Justice et
sérénité
Le jeu en vaut-il la chandelle ? Après le déferlement
médiatique de la semaine passée faut-il en rajouter une couche ? J’ai un
doute. Mais j’ai envie de tenter, au-delà de l’événement, d’en mesurer la
portée, de chercher à percer ce qu’il recèle comme non-dit, d’y lire les
turpitudes et les mensonges que des « granzomes » n’hésitent pas à se
permettre. D’autant que les péripéties du procès de Sarkozy soulèvent un problème
très sérieux, celui de la justice, celui du pouvoir judiciaire et de ses
rapports avec l’exécutif.
De la
séparation des pouvoirs
Partons de là, voulez-vous ? Montesquieu toujours, son
Esprit des lois et ce qu’il nous dit de la séparation des pouvoirs :
« Il n’y a point
encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance
législative et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance
législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire car le juge serait le législateur. Si elle
était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un
oppresseur… »
Lundi dernier, Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de
prison ferme et à deux ans avec sursis
pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite des écoutes.
C’est un ancien chef d’état qui est ainsi condamné pour ce que le tribunal
estime « un pacte de corruption »entre l’ancien président, son avocat
et un ancien haut magistrat. La preuve de ce pacte « …ressort d’un faisceau
d’indices graves, précis et concordants résultant des liens très étroits
d’amitiés noués entre les protagonistes »
Injustice ?
Et depuis, notre homme, qui fut en son temps le garant de
l’indépendance de la justice, qui fut le garant du principe supérieur de
séparation des pouvoirs, ne cesse de crier à l’injustice, de mettre en cause
l’intégrité du tribunal, de dénoncer un acharnement judiciaire.
D’user et d’abuser de l’audience médiatique qui lui est
accordée pour charger la mule des juges dont les observateurs reconnaissent,
certes la sévérité, mais aussi la tenue
irréprochable des débats judiciaires, et le sérieux, la solidité du délibéré.
Il ne fait plus confiance à la justice de son pays, sans doute parce qu’elle
déroge à l’image qui était la sienne d’une justice de classe, dure avec les
faibles, mais complaisante avec les forts. Le pouvoir vous tourneboule un homme
jusqu’à ce qu’il se croie au-dessus des lois et lui fasse ainsi oublier un des
fondements de la démocratie.
Avancer sur
un terrain égalitaire
L’affaire ne concerne pas que son auguste personne. A voir la
multiplicité des représentants politiques de droite, de droite extrême, et même
d’ « En marche » qui volent à son secours, on se dit que la
justice a du pain sur la planche pour avancer sur un terrain égalitaire qui
certes ne lui a pas toujours été familier. Même un ministre de l’intérieur, en
exercice, se sent obligé de commenter une décision de justice qui concerne son
ex-copain.
C’est dire que le combat pour son indépendance, pour son
approche sans complaisance des forfaits des puissants, pour sa volonté de
porter des coups aux formes multiples souvent très inventives de détournement
d’argent, d’enrichissements illicites a de beaux jours devant lui. Combats
d’autant plus difficiles qu’ils mettent en œuvre des intérêts puissants, des
complicités multiples, souvent internationales et que les moyens de la justice
sont limités, j’ai envie de dire sciemment limités comme si on ne souhaitait
pas lui donner les moyens de son ambition.
En cherchant à confronter à leurs actes tous les
justiciables, les puissants, les moins puissants, et les pas puissants du tout,
la justice joue son rôle de fondement de
notre humanité, de notre liberté, de notre responsabilité. En leur demandant de
payer pour leurs manquements, elle préjuge de leur capacité d’amendement, elle
table sur leur capacité à retrouver la voie d’une vie sereine, dans l’intérêt
de tous.
Visiblement Nicolas Sarkozy a du mal avec sa sérénité. On
s’en doutait un peu.
Jean-Marie Philibert
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