les billets d'humeur de Jean Marie Philibert dans le Travailleur Catalan

Jean Marie PHILIBERT ( c'est moi ) écrit toutes les semaines un billet d'humeur dans le TRAVAILLEUR CATALAN, hebdomadaire de la fédération catalane du PCF.
Je ne peux que vous conseiller de vous abonner à ce journal qui est aujourd'hui le seul organe de presse de gauche du département des Pyrénées Orientales.
J'ai rassemblé dans ce blog quelques uns de ces billets d'humeur en rappelant brièvement les événements qu'ils évoquent

mardi 19 décembre 2017

La Bourse et l'histoire


La Bourse dans son histoire et dans l’histoire

Dans un article précédent « La bourse et la vie », nous avons mis l’accent sur  les conséquences négatives de la disparition de la Bourse du travail, Place Rigaud, pour cause de bibliothèque universitaire à implanter. La presse locale est revenue sur cette information en interrogeant des responsables CGT. Le TC  a cherché à en savoir plus, à revenir sur l’histoire,  la valeur, l’intérêt du bâtiment et de son maintien en centre ville. Nous avons interrogé l’historien André Balent.



André, que sais-tu de l’histoire  du bâtiment ?

C'est la municipalité de Louis Caulas, maire radical, qui a décidé la construction du bâtiment de la place Rigaud destiné à la Bourse du Travail oeuvre de Léon Baille, architecte de ma ville. Ils furent inaugurés le 31 mai 1903.

La Bourse du travail de Perpignan fut créée grâce à une première subvention de la municipalité de Perpignan aux syndicats de la ville (2000 fr. le 24 avril 1893 des locaux municipaux chauffés et éclairés ; 3000 fr. le 10 novembre 1893). La Bourse du Travail de Perpignan ouvrit le 1e février 1894 dans les locaux "provisoires" de l'ancienne école professionnelle de la place Rigaud (inauguration 17 mars). À cette date parut le n° de La Bourse du Travail, mensuel, remplacé en janvier 1911 par L'Action syndicale un autre mensuel qui parut jusqu'en 1940.

 La construction fut financée par des municipalités radicales qui craignaient que les syndicats n'échappent à son influence (ce qui advint). Il a été conçu d'emblée pour abriter les syndicats ouvriers. Plus d'un siècle, donc, de présence syndicale. Lieu de mémoire du mouvement social et syndical.

Peux-tu nous parler de son intérêt architectural ?

Il est de premier ordre. Léon Baille (1862-1951) a été, entre autres architecte de la ville de Perpignan pour laquelle, il réalisa de nombreux édifices :  certains emblématiques comme l’hôpital Saint-Jean de Perpignan dont le fameux « anneau », récemment démoli ; l’ancienne école primaire supérieure, aujourd’hui collège Jean-Moulin (avec un remarquable portail d’entrée sculpté œuvre de Gustave Violet, un des grands artistes (nord) catalans de la première moitié du XXe siècle) ; l’annexe de l’ancien collège de garçons devenue l’annexe de de l’ancienne école des Beaux-Arts ; la Bourse du Travail. Il travailla comme architecte libéral pour des particuliers : des maisons à Perpignan et surtout, l’Hôtel du Belvédère du Rayon Vert, mondialement connu, à Cerbère. Il a tâté à divers styles, de l’éclectisme à tendance historiciste, jusqu’au modernisme, devenant un des pionniers dans l’utilisation du béton pour des édifices destinés à abriter des activités humaines. La Bourse du Travail est une réussite en ce sens que, de style d’inspiration classique, elle a une allure monumentale tout en étant implantée en un lieu exigu. Ce qui montre le talent de l’architecte qui a su s’adapter à des contraintes spatiales sévères. On considère que Baille a été un architecte de très grand talent.

Au-delà des murs, des formes de la bâtisse, peux-tu évoquer son intérêt patrimonial ?

Il est aussi de premier ordre. Il est lié à toute l’histoire du mouvement ouvrier et social à Perpignan depuis la fin du XIXe et jusqu’au début du XXIe. Il faut préserver cette mémoire en l’affichant dans le cœur de la cité. D’ailleurs, le bâtiment a été construit pour ça . Accessoirement : pour donner un temple à la communauté réformée de Perpignan (nous sommes avant la loi de Séparation de 1905) : il est donc aussi lié à la mémoire du protestantisme à Perpignan. C’est le plus vieux bâtiment de l’Église réformée de France dans la ville.

Qu’ont représenté les Bourses du Travail ?

Pour la France, elles représentent un moment capital dans la construction du mouvement ouvrier qui renaît de ses cendres après la Commune. Les Bourses naissent sous l’impulsion de Fernand Pelloutier (1867-1901). Il est devenu le secrétaire de la fédération des Bourses du Travail (1895), préalable à la constitution de la CGT la même année. Les Bourses permettent : le placement des travailleurs ; l’organisation des syndicats (sièges d’UD et d’UL) ; elles sont aussi des lieux d’éducation ouvrière (réunions, bibliothèques ; mise en place des Assurances sociales en 1930 avec la fondation par les syndicats de la caisse Le Travail). À Perpignan : siège des syndicats de la CGT et de la CFTC (après 1919, pour cette dernière ; localement très minoritaire). Dans l’entre deux guerres, (1922-1935), la CGTU s’y est implantée. Avec la scission de 1948, FO et la FEN en sont parties ; En 1964, la déconfessionnalisation de la CFTC entraîna la création de la CFDT et le départ des lieux de la CFTC maintenue. De 1940 à 1944 : siège des syndicats vichystes  dirigés par d’anciens de la CGT (tendance « confédérée) dissoute.

Sont passés par la Place Rigaud tous les mouvements sociaux, peux-tu rafraichir notre mémoire ?

Toutes les grandes grèves et mouvements sociaux d’importance locale, régionale ou générale depuis le début du XXe siècle.

1904 ; grande drève des Agricoles ; 1920 , grève des cheminots ; 1934, : antifascisme et grève du 12hec) ; février : grèves de juin 1936 ; grève générale du 30 novembre 1938 (échec) ; soutien à l’Espagne 1936-1939, organisation de l’accueil des enfants espagnols ; grèves de 1947 ; de 1953 (cheminots, et , localement des Agricoles) ; mineurs en 1962-63 ; mai 1968 ; accueil de travailleurs immigrés dans les années 1970 ; mouvement social de décembre 1995 , etc ...



Ton sentiment sur le projet en cours ?



Il faut lutter pour conserver en l’état ce bâtiment qui présente un intérêt architectural remarquable. Il faut lui conserver son affectation première ; et faire en sorte que dans ce quartier central ne disparaisse pas le souvenir de la mémoire du mouvement syndical et des luttes sociales. Ce dernier enjeu est capital.

Propos d’André Balent, recueillis par JMP

lundi 18 décembre 2017

Millas


Le Collège de Millas en deuil

Est-il possible de tirer les leçons de ce deuil ?

J’ai un sentiment étrange devant les catastrophes accidentelles qui nous tombent  dessus, au moment où nous ne nous y attendons pas : nous avons combattu la maladie, nous la combattons vigoureusement, nous avons souffert atrocement des guerres et nous les avons quasiment expulsées de nos territoires les plus proches, face aux accidents  de la route, des transports, qui régulièrement détruisent des familles, nous sommes comme face à une fatalité inexorable. Nous combattons avec des moyens dérisoires un mal ô combien mortel. Et nous nous exposons à voir les tragédies se perpétuer.

Parce qu’au Collège de Millas, à Saint Feliu d’Avail, chez les collégiens, chez les professeurs, chez les personnels, chez les parents, dans la population il n’y a pas d’autres mots pour dire l’indicible, d’autant plus douloureux qu’il touche des enfants dans un temps qui aurait dû être leur fête. Toute l’équipe du TC dit par ailleurs sa peine, sa compassion, sa solidarité.

Comprendre

Il ne nous appartient pas de préciser les responsabilités. Mais nous avons besoin de comprendre l’enchaînement des événements jusqu’au choc brutal au passage à niveau entre le bus scolaire qui ramenait chez eux les jeunes élèves et le TER. La sortie du collège, la montée dans les bus, l’effervescence d’une fin d’après-midi, la noria des autocars, le choc inouï  avec le train, l’horreur à l’intérieur, la vision d’un cataclysme pour tous les autres et tout le cortège de souffrances, d’angoisse, d’empreintes indélébiles dans les têtes et dans les cœurs. L’enquête dira ce qu’il en est. Les barrières ouvertes ? Fermées ? La défaillance humaine ? Celle du matériel ? Ces interrogations sont légitimes, mais nécessitent du temps.

L’intervention des services de secours, la mobilisation des pouvoirs publics, la capacité des services hospitaliers, la générosité des populations ont été à la hauteur des événements. Je voudrais retenir les propos du ministre de l’éducation qui a mis l’accent sur la nécessité d’inscrire dans la durée cette action des pouvoirs publics, les traumatismes de la catastrophe resteront très longtemps douloureux.

Les éviter

Notre capacité à affronter les catastrophes, l’expérience que nous en avons devraient légitimement nous conduire à faire plus pour les éviter. Certes on vous dira à satiété que le risque zéro n’existe pas.  Mais pourquoi  après un accident similaire  il y a quelques années sur un passage à  niveau est-on confronté à nouveau à un tel choc ? Les coups portés  au service public, la réduction du nombre d’agents, la vétusté du réseau, la prolifération du transport par bus, l’entretien des routes, la sécurité très médiocre de tous les passages à niveau devraient nous préoccuper  bien au-delà de ces temps d’émotion.

Ecoutons les conseils d’un cheminot CGT : « La CGT considère que chaque passage à niveau constitue un danger et qu’il faut soit les supprimer soit les sécuriser » (Sébastien Mourgues, la Marseillaise du 16 décembre).

La sécurité a un prix. Il est essentiel que les jeunes victimes de Saint-Feliu nous réapprennent ce que nous semblons trop souvent oublier, qu’il s’agit du prix de la vie !

Jean-Marie Philibert 

samedi 16 décembre 2017

les souchiens et les non-souchiens


Les souschiens et les non-souchiens

Il a encore frappé… Ne croyez pas que ce soit pour éclairer les esprits ou exprimer un tout petit peu de sollicitude pour une frange de la population en souffrance. Il n’est pas là pour ça. Il est là pour nous montrer que du haut de sa suffisance pontifiante, il y a ceux qui comprennent le monde, ses arcanes, sa complexité et tous les autres … couillons, dont nous sommes, qui ont quand même la chance de l’écouter, lui, à qui tous les micros sont ouverts et qui peut y dire n’importe quoi.

Lui, vous avez compris, c’est Alain Finkielkraut,  « grand » philosophe devant l’éternel, et qui bien sûr, devant donner son avis sur tout, s’est répandu en disant à propos de l’hommage populaire à Johnny que les « non-souchiens » y étaient absents, et que ce fut essentiellement le rassemblement du « petit peuple blanc ». Il ne s’agit pas de revenir sur un cérémonial dont chacun est libre de penser ce qu’il veut, mais qui, souvent comme tout cérémonial, a du sens. Et bien sûr tout à ses fantasmes, Finkielkraut lui donne un sens raciste. Il aime tant fricoter avec la droite et la droite extrême. C’est ce racisme que je veux interroger parce qu’il gangrène notre société, la conduit dans l’impasse, rend impossible toute possibilité de transformations sociales. C’est sans doute pour cela que les réactionnaires de tous poils s’y précipitent.

 La souche est un absolu

Le racisme se nourrit à deux mamelles, l’absolu de la souche et la phobie de l’altérité. Pas d’avenir si vous n’êtes pas souchiens, si vous n’avez pas vos racines plongées dans la terre de vos ancêtres, qui eux-mêmes en sont nés, progressivement purifiés par une atmosphère à nulle autre pareille, puisque c’est la vôtre, qu’elle vous est inaliénable, qu’elle vous résume, vous et les vôtres, qui vous rapprochent de ceux qui se sont enracinés tout près de vous. Si de plus la souche est de couleur blanche, s’imagine bénie des dieux, et héritière d’une histoire pluriséculaire, vous êtes au top, vous pouvez mépriser le monde et  ses bariolages dont il faut vous protéger, parce que là est le mal.

L’altérité, c’est le mal

Le mal, c’est l’altérité, celui-celle qui n’est pas comme nous, dont la souche est ailleurs, dans un monde hostile et inconnu où la civilisation ne peut être que primitive, l’éducation, inexistante, les mœurs, sulfureuses. Certes ils peuvent être vaillants et utiles, ils se débrouillent très bien avec les marteaux piqueurs, ils ne rechignent jamais devant les tâches ingrates. Mais fondamentalement ils ne sont pas comme nous. Aller les voir chez eux, de loin, en faisant du tourisme, pourquoi pas ? Mais vivre à côté d’eux ici, envoyer nos enfants à l’école que fréquentent leurs enfants, non, ce n’est pas possible ! Nos souches sont incompatibles et le resteront.

La vérité botanique

C’est sans doute, ce que pense l’académicien. Et oui ! Il va faire la sieste aux séances de l’académie française : ça ne l’empêche pas de dire des bêtises. La preuve par la botanique !

Il s’avère que grâce aux mystères de la botanique, les racines n’obéissent pas à un déterminisme absolu et que toutes les souches ne soient pas conçues avec les lourdes bornes que Finkielkraut juge indépassables. Les graines poussent un peu où elles veulent et comme elles le veulent. L’univers plombé de celui que Bourdieu qualifiait de « sous-philosophe » n’est qu’une construction mentale d’un autre âge qui a peur que les femmes, les hommes se rassemblent avec leurs différences et avec toutes leurs couleurs pour construire un monde neuf.

La vie, comme le monde et ceux qui le peuplent,  ne peut être qu’arc-en-ciel. N’en déplaise à Finkielkraut.

Jean-Marie Philibert

lundi 11 décembre 2017

un peu beaucoup


Un peu…beaucoup…

En cette froide journée de décembre où le sentiment diffus d’avoir perdu un être cher s’est emparé de nombreux français de tout âge les Champs Elysées connaissent ce dont Mélenchon a rêvé, un méga rassemblement pétaradant populaire et surprenant pour accompagner un disparu, mais ce n’est pas le code du travail, c’est pour être jusqu’au bout du bout avec Johnny dans une sorte de catharsis pour se préparer à se séparer de ce que l’on a aimé et pouvoir faire en sorte que la vie continue sans lui, qui nous accompagne depuis des décennies.

Il a animé nos vies

Je me suis interrogé sur la manière d’aborder l’événement. Ce que j’en pense importe peu et risquerait d’être à contre-courant. Mes compétences dans le domaine musical étant réduites à zéro, il était exclu que je puisse dire quoi que ce soit d’intéressant sur l’apport du chanteur, si ce n’est répéter ce que d’autres ont dit. Certes il a animé nos surprises parties comme on disait alors : il a posé les fondements d’une vie rock-and-roll, il a joué à l’Elvis Presley hexagonal, il a été une bête de scène, et très vite il est apparu comme le dessus de panier des chanteurs de son acabit. Et puis il a tant duré qu’il est passé avec allégresse d’une génération à un autre, il était l’idole des parents, il est devenu celui des enfants, aujourd’hui celui des grands parents… jusqu’aux obsèques quasi nationales.

Une soif de nouveauté

Cette relation avec un public, et au-delà avec un peuple est surprenante, rare. Je pense qu’il est le produit d’une époque, d’un temps qu’on a appelé les trente glorieuses, issu d’une guerre qui fut une ignominie pendant laquelle la vie, plutôt mal que bien, a continué. L’enfance pour ceux qui ont été comme lui les précurseurs des baby-boomers dans les années cinquante fut une période d’autant plus difficile que les modèles anciens restaient très prégnants de conformisme et que dans le même temps la soif de nouveauté, de modernité, d’ouverture, de liberté frappait à la porte.

Il va dans ces premiers succès montrer la voie à suivre pour l’étancher, timidement d’abord, puis la vague rock and roll aidant, il bousculera les bornes jusqu’à se rouler par terre sur scène, et autres joyeusetés du même tonneau. Vous n’y pensez pas ! Il a osé !

Complicité

Et il va continuer à oser, à s’embarquer sur toutes les nouveautés que les temps d’alors vont proposer à une jeunesse exubérante que le gaullisme vieillissant ne parviendra pas à étouffer. Il restera dans le spectaculaire, le médiatique, le people, le showbiz… nourrira les modes, les exprimera avec flamboyance et un goût pas toujours très sûr. Mais qu’importe ! Il vit intensément, s’enrichit, parle de lui, de nous, nous accompagne, nous entraîne. Il a les mots simples et pas toujours justes pour dire les choses. Comme nous ! On s’en amuse … Une complicité est née qui ne cessera.

Une constante, qui a sans doute du sens : la distance prise avec le politique qui dérange, comme si la vraie vie n’était que spectacle, que rassemblement festif,  que rencontre par-delà les différences, les âges, les générations, les clivages sociaux. Et ça marche !

Le destin

D’autant mieux que la revanche à prendre sur un destin contraire reste une marque de fabrique qu’il assume : il permet à la plus grande partie de son public de sublimer ainsi la médiocrité d’un destin pas toujours folichon, et de partager, fût-ce symboliquement,  une part de ses débordements, débordements d’amour et de vie.

Ce qui s’est exprimé dans les rues de Paris ce samedi tient de cette rencontre intime entre le destin singulier et extraordinaire d’un chanteur hors norme (pour lequel chacun peut garder l’appréciation qu’il souhaite) et des milliers et des milliers de gens qui se sont reconnus, qui se sont projetés, qui se sont identifiés avec une icône dont ils avaient le sentiment qu’elle leur ressemblait un peu… beaucoup… passionnément…

Jean-Marie Philibert.


samedi 2 décembre 2017

La Villa


La calanque, la villa, le monde, la vie.

Voguer au gré de ses humeurs… un plaisir… et quand ces humeurs sont destinées aux lecteurs du TC, c’est un plaisir partagé, même si la palette des sentiments qui les animent n’a pas toujours des couleurs euphoriques. L’époque n’est pas à se taper sur le ventre ; elle exige lucidité et exigence pour ne pas verser dans un nihilisme qui enchanterait les adeptes de la désespérance. Elle impose d’être aux aguets, de garder la dialectique en bandoulière, de capter toutes les bouffées d’oxygène qui sont les signes d’une vie qui continue.

De l’oxygène

Il ne viendra pas nécessairement que de la vraie vie, comme on dit, mais aussi des salles obscures où des cinéastes, des acteurs-et-trices (c’est mon écriture inclusive) répondent à notre besoin d’écouter des histoires. Le dernier film de Robert Guediguian, La Villa, est une mine d’oxygène : il est depuis la semaine dernière sur les écrans. Il serait dommage de ne pas s’en servir pour prendre une dose d’optimisme, même si apparemment le sujet pourrait donner le sentiment de ne pas tout à fait s’y prêter.

En effet : sur la terrasse d’une maison dominant la calanque de Méjean à Marseille un vieil homme contemple la mer. La main tremble. Il s’effondre, terrassé par une attaque. L’histoire commence : ses enfants se retrouvent, après de longues années de séparation, à son chevet. Angèle (Ariane Ascaride) a peur de retrouver vingt ans après le lieu d’un drame familial qu’elle a voulu gommer. Joseph (Jean-Pierre Daroussin), « jeune » retraité sans illusion et, bien sombre malgré la jeunesse de sa  compagne, semble accepter un avenir plombé, seul Armand (Gérard Meylan) resté dans la calanque où il tient le restaurant populaire ouvert par son père semble faire face… porté peut-être par la magie d’un lieu à perpétuer envers et contre tout. Tout est dit en quelques images.

Une tragédie finie

La tragédie n’a pas à commencer, elle est déjà écrite. La  mort a emporté accidentellement la fillette d’Angèle, dont les souvenirs peuplent la villa,  vingt ans plus tôt. Elle va emporter aussi le couple de vieux amis, voisins de la villa, qui, devant la vie qui fuit, préfèrent la mort ensemble et choisie à la sollicitude d’un fils aimant. La présence récurrente de forces de police à la recherche de réfugiés introuvables est comme le signe que quelque chose d’autre peut arriver, mais qui n’arrive pas.

La sympathique passion dévorante d’un jeune marin pécheur, amoureux depuis l’enfance d’une Angèle actrice admirée qui lui a fait découvrir le théâtre permet à l’amour de faire de la résistance.

Ils sont au bord de l’abîme, mais ne font pas le pas de trop. Ils revivent l’exubérance de leur jeunesse dans la citation d’une œuvre précédente de Guediguian, images séduisantes d’une joie définitivement enfuie. Ils restent tous droits, dignes, humains. Ils font face !

Et pourtant

Et pourtant de trois jeunes enfants (une fille et deux garçons là aussi), réfugiés venus d’ailleurs, découverts par hasard cachés dans les rochers de la calanque va venir le signe inespéré. Je ne veux pas vous en dire plus. La scène finale résume tout le propos et la beauté  du film. Cette fin est un début ! La calanque peut aussi donner la vie, dans l’ouverture aux autres, dans la solidarité. Ils sont l’image d’un monde qui n’a pas fini de nous étonner par sa capacité à se régénérer au moment où on s’y attend le moins. Le cinéma peut nous donner des leçons de vie qui font du bien.

Jean-Marie Philibert.

lundi 27 novembre 2017

inclusive or not


POUR L’AMOUR DE LA LANGUE

L’amour de la langue… C’est de cet inconnu que je souhaite parler ! L’amour de la langue parce qu’il nous constitue, parce qu’il nous nourrit, parce qu’il nous a construits, parce qu’il nous forge, parce qu’il nous ouvre aux autres… aux autres langues aussi, parce qu’il est rencontre, ouverture, enrichissement, cultures (au pluriel bien sûr !)…

UN CHEMIN « BONHOMME »...

Eh bien, l’amour de la langue, c’est un peu comme l’amour des enfants : on les aime, on les adore, on veut en faire ceci ou cela, on les imagine à l’image de ce que l’on aurait aimé être, on les forge (on essaie) et il arrive qu’on se rate. L’enfant sera ce qu’il a choisi d’être, nourri de votre amour, de votre histoire commune, il construira sa propre histoire pour exister. La langue, depuis de longues générations, nous la construisons, nous la faisons croître et proliférer pour dire le monde, la vie, nos vies, nos humanités. Comme pour nos enfants, nous dépensons beaucoup d’énergie pour elle, et elle nous le rend bien en accompagnant nos moments de joie ou de détresse, nos moments de partage, comme de solitude. Mais elle nous donne parfois le sentiment de ne pas être à la hauteur de toutes nos attentes, d’échapper à nos désirs pour mener son « bonhomme » de chemin.

Un chemin si « bonhomme » qu’elle a développé en son sein des usages au sexisme avéré et qu’elle a ainsi participé de la domination de la moitié masculine de l’humanité sur l’autre moitié féminine. D’où les préconisations du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dès 2015, de promouvoir une écriture inclusive qui a pour finalité de fonder une communication publique sans stéréotype de sexe.

INCLUSIVE OR NOT

L’écriture inclusive se définit par « l’ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes ». D’où l’obligation d’accorder les fonctions, métiers, titres… en fonction du genre : l’auteur femme sera auteure, ou auteuse ou autrice. Il faudra utiliser à la fois le masculin et le féminin quand on parle d’un groupe indifférencié, par exemple les agriculteur-trice(s). Le masculin ne l’emportant plus sur le féminin !

On accordera donc au plus près : les garçons et les filles sont contentes. Et dernière horreur à proscrire à tout jamais : ne jamais mettre une majuscule à Homme pour désigner  des hommes et des femmes qui composent ensemble, qui régénèrent ensemble l’humanité.

La légitimité des propositions faites est incontestable : la langue est imprégnée d’une idéologie anti féministe. Et les combats des femmes, mais aussi des hommes pour plus de justice, pour plus d’égalité, pour plus de liberté ont eu des effets limités. Les tentatives des forces réactionnaires pour empêcher tout progrès  ont très souvent  cherché à perturber les valeurs, les représentations et les mots qui vont avec ; écoutez ce qu’ils ont fait des mots  démocratie, ou socialisme.

UNE BRÈCHE ?

Faut-il donc se précipiter dans la brèche grammaticale ouverte pour, dans ces temps où le harcèlement des femmes devient une réalité insupportable, en finir au moins avec les injustices de la langue ? Ma réponse est que la vérité n’est pas plus du côté  des vieilles barbes de l'Académie française que de celui des passionné(e)s de l’inclusive. L’économie de la langue repose sur un usage dont tous les mécanismes nous échappent un peu, mais qui la régule sur des pratiques qui parviennent souvent à combiner efficacité linguistique, pertinence sociale et invention. L’usage a su souvent prendre le contre-pied des  blocages, des malhonnêtetés, des turpitudes.

UN PIÈGE ?

Confondre les mots, les phrases et les choses qu’ils-elles représentent est un piège dans lequel les réformateurs de pacotille veulent nous prendre pour nous convaincre que les mots suffisent à changer la vie. Les terrains sociaux, linguistiques, philosophiques sont imbriqués d’une telle façon que seule une approche globale est efficace pour faire bouger les lignes d’une vie à écrire où une moitié des êtres humains n’aura plus à craindre pour elle-même. Je serai enclin à nous inciter tous ensemble à détruire les murs qui gâchent-cachent notre avenir commun. Pour cela nous avons besoin d’une langue certes complexe, mais riche de toutes ses strates et de  toutes ses potentialités. Evitons d’en faire un simple artifice ; la confusion, genre-sexe pourrait y conduire. Préservons-la. Elle est précieuse. Elle est comme nos enfants : faisons tout pour elle, mais laissons-lui sa liberté, elle est notre avenir ! L’amour de la langue... toujours.

Jean-Marie Philibert

lundi 20 novembre 2017

charlie-mediapart


Tariq, Edwy, Charlie, Manuel… et tous les autres

Blague à part ? Rire de tout ? Et aussi en pleurer, comme un certain mois de janvier, à la mort d’une escouade d’humoristes chevronnés. Nous fûmes Charlie. Depuis les fanatiques islamistes ont élargi leurs capacités destructrices, semant le deuil, la désolation, ici, ailleurs, en aveugle. Et quelques temps plus tard tout nous revient à la figure, à l’occasion des révélations d’une victime de harcèlement sexuel par un islamiste « moins poussièreux ( ?) » que les autres, des polémiques qui s’ensuivent, de la réactivation des différentes approches, de la volonté des Charlie d’enfoncer le clou… Notre besoin de comprendre un peu quelque chose dans une polémique compliquée et de tenter d’en appréhender les fondements idéologiques est intact. Essayons…

Rappel des moments importants

Tariq Ramadan, intellectuel musulman de haut vol ( ?), coqueluche des médias est accusé par une de ses victimes  d’une tentative de viol, à partir de là une campagne prend son essor sur le thème Tariq est un drôle de ouistiti à la libido galopante. Elles seraient nombreuses à en avoir subi l’expérience… malheureuse, avant-après des conférences, dans des chambres d’hôtel où elles auraient été invitées à poursuivre des entretiens… philosophiques. Il n’en faut pas plus à l’équipe de Charlie pour prendre part avec l’irrévérence que nous apprécions à la polémique et proposer une Une caricaturant Tariq Ramadan aux prises avec une érection phénoménale, digne d’un super Priape et se proclamant le 6ème pilier de l’islam. Et d’un !

Et de deux, et de trois

Et puis très vite, et de deux, Edwy Plenel, déclare au cours d'un entretien télévisé quelque chose comme « La une de Charlie Hebdo fait partie d’une campagne générale de guerre aux musulmans. »  On sait que le directeur de Médiapart a toujours souligné son souci de ne pas confondre islam et islamisme radical et il a pu (justement ? injustement ?) apparaître comme ouvert à l’approche philosophique de Tariq Ramadan. Du coup, et de trois, le voilà la semaine suivante en une de Charlie, sous un titre bien sûr ironique (et injuste???)   AFFAIRE RAMADAN, MEDIAPART REVELE : ON NE SAVAIT PAS, un portrait de Plenel que ses moustaches touffues rendent à la fois sourd, muet et aveugle. La  polémique est (re)lancée entre les chantres de l’islamophobie pure et dure (dont Manuel Valls qui trouve là une occasion d’exister) et les partisans d’une approche plus mesurée et circonspecte. Le tout sur fond de débat laïque jamais fini.

A cette occasion on mesure à nouveau la difficulté  à comprendre les questions posées par l’islam : elle conduit à confondre islam et islamisme, à opposer tolérance et laïcité, à, au nom de la lutte légitime contre l'islamophobie, se laisser aller à une certaine complaisance pour une religion qui revendique haut et fort la suprématie de la loi de Dieu face à la loi des hommes (là où les autres religions ont mis une sourdine). Dans sa forme extrémiste, elle ne rechigne pas devant l’antisémitisme, elle n’aime pas beaucoup la liberté des hommes, pas du tout celle des femmes, et encore moins l’égalité. La porte est ouverte à la caricature que réactivent tous les incidents. Et comme le terreau social, et ses difficultés, le permettent, l’exclusion et le communautarisme font le lit de tous les aveuglements. Ils peuvent être porteurs de dérives tragiques, l’histoire malheureusement nous l’apprend. « Tous les autres » de mon titre trinquent.

Le peuple et la laïcité

Seule une approche critique est possible et nécessaire, c’est la compréhension du monde contemporain qui se joue là et la construction de la citoyenneté qui va avec. Nous devons nous défier des discours de l’outrance, dans la prise en compte des populations concernées pour ce qu’elles sont : le socle commun ne peut être que celui d’une laïcité rigoureuse qui laisse dans la sphère de l’intime les convictions religieuses pour  se concentrer sur le vivre ici et maintenant dans la solidarité, dans l’action collective pour maîtriser un avenir… qu’il faut sortir des obscurités des fanatismes. Il n’y a pas de laïcité dure ou molle : il n’y a qu’une laïcité large et offensive, portée par le peuple, qui peut et doit nous rassembler en laissant le surnaturel au ciel et la terre à ceux qui y vivent, qui tentent de le faire en construisant, souvent à main nue, la paix, la solidarité, la justice face à des « mamamouchis » qui ne font pas rire du tout.

Jean-Marie Philibert.

mardi 14 novembre 2017

paradise


En parler…pour continuer à ne rien faire

Le sens d’une campagne médiatique

Dans la presse on appelle ça les marronniers : des informations qui reviennent comme le signe du temps qui passe et qui repasse. Est-ce un signe de notre temps, un peu dépassé, que depuis plusieurs années les marronniers traitent d’un sujet peu spectaculaire, d’habitude réservé à une presse spécialisée, rarement abordé auprès du grand public : la fraude fiscale, l’évasion fiscale ? A quelles fins ?

Quand les frères Bosquet, parlementaires communistes dénoncent la fraude fiscale, en évalue le coût pour le pays, c’est quasiment silence radio. Par contre quand la presse internationale parle des Paradise Papers, ça fait le bug. Tous les organes de presse en font les gros titres, font état des mystérieuses fuites qui ont permis de tout savoir des turpitudes des puissants de ce monde  qui se goinfrent quotidiennement sur le dos des naïfs clients que nous sommes. Ils estiment ne pas se goinfrer assez, ils tournent, détournent, contournent, donc les lois et les frontières pour ne pas verser à la collectivité qui fait leurs richesses les sommes dues. Ils nous volent…  en toute légalité : c’est leur argument massue.

Je pense que de telles campagnes qui prétendent moraliser un système économique et financier obsolète et injuste visent à lui restituer une petite partie de la crédibilité perdue. Faire en sorte que les valeurs au cœur du contrat démocratique, l’égalité devant la loi et l’égalité devant l’impôt gardent un semblant d’efficacité. Le système, en dépit de ses tares peut donc perdurer ! Ce n’est pas pour rien que ces  révélations trouvent tous les relais médiatiques qu’il faut pour nous convaincre que l’ordre peut-doit régner, que les méchants rapaces sont débusqués, même si l’on ne peut rien faire pour leur imposer de payer leurs impôts. On en reparlera avec les prochains marronniers !

Enfin ultime question naïve : quelles mains tiennent ces relais ? Si ce n’est celles qui s’engraissent directement, c’est au moins celles de leur cousins-copains-coquins.

JMP

lundi 13 novembre 2017

théâtre et amphi-théâtre


Pujolino et Lorentino

La ville de Perpignan bruisse à intervalles réguliers de propos peu encourageants quant à sa vitalité, son animation, son dynamisme. Face à face des élus (de droite) pétris d’autosatisfaction, qui sont aux commandes depuis tellement de lustres que cela ressemble à une dynastie, de père en fils, puis en héritiers désignés, (les mêmes à quelques variantes et quelques transfuges près), en face une population, partagée entre clientélisme, galère, abnégation et rouspétance, mais où la fibre politique et critique reste faiblarde. Les initiatives syndicales, sociales, culturelles y sont en général bien entendues, mais l’incapacité à intervenir politiquement sur les problèmes de la ville me semble, et je le déplore, notoire !

Ils agissent : aïe-aïe-aïe

Les municipalités, quasi identiques et successives, ont toujours été assez malines pour prendre les trains de la critique en marche et laisser croire qu’elles savaient écouter les concitoyens, les électeurs et les clients : il en va ainsi des récriminations devant la désolation qui depuis plusieurs années s’est emparée du centre ancien. Ils sont désolés. Ils ne sont pas responsables. Mais ils vont agir ! Ils agissent déjà… La preuve : le stationnement payant privatisé dont les tarifs flambent.

Le seul problème avec eux, c’est que plus ils agissent, moins ça se voit, à l’image du quartier de la Gare, quartier vivant et animé, facteur de mixité sociale et de commerces variés et bien tenus, devenu sinistre, désert, aux rideaux tirés. La vieille ville, Saint Jacques, Saint Mathieu, La Réal, Saint Jean, c’est du plombé dans la désespérance ! Même la Loge, la Place de la République : aux premières heures d’obscurité : courage fuyons !

Le pittoresque perpignanais

Je ne dénigrerai pas tout ce qui a été fait : l’Archipel est une réalisation et une institution intéressantes (mais à quel prix pour nos finances publiques), le nouveau musée n’est pas mal non plus… Mais quelques satisfactions ne font pas oublier des tonnes de déceptions, des réalisations plus que contestables, des parkings souterrains définitivement inondés, une dalle Arago insipide, des destructions à tout-va au mépris des règles, des jardins publics entretenus… quand on y pense, une gare-centre du monde en capilotade, une voirie pleine de trous et de crottes. Enfin des ghettos qui perdurent où l’habitat insalubre abrite toutes les détresses humaines. Et maintenant, en prime,  le vide urbain ! Le pittoresque perpignanais !

Mais tout ça c’est du passé ! Promis ! Juré ! Une nouvelle tramontane va balayer les miasmes de nos désespoirs. Perpignan va revivre, son histoire va ressusciter, son avenir va éclater. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Que le spectacle commence !

Quel spectacle !

Sur la scène du théâtre (ou de l’amphi-théâtre), on ne sait plus très bien, deux duettistes, artistes italiens, Pujolino et Lorentino qui sont mondialement reconnus pour la maîtrise  du pipeau, pour l’autopromotion chronique, pour le baratin touzazimut, pour la prestidigitation, Ils sont à la fois complices et rivaux, ils adorent être aimés, courtisés et obéis. Ce sont des comédiens hors pair !

Oyez, bonnes gens,  la harangue de présentation de leur prochain spectacle (La ville est un théâtre, non un amphithéâtre) : « Perpignanaises et nais, Vous n’allez pas en croire vos yeux, grâce à notre géniale collaboration de maire et de président d’université, nous allons transformer, comme par magie, votre ville tristounette en cité de rêve super dynamique par l’implantation d’une jeunesse étudiante dorée, bien élevée, studieuse dans des locaux qui combineront le modernisme le plus extrême, les formes les plus surprenantes avec  les vestiges moyenâgeux les plus authentiques. Cette jeunesse-là, elle apportera le pognon, la beauté, la joie de vivre, la culture. Perpignan sera le nouveau Nice, le nouveau Cannes, le nouvel Avignon. Sur la scène du monde il faudra compter avec Perpignan-gnan-gnan. Parce que tout est théâtre ou amphithéâtre, nous serons tous sur scène, ensemble, pour le spectacle du siècle, l’apothéose de Lorentino et Pujolino ! »

Jean-Marie Philibert

mardi 7 novembre 2017

la bourse et la vie


La Bourse et la vie

Dans mon activité de professeur de lettres, je ne me suis jamais satisfait de faire partager à des générations d’adolescents le goût des belles formes, des récits riches et  profonds, des textes canoniques. Mon souci, mon ambition étaient aussi de leur montrer, dans les œuvres connues et parfois injustement méconnues, que la littérature n’avait de valeur que si elle était en mesure de confronter, emmêler, entrecroiser, amalgamer la fiction et le réel, de parler aux femmes et aux hommes de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent, ici, maintenant, ailleurs, depuis longtemps.  Là-dedans il y a bien sûr les rapports sociaux, bien souvent passés à la trappe.

La Bourse un symbole

Voulant leur rendre palpable, par exemple, les rapports de classe dépeints par Zola, je les invitais à traverser le quartier Saint-Jacques, puis à monter les escaliers de la Bourse du Travail, Place Rigaud, à descendre vers les demeures cossues du boulevard Wilson et à terminer le périple en franchissant les portes de la Chambre de Commerce, en foulant son sol de marbre et ses escaliers monumentaux. Deux mondes y coexistent : le luxe des patrons de la Chambre de Commerce et les réalités du monde ouvrier, dont la Bourse du travail fut, reste le symbole.

Ce long préambule n’avait d’autre but que de vous conduire à cet endroit : la Bourse du travail. Elle fait partie de ces lieux perpignanais dont la municipalité envisage la mutation, comme le Théâtre Municipal, pour accueillir les étudiants en droit, chargés de ranimer un centre-ville mort. Les étudiants en réanimateurs urbains : on verra si ça marche ? Ce n’est pas mon propos. Il ne m’appartient pas plus d’évoquer, la position (que je ne connais pas) de la CGT, dont la Bourse est le berceau emblématique, quant à ses éventuels transferts et relogement.

 De ce passé-là ne faisons pas table rase

Le syndicaliste que j’ai été et que je reste (il n’y a pas de retraite dans ce métier-là) trouve cependant dommageable que ce haut lieu de la mémoire ouvrière de la ville puisse disparaître sans laisser de traces autres que dans les souvenirs de ceux qui s’y sont rassemblés, qui y ont milité, qui y ont construit les luttes sociales qui ont forgé cette ville, les luttes du monde du travail, mais aussi les luttes des jeunes, les luttes des sans-papiers, des chômeurs, des femmes. La construction des Bourses du travail dans les villes a été un grand moment pour l’éveil et la reconnaissance d’une conscience ouvrière ; à Perpignan, la Bourse était au cœur de la ville, voisine des usines Job, des quartiers ouvriers, La Réal, Saint-Jacques. Les renvoyer dans la périphérie, comme cela se pratique dans beaucoup de villes, a malheureusement du sens.

Un lieu de mémoire et de vie

Pour conserver une part de la mémoire ouvrière dont la Bourse est riche, pour en préserver les traces, les documents, les signes et les symboles, notre ville s’honorerait de ne pas rayer d’un trait de plume ces éléments constitutifs de son passé. Perpignan est ville d’histoire, histoire ancienne et récente mêlées : la Bourse du Travail est un élément de cette histoire. Elle peut devenir la Bibliothèque universitaire dont les étudiants en droit ont besoin si les divers responsables (municipalité, université) le veulent, mais elle s’enrichirait de créer en son sein un fonds conséquent consacré à l’histoire du lieu, à sa fonction sociale, aux étapes de son développement, aux relations étroites établies avec toute la population de la ville, du département, mais aussi avec les camarades catalans, espagnols, algériens, marocains. Elle cumulerait ainsi sa fonction formatrice  (le droit social est une discipline essentielle), sa persistance historique à défendre et valoriser ceux qui, à mains nues, ont affronté le monde de l’argent pour y construire un peu de justice. Cela suppose d’adapter  intelligemment les lieux, d’en sauvegarder la façade, de prévoir une structure, une coopération entre université, municipalité, organisations ouvrières : c’est du domaine du possible.

Cela impose une volonté politique : j’ose penser qu’elle n’est pas impossible.

Jean-Marie Philibert.

lundi 6 novembre 2017

tartuffe à l'université


Tartuffe est à la tête de l’université

Parmi les « brillantes réussites » du mandat d’Hollande, on se doit de mentionner les procédures mises en place pour gérer l’arrivée dans les universités  des nouveaux bacheliers. Ces procédures appelées APB (pour admission post bacc) ont conduit à un fiasco à l’image d’autres aspects de la politique menée. Incapacité à trouver une affectation pour chaque étudiant, tirage au sort dans des disciplines pléthoriques, affectation en dehors des vœux des intéressés, et milliers d’étudiants sans faculté.

Fini le APB ?

Mais une élection présidentielle plus tard, plus de souci, Zorro-Macron est passé par là. Le premier ministre et le ministre de l’enseignement supérieur  ont concocté un plan aux petits ognons : le bachelier aura « le dernier mot » dans son choix d’orientation. Fini le APB ! Fini le APB ? Pas si sûr !

Dans les universités et les sections au nombre de places insuffisant, les universités fixeront des « attendus » (en clair les compétences nécessaires), et en fonction des dossiers des candidats diront : oui, oui si, remise à niveau indispensable, ou liste d’attente. Jamais non bien sûr. Mais dans le contexte de pénurie existant, avec des créations de places et de postes notoirement étriquées, ce n’est qu’un beau mensonge visant à perpétuer sous des formes nouvelles la sélection. Elle ne plombe pas seulement l’avenir des jeunes  qui avaient fait le choix de telle ou telle formation, elle plombe l’avenir d’un pays dont la matière grise est le moteur, elle fragilise des pans entiers de secteurs professionnels, observez les pénuries dans les professions médicales, par exemple. Elle rend de plus en plus difficile la démocratisation des enseignements supérieurs.

La demande sociale

Et cependant la demande sociale en la matière ne cesse de progresser : le nombre d’étudiants a été multiplié par huit en 50 ans, 2.61millions de jeunes cette année !

Et ce n’est pas le plan « étudiant » annoncé qui va améliorer les choses, sa caractéristique essentielle  est de mettre fin à la sécurité sociale étudiante pour la rapatrier sur le régime général (avec peut-être l’espoir caché d’en creuser un peu plus le trou et de justifier les restrictions futures ?)

Dans le même temps le gouvernement persiste et signe pour maintenir la sélection  partout où elle existe, dans les classes  préparatoires, dans les grandes écoles, dans les sections de BTS, dans les IUT, là où très souvent la démocratisation stagne.

L‘impression que laisse un projet gouvernemental très tartuffe : cachons cette sélection que nous ne voulons pas voir ! Mais laissons la perdurer

JMP






mardi 31 octobre 2017

Christine Boutin en majesté


Christine Boutin en majesté


Christine Boutin met un terme à sa carrière politique. Le conservatisme l’a bien conservée et lui a permis de durer longtemps aux avant-postes de la réaction. Par exemple, contre le Pacs où la Bible à la main elle avait engagé le combat à l’Assemblée nationale en 98. Le parti chrétien démocrate était son espace politique. En fait plus chrétien que démocrate : la preuve, son appel à voter Marine Le Pen en mai. Mais la cerise sur son gâteau de départ, c’est sa déclaration sur les femmes qui protestent contre le harcèlement sexuel. Écoutez :« Je ne pense pas que ce torrent de révélations soit nécessaire...un dégueulis  d’accusation...La grivoiserie fait partie de l’identité française. Et j’aime bien la grivoiserie » Bravo. Christine tu finis en beauté.

lundi 30 octobre 2017

L'histoire


L’histoire en train de se faire



Etre ou ne pas être dans le bain de l’histoire : il est des moments où le sentiment dominant est qu’il ne se passe rien, rien de notable, rien d’essentiel, le monde tourne cahin-caha, le temps s’égrène, sans aspérité, si ce n’est la monotonie de la quotidienneté. En clair, on s’emmerde un peu. Il nous faut les dérivatifs habituels : l’Usap, la pêche, les courses au supermarché, et la télé bien sûr. L’histoire est souvent aux abonnés absents. C’est un peu le temps hors du temps, mais si on y réfléchit bien, c’est bien souvent le temps le plus fréquent. Les événements du monde ne nous touchent que subrepticement, par ricochet, par écran interposé, C’est le repli sur l’intime, sur la proximité immédiate, sur l’égoïsme assumé.

Les fracas du monde

Et puis il peut arriver sans que l’on sache très bien pourquoi que les fracas du monde s’invitent dans votre quotidien, sollicitent votre attention, votre intérêt, votre désapprobation, votre révolte, votre adhésion. Quand vous en faites le bilan, vous vous rendez compte qu’ils sont rares, qu’ils sont divers, qu’ils ne sont pas nécessairement heureux, mais vous savez qu’à cette occasion vous vous êtes senti concerné parce que vous avez eu le sentiment d’être à côté-dans-avec l’histoire en train de se faire. Vous vous souvenez alors de votre pépé vous racontant sa guerre de 14, de l’histoire de votre mère, infirmière militaire en 39/40 et prise dans les affres de la débâcle avec une flopée de blessés et tentant d’échapper à l’avancée de l’armée allemande.

Et puis vous remontez le temps, vous êtes, vous, dans le film !

L’expérience de l’histoire

Vous vous rappelez qu’enfant ou adolescent, la fin de la guerre d’Algérie a amené à Perpignan un flot de troubles, parfois violents, qui touchaient votre quotidien, vous gardez le souvenir de cars de CRS quadrillant la ville. Parmi les milliers de rapatriés qui ont changé la ville au début des années 60 certains sont restés dans vos mémoires, et sont même restés vos copains. Vous avez vu la stature du Général de gaulle traversant la Place de la Loge au milieu d’une liesse que vous ne compreniez qu’à moitié. Vous gardez des images très inquiétantes de vos premiers passages de la frontière espagnole et des mines patibulaires de la guardia civil.  Il vous revient même en mémoire que le virus de la grève vous ayant déjà piqué, au moment de Charonne, vous avez, avec les petits camarades de votre classe  de première, fait grève sans trop savoir pourquoi : vous vous êtes pris une avoinée.

Agir … modestement

A l’âge adulte vous avez mieux pris conscience de ce qui se jouait dans ces moments d’histoire, en 68 avec une conscience diffuse, la suite est plus claire, plus engagée. Mitterrand, à Toulouse en 1974, l’espoir d’en finir avec le gaullisme, les grandes manifestations régionales unitaires (viticulteurs et salariés), la fièvre mitigée de la victoire de la gauche unie (?) en 81, des ministres communistes, des manifestations laïques pour nationaliser l’enseignement privé (un flop !), la lente érosion des espoirs et les inlassables batailles syndicales, avec des moments où on a le sentiment de toucher à l’essentiel, de titiller ce qui pourrait sembler une victoire. 89, pour les enseignants, la revalo, 94 la Loi Falloux renvoyée aux oubliettes par un million de manifestants. Un an plus tard,  Le plan Juppé, idem, à l’issue d’une grève dure qui dura. En 2000 les écoles révoltées contre un ministre frapadingue du nom d’Allègre, renvoyé au vestiaire ! Ce sont là des moments de mon histoire où le local s’élargit à une conscience collective d’un réel sur lequel on a comme l’impression d’agir…modestement certes, mais agir quand même, avec un cortège d’inquiétudes, de migraines, d’engueulades (non, de débats).

Il s’agit chaque fois de moments où le terrain social, politique (et personnel) vibre, s’échauffe, germe de nos espoirs, de nos ambitions, de nos craintes sans que sur le moment on comprenne l’exactitude de ce qui se passe.

Avec comme un pressentiment celui de construire du nouveau : nos camarades, nos amis, de l’autre côté des Pyrénées vivent sans aucun doute quelque chose qui ressemble à cela. Ils le vivent avec la rue pour paysage. Avec incertitude et enthousiasme. Avec inquiétude et espoir. Avec la soif du rassemblement et de la démocratie. Avec l’aspiration à écrire eux-mêmes leur histoire.

Jean-Marie Philibert

lundi 23 octobre 2017

le chef de la rue ?


Le chef de la rue ?

Etre le chef de la rue : un vieux rêve qui remonte à l’enfance. A une époque où la rue était le terrain de jeu favori, celui de la rencontre, des moments de détente, des loisirs, de la respiration sociale avant que les bagnoles ne les rendent invivables et que la petite lucarne renferme chacun chez soi pour offrir un spectacle du monde certes plus large, mais frelaté, La rue vivait.

Elle vit encore quand des milliers de manifestants l’envahissent pour crier leur révolte et leurs espoirs. Ce qui ne plait pas du tout aux puissants du jour qui se sentent obligés de rappeler vertement que la rue ne fait pas la loi ! Il n’empêche, je reste persuadé qu’elle y contribue. Et c’est, pour cette raison, qu’on voit y poindre le nez de tous ceux qui ont envie d’être le chef de la rue… Comme, quand enfant nous nous foutions quelques dérouillées pour être le chef de notre rue.

Occuper la rue

La compétition bat son plein, entre ceux qui, façon Macron, n’aiment la rue qu’à condition qu’elle serve leur culte, qui l’occupent avec leurs affidés, accompagnés de cars de CRS pour éloigner les gêneurs, ceux qui depuis qu’ils existent ont compris que la rue et les luttes qui s’y expriment  sont à la vie syndicale ce que le sang est à l’organisme, qu’il ne sort rien de très bon des salons où l’on ne fait que causer, et enfin tous ceux qui rêvent d’être chefs de quelque chose, qui sont à la recherche de troupes, qui ne connaissent la rue que depuis peu de temps, mais qui sont des spécialistes de la philosophie des YAKA-FOCON, genre MELUCHE PREMIER, qui ambitionne des Champs Elysées  envahis d’un million de manifestants pour renvoyer Macron et sa loi travail dans les cordes.

Pas à la hauteur

Pour lui, le mouvement social n’est pas à la hauteur de ses rêves les plus fous, les leaders syndicaux manquent de visions communes, nous allons perdre, lance-t-il à ceux qui continuent la lutte, à ceux qui ont rassemblé toutes les fédérations de la fonction publique le 10 Octobre, à ceux auxquels il reproche de n’être que des rouages d’un vieux monde…

Ces propos abrupts, très réducteurs, sont totalement incongrus pour ceux qui ont l’expérience, même modeste, de la rue. Ils sont plus révélateurs de l’hypertrophie du personnage que de sa connaissance du mouvement social. Ils offrent cependant l’occasion d’aborder une question complexe que soulèvent les luttes sociales : le rapport au politique.

A personne ? A tous ?

La rue n’est à personne, ou à tous, en particulier à ceux qui l’occupent, le plus souvent très pacifiquement, regroupés, revendiquant avec des messages clairs en direction des pouvoirs publics ou économiques. Elle est le peuple rassemblé qui peut ainsi dire sa colère, ses espoirs, son besoin d’en finir avec toutes les galères. Figurez-vous qu’elle est même inscrite dans la constitution ! Les régimes autoritaires n’ont eu de cesse de vouloir interdire ces rassemblements, bien sûr, séditieux : c’est dire qu’ils sont le signe, et même un peu plus, la réalité tangible de notre liberté. C’est un bien précieux dont les organisations syndicales ont raison d’user et d’abuser parce qu’ils sont porteurs de nos intérêts matériels et moraux, souvent mis à mal dans les politiques en œuvre. lls travaillent ainsi, et nous avec, au progrès social.
Il leur appartient d’en définir les visées, les formes, les alliances, démocratiquement, en toute indépendance, avec leurs mandants (le travailleur syndiqué) qui sont seuls juges.

Je sais très bien que le passé, mais aussi le présent, pourraient contredire ces propos, qu’ils sont nombreux à imaginer un syndicalisme aux ordres, que même le syndicalisme se plaint parfois de la distance qui le sépare du politique, que des tentations existent. Mais je crains que dans ces temps d’incertitude, de bouleversement du monde du travail, d’exclusion massive de pans entiers de la population, toute dérive des « organisations ouvrières », c’est un mot qu’il faudrait remettre à l’honneur, vers des intérêts qui ne seraient pas ouvriers soit mortifère pour le monde du travail.

N’en déplaise à ceux qui se voient un avenir de chefs de rue.

La rue, comme la terre,  doit être à ceux qui la « travaillent ». Il ne peut en sortir que des récoltes futures. Encore un coup de la lutte des classes. Relisez Germinal !

Jean-Marie Philibert.

mardi 17 octobre 2017

avec les peuples et nos cousins


 Avec les peuples et nos cousins

N’est-ce pas un peu imprudemment que je me suis engagé à parler de la Catalogne ? Certes ils en parlent tous, les grands esprits, les petits, les qui se moquent, les qui admirent, les qui donnent des leçons, les qui savent qu’il ne sortira rien de bon d’une situation compliquée et quelque peu inextricable. Je crains qu’il y ait plus d’attente que prévu ! Mais comme je n’ai aucune disposition à faire l’autruche, comme je sais  que tout engagement véritable impose de garder les yeux ouverts, comme je perçois dans l’affaire des valeurs en jeu de démocratie, de liberté, de justice, de solidarité qui ne cessent de me concerner (on ne se refait pas !), je prends la plume catalane pour dire ma pensée.

Un souvenir

Partons d’un souvenir : lors d’une manifestation parisienne organisée par un syndicat cher à mon cœur, la délégation des P.O était toute fière d’arborer une banderole sang et or et d’affirmer ainsi un peu de sa catalanité. Mal nous en a pris, il y avait les ignares qui nous prenaient pour des supporters de l’équipe de Lens, mais plus grave à de multiples reprises au cours de la manifestation nous  nous sommes faits copieusement engueuler  par des camarades qui n’admettaient pas l’expression d’une identité, on va dire « particulière »,  dans une manifestation « nationale ». C’était il y a quelques lustres… mais les incompréhensions demeurent.

Et à écouter les « éminents spécialistes » évoquer la question catalane dans cette dernière période, je me dis que leur capacité à analyser, comprendre et faire comprendre ce qui se passe en Catalogne, la(les) question(s) nationale(s), celles de l’identité, de la démocratie, de la liberté, est restée quasi nulle.

Etre ce que nous sommes

Question centrale : a-t-on le droit d’être ce que nous sommes ? Ailleurs, ici, à côté, tout près : le poids de l’histoire ! Du milieu ! De la géographie ! De la langue entendue, lue, enfouie ! Des ancêtres ! Des exils et des pérégrinations ! Des violences, des luttes, des bonheurs, des malheurs, des angoisses ; des espoirs, des rêves, des rencontres, des amours, de l’atmosphère, de la terre, de son odeur. De papa-maman…

Ma réponse est IN-DIS-CU-TA-BLE-MENT OUIIIIIIII ! Et l’expérience historique nous rappelle que les peuples, même dans les pires des souffrances, ne cessent d’agir pour être entendus. Souvent ils y parviennent. Reste à savoir ce qu’est un peuple, certainement plus qu’une identité. Reste à trouver la-les forme(s) apte(s) à permettre l’expression de cette identité. Et là du côté de Barcelone, il y a visiblement problème ; l’accent progressivement, mais très sûrement, et exclusivement, a été mis sur la seule notion d’indépendance. A en faire la seule issue possible à une crise qui n’est pas que nationale, on a pu laisser croire, et c’est souvent le cas en politique, que la magie des mots ouvrirait une voie royale à un avenir radieux en gommant la complexité sociale et économique.

Pour ne plus patauger dans la paella

Le jour où j’écris ce billet d’humeur pourrait être  une illustration parfaite du piège du mot indépendance, puisque c’est le jour de l’ultimatum fixé par Rajoy à Puigdemont pour savoir s’il a bien dit indépendance. S’il l’a dit AIE! AIE ! AIE !! S’il ne l’a pas dit, les indépendantistes catalans vont attraper la migraine. Nous allons patauger encore dans la paella !

Et tous ceux qui n’ont pas que le mot indépendance à la bouche ont du mal à se faire entendre : la seule issue possible impose de prendre en compte la globalité des réalités. Divisions sociales,  souffrances sociales, exploitation, aspiration au progrès,  répartition des richesses, avancées démocratiques à mettre en œuvre, république à véritablement et durablement fonder pour sortir définitivement du franquisme. Ne sont-ce pas là les fondements à mettre en commun, en Catalogne, comme ailleurs ? Une mise en commun populaire au sens très plein du terme et avec tous les pluriels nécessaires. Elle devrait se nourrir des mobilisations de masse à l’œuvre. Un (petit ? grand ?) coup de luttes des classes pour réveiller les peuples !

L’Europe qui s’est tant bien que mal, et plus mal que bien, construite a tourné le dos à ces exigences. Son incapacité à dire quoi ce soit sur la Catalogne en est un signe manifeste. A nous de lui rappeler qu’elle ne peut, ne doit se construire qu’avec les peuples.

Nous vivons une moment d’histoire partagée où grâce au courage, à la mobilisation de nos cousins du sud nous (re)découvrons le besoin des femmes et des hommes  de construire leur destin, certes avec difficulté,  avec le souci de la paix à construire, du dialogue à instaurer, j’ajouterai du pluralisme à renforcer. Merci cousins !

Jean-Marie Philibert.
avec les peuples

lundi 9 octobre 2017

la B et la M


Le B et la M



Vous avec tous fait l’expérience de ces jeunes enfants mal élevés et insupportables, adulés par des parents aveugles, qui ne se déterminent qu’au gré de leurs caprices : ils rejettent violemment tout ce qui sort de leur milieu étroit et hyper protégé où ils sont rois. Ils jettent une moue dégoutée en pointant un doigt rageur sur ce qui les dérange, sur ce qu’ils détestent. Ils tirent la langue avec ostentation et peuvent aller jusqu’à des paroles blessantes, voire injurieuses. En général avec l’âge ça a des chances de leur passer.

Chez Macron, ça dure

Une manif…une horreur

Quand Macron dit "Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d'aller regarder s'ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas, parce qu'il y en a qui ont les qualifications pour le faire et ce n'est pas loin de chez eux", à propos d’une manifestation d’ouvriers qui perturbent l’opération médiatique que son équipe a organisée, il est dans le même état d’esprit. Il manifeste la même hauteur de vue que le petit merdeux qui dichotomise tout, entre son monde  et le reste. Et le reste, c’est de LA.

Et pour lui l’ouvrier qui ose revendiquer ça en est. A la maternelle de l’ENA on lui a appris qu’il y a d’un côté les bisounours pleins de fric, d’arrogance et … de bonnes manières, genre Rothschild et de l’autre, les riens, les fainéants, les illettrés et les bordeliques, genre syndicalistes criards. Il se répand donc en apostrophant tout ce qui lui déplait, (essentiellement la classe ouvrière !) comme un jeune imbécile insupportable qui se prend pour le centre du monde et qui considère qu’en dehors de son auguste personne  et de ses affidés, tout le reste, c’est de LA.

Du côté du pognon

On va dire que je caricature, que je ne respecte pas le président, la fonction, le suffrage universel qui en a fait un grand homme, la Frrrrrance qu’il représente et tout le toutim. Je ne fais modestement que relever un réflexe pavlovien : Macron se met à dire toutes les énormités possibles dès qu’il voit, entend un travailleur indocile. Ce préjugé de classe est insupportable. Son caractère récurrent montre le mal profond d’une classe dirigeante qui ne voit l’humanité qu’à l’aune de son pognon. Il n’est pas totalement nouveau. Mais on ne s’y habituera jamais ! Rappelez-vous la racaille, les sans dents.

Et des coussins brodés d’or

 Il est amplifié par les largesses faites à profusion à tous ceux qui peu ou prou participent du monde de la finance. Le budget qui se prépare en est une magnifique illustration : un budget de riches pour les riches. Votre jet privé ne sera plus taxé, votre yacht non plus. Dormez tranquilles possédants du vieux monde ! Parce que Moi Macronus Imperator je saurai faire respecter un ordre intangible où chacun doit rester à sa place : ceux qui m’aiment, que j’aime, qui sentent le pèse à plein nez je les veux sur l’olympe où nous nous vautrerons sur des coussins brodés d’or et  remplis de dollars. Pour les autres, pour tous les autres, (le peuple quoi !) la docilité est de mise, leurs droits ont été-sont-seront réduits, leur pouvoir d’achat pressuré, leur travail menacé, leur protection sociale grignoté, leur démocratie rabougrie. Et ils devront impérativement se taire, accepter, se distraire de l’opulence des autres pour recevoir quelques miettes de redistribution.

Malheur à ceux qui auront la sinistre idée de protester, rouscailler, crier, manifester, et suprême horreur faire grève.  Macron se chargera de vous remettre  vertement à votre place, celle que vous n’avez pas à quitter, à refuser, à contester.

Et pourtant vous le faites, le refaites, ce destin de M, très peu pour vous.

Tiens Macron, ça commence aussi par un M… Un signe ?

Jean Marie Philibert

lundi 2 octobre 2017

la loi et la rue


« La démocratie n’est pas la rue ! » qu’il a dit…

« Chers spectateurs, amateurs de sensations fortes, bonsoir ! Vous allez assister à la rencontre de boxe féminine, que vous attendiez tous depuis des lustres et des lustres, depuis 1789, 1830, 1848, 1871, 1944, 1968, depuis plus récemment 1995… entre deux magnifiques combattantes que le temps n’émousse pas, deux femmes de caractères aux muscles d’acier, deux symboles inaltérables de notre vie politique qui se détestent copieusement. Elles n’appartiennent pas au même milieu, elles n’ont pas reçu la même éducation, pour l’une, même,  il n’y a pas eu d’éducation du tout. Et cela se voit !

L’une

L’une se croit sortie de la cuisse de Jupiter (c’est le cas de le dire) ; elle est au-dessus de tout, la référence ultime. Elle a horreur d’être contredite et si vous lui désobéissez, elle n’aura de cesse de chercher à vous faire punir dans des lieux sinistres par des gens tout habillés de noir qui manquent cruellement d’humour, de joie de vivre et d’humanité. Elle n’a que des copains de la haute, qui s’en croient parce qu’ils ont des sous, des costumes et de belles voitures. Elle méprise le populo et est sponsorisée par le CAC 40. Ce soir elle est managée par un nouvel entraîneur qui est plein d’ambition pour elle, mais surtout pour lui. Il serait dit-on originaire d’Ecosse, un dénommé Mac Rond (il en est plein). La boxe mène à tout…

L’autre

L’autre est née au Vernet, à Perpignan ! Une belle école de la vie qui vous dispense de fréquenter l’autre école, y préférant les grandes escapades dans les quartiers de la ville où se battre avec les garçons était son sport favori. Elle ne connaît pas les bonnes manières. Elle est brute de décoffrage et n’aime pas qu’on lui résiste. Elle a une beauté sauvage qui attire tous les regards. Elle aime qu’on l’aime et ils sont très nombreux à l’aimer beaucoup-beaucoup, même si on ne parvient jamais à savoir combien. La police qui la surveille toujours se trompe toujours sur le nombre de ses amoureux. Ce soir elle est drivée par une vieille gloire qui tente un come-back : il est plein d’ambition pour elle et aussi pour lui. Vous avez reconnu la coqueluche des media (pourquoi tu tousses ?) le célèbre Jean-Luc Mélenchon (qui a surtout horreur de se mélancher).

A ma droite (bien sûr) LALOI et à ma gauche (bien sûr) LARUE, le combat peut commencer pour désigner la championne du monde de la DE-MO-CRA-TIE. »





Gong !

Dès le gong,  LALOI a perdu toute sa superbe, elle court aux quatre coins du ring cherchant désespérément à échapper aux mains de LARUE  qui la poursuit sans trêve. Elle tremble de peur ! Le match se transforme en course poursuite sous le regard hilare d’un public populaire qui se délecte de voir cette pimbèche mise à mal par leur copine. Elle se cache derrière l‘arbitre, crie, pleure, appelle sa maman, son papa, son entraîneur qui veut lui donner du courage : « Tu es LALOI, tu dois gagner, vas-y, tape ! mais tape donc ! Il n’y a pas plus fort que LALOI, ma petite. Les dieux et moi sommes avec toi… » Et l’autre de courir sans trêve, de tenter de s’échapper du ring,  d’être rattrapée in extremis sous les quolibets d’un public ravi. « Tu fais plus la fière ! Péteuse ! Péteuse ! Péteuse ! Remboursez ! Remboursez ! »

L’arbitre se sent obligé d’arrêter un combat (qui n’a pas vraiment commencé) pour rappeler à LALOI la loi : « Mademoiselle il faut se battre ! Il ne suffit pas de fanfaronner. » Et elle de reprendre sa course effrénée autour d’un ring qui est pour elle un enfer. Devant cette débâcle, son entraineur Mac Rond décide brutalement de jeter l’éponge sur le ring, pour signifier son abandon. Mais comme c’est un grand maladroit l’éponge tombe malheureusement sur le visage de LARUE qui, prise d’une colère que l’absence de combat a décuplée, se jette sur lui pour lui en aligner une qui le met immédiatement KO. Et toute la salle de s’éclater !

« LARUE vainqueueueuzzze ! hurle le speaker au milieu d’une foule en liesse. C’est une chance pour la démocratie de se retrouver dans de si bonnes mains ! »

Et cerise sur le gâteau : Mac Rond au tapis !

Jean-Marie Philibert

mercredi 27 septembre 2017

le redoutable


N’ayez pas peur du Redoutable

J’appartiens à une génération qui a appris le cinéma avec la nouvelle vague, avec Godard, c’est dire la curiosité qu’a pu susciter chez moi le dernier film de Michel Hazanavicius, intitulé « Le Redoutable » et qui raconte le tournant de la vie et l’œuvre de Godard en 1968. Après les succès d’A bout de souffle, de Pierrot le Fou, du Mépris, il tourne la Chinoise, où il met en scène Anne Wiazemsky, sa cadette de vingt ans. Il commence sa conversion au maoïsme, il aime Anne, ils sont heureux, ils se marient. Et affrontent ensemble un monde qui se délecte à se vautrer dans LA révolution de 68 dans laquelle, tel Le Redoutable sous-marin célèbre de ce temps, il se laisse submerger, sans la crainte des ratages,  au point de ne plus imaginer qu’un cinéma révolutionnaire, à travers le groupe Dziga Vertov. Le metteur en scène reprend dans son scénario le récit distancié et amusé fait par Anne Viazemski de cette période, de leur vie, de leur séparation dans un livre « Un an après » au moins aussi captivant que le film. L’amour partagé d’Anne est sacrifié sur l’autel d’un cinéma en ébullition que Godard rêve de réinventer : les films qui suivront illustreront la difficulté de la tâche. Son impossibilité ? Et bien sûr parce qu’Hazanavicius adore le pastiche (rappelez-vous The Artist où il nous renourrissait des plaisirs du cinéma muet), ici, c’est la camera de Godard qui lui sert de modèle, les gros plans, les adresses directes aux spectateurs, les plans séquences, un récit haché, mais construit. Une vie réinventée, mais qui a la richesse d’un moment de l’histoire où tous les possibles étaient à portée de la main. Un réel plaisir auquel tous les acteurs apportent leur contribution !

Jean-Marie Philibert.

lundi 25 septembre 2017

rupture


Pour la rupture !



La chose politique se nourrit souvent de schématisation, très utile aux acteurs, comme aux commentateurs. La simplification à outrance autorise manipulations, surenchères et quelques libertés avec la vérité. Elle est très utile aux bourrages de crânes. Essayons d’en sortir…

La capacité à faire la clarté et la synthèse est d’autant plus nécessaire que les enjeux d’importance qui passent par la sphère politique ne concernent pas que les questions de pouvoir, mais aussi les questions économiques et sociales, la vie culturelle, l’aménagement et la gestion des collectivités territoriales, la santé, la protection des citoyens et l’ordre public, sans oublier la nature que l’on semble découvrir. Le tout à placer dans un devenir qui se nourrit de toutes nos expériences, de nos craintes, mais aussi de nos aspirations.

Les modèles anciens craquent

Et il y a des moments charnières, des moments où les modèles anciens en place craquent de toutes parts, même si les réactionnaires de tous poils ne rêvent que de les prolonger parce qu’ils assurent un avenir, croient-ils, aux puissances de l‘argent, leur dieu tutélaire. Nous sommes à un de ces moments. Macron est de ceux-là.

Dans cet affrontement entre l’ancien et le nouveau, tout devient possible. Regardez l’élection présidentielle, les législatives : on fait d’un jeune blanc bec un des maîtres du monde et de sa bande de bras cassés une représentation nationale. On  (certains ?) y croit un temps, puis ils y croient moins, et même parfois plus du tout. La démocratie est malade, mais ça ne fait rien, des régressions en tous genres sont programmées, sous prétexte de réformes et de modernisations. En fait il faut casser le modèle social qui reste trop prégnant de façon à ce qu’entre l’ancien et le nouveau disparaisse dans les limbes de notre histoire le trop-nouveau (insupportable !) c’est-à-dire l’aspiration à changer le monde, la soif de justice, le besoin de progrès. On réinvente donc l‘ancien en pire, le salarié sans droit, le retraité sans le sou, le jeune sans avenir autre que l’ubérisation de sa vie. Et on secoue ceux qui résistent, des fainéants, des riens ! La dureté du monde… inexorable ?

Il ne suffit pas

Il me semble, qu’au moment où face à une telle situation se construit, avec difficulté certes, mais avec obstination un mouvement social d’envergure, la pire des démarches serait de le réduire à un grand YAKA, à un massif FAUTQUON, même portés par des foules en liesse. Il suffirait de peu, d’un élan, d’un mouvement, d’un leader, de propos offensifs, d’un zeste d’insoumission… 

Je crains que cela soit plus compliqué : il faut que la foule reste la foule et s’élargisse encore et encore pour devenir le peuple. Il faut que son enthousiasme reste à la hauteur de ses aspirations. IL faut de l’unité (je répète de l’unité), de l’organisation, de l’information, de l’invention, de la résistance, et de la persévérance. Il faut se méfier des mirages d’où qu’ils viennent. Il faut débattre, comprendre, parler et écouter.



Compliqué… peut-être

Et il importe, tâche éminemment compliquée, de dresser les contours d’un modèle alternatif apte à porter des réponses sur les ruptures à mettre en œuvre avec le système en place. Un projet transformateur commun aux forces politiques progressistes, à toutes les femmes, à tous les hommes de progrès. Le commun, camarades, à dessiner.

Je pense qu’il ne peut se construire que dans le mouvement d’une société travaillant à sa révolution, qui se méfie des slogans réducteurs, qui est consciente de sa richesse, de sa complexité ; le rôle d’un journalisme politique responsable (et c’est celui que le tc ambitionne) est d’en être sans rien taire de l’ampleur et de la difficulté de la tâche. Excusez-moi d’être un peu plus sérieux que d’habitude, l’heure le mérite.



Jean-Marie Philibert.