !
Tout ce qui se
bonifie en vieillissant est à préserver.
Le vieux monde nous a aussi appris les
enseignements de l’histoire. Ainsi le 150° anniversaire de la Commune nous
convainc que la lutte pour la justice, la liberté, n’est jamais achevée, que
l’ambition de construire un monde pour tous les citoyens qui l’occupent reste
plus vivante que jamais. Salut et fraternité !
Le vieux monde nous a légué des valeurs qui sont un peu secouées par les temps qui
courent, telle la laïcité à qui on tente de faire dire tout et son contraire,
telle la démocratie sur laquelle s’assied sans vergogne un président (le nôtre)
en mal d’autoritarisme (au rebut) ou de bonapartisme (au rebut aussi). A nous
de les réactiver ensemble, parce qu’elles ont besoin l’une de l’autre.
L’unité populaire, l’unité d’action, l’unité
entre partenaires d’égale dignité, l’unité syndicale, difficile certes, mais
plus que jamais nécessaire, ambitieuse, mais toujours porteuse d’avancées, me
semble être un des précieux apprentissages du monde ancien qui nous aideront à
construire le monde nouveau. A traiter donc avec le plus grand soin.
Jean-Marie Philibert.